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Logo de la réunion annuelle conjointe de la Banque mondiale et du FMI (octobre 2022). © Shutterstock
INTERVIEW - Quel rôle jouent la Banque mondiale ainsi que les autres banques multilatérales de développement ? Notre compatriote Nathalie Francken - administratrice au groupe de la Banque mondiale et antérieurement collaboratrice au sein de notre SPF - nous a donné tous les détails (partie 2).
Dans la première partie, nous avons abordé les défis du Groupe de la Banque mondiale dans le contexte géopolitique actuel. Ici, nous détaillons l'importance de la Banque mondiale et le rôle de la Belgique au sein de celle-ci.
Tout le monde a entendu parler de la Banque mondiale, mais de quoi s'agit-il exactement ?
La Banque mondiale - ainsi que son homologue, le Fonds monétaire international (FMI) - a été créée peu après la Seconde Guerre mondiale. On les surnomme institutions de Bretton Woods. Au départ, elles devaient se concentrer sur la reconstruction de l’Europe. Mais les pays d'Amérique du Sud ont insisté pour qu'elles visent également le développement. C'est pourquoi l'une des institutions du groupe de la Banque mondiale - cette dernière comprend en fait quatre institutions, voir encadré - s'appelle la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD).
Les principaux objectifs du groupe de la Banque mondiale, appelés doubles objectifs, sont de réduire la pauvreté et d'assurer une prospérité partagée en mettant l'accent sur les plus démunis, et ce, sur une planète habitable et durable. Autrement dit, nous nous efforçons de favoriser une croissance inclusive et réduisons les inégalités en renforçant les capacités des pouvoirs publics et en promouvant un climat des affaires durable. Parallèlement, nous accordons une grande attention à la lutte durable contre le changement climatique.
Le groupe de la Banque mondiale fait partie des banques multilatérales de développement qui fonctionnent comme une « coopérative mondiale » dans le cadre de laquelle la communauté internationale agit en tant qu'actionnaire. Au sein de la BIRD, par exemple, 189 pays ont un siège, tandis qu'au sein de l'Association internationale de développement (IDA), le nombre de pays représentés s’élève à 175. Les États-Unis constituent l'actionnaire le plus important.
La gouvernance repose sur le Conseil des gouverneurs, qui comprend principalement des représentants des gouvernements. Ces derniers ont largement délégué leur pouvoir de décision à un conseil des administrateurs, composé de 25 membres. J'y siège en tant que représentante de neuf pays.
Le groupe de la Banque mondiale comprend quatre institutions :
(1) la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), la plus grande banque de développement au monde comprenant 189 pays membres ;
(2) l'Association internationale de développement (International Development Association - IDA) se concentre sur le soutien aux 78 pays les plus pauvres ;
(3) la Société financière internationale (International Finance Corporation - IFC) se focalise sur le secteur privé et la création de marchés ;
(4) l'Agence multilatérale de garantie des investissements (Multilateral Investment Guarantee Agency - MIGA) sécurise et facilite l'octroi de crédits pour les investissements transfrontaliers et à haut risque.
Quels sont les rapports entre la Banque mondiale et le FMI ?
En tant qu'organisation sœur de la Banque mondiale, le FMI - avec ses 191 membres - se préoccupe avant tout de la « stabilité macroéconomique ». Il soutient les politiques économiques qui favorisent la stabilité financière et la coopération monétaire. Si un pays rencontre des difficultés financières et que sa stabilité se trouve menacée - comme la Grèce lors de la crise de l'euro en 2010 - le FMI lui apporte le soutien nécessaire.
Le Fonds monétaire international remplit donc clairement un mandat différent de celui de la Banque mondiale. Cependant, il travaille en étroite collaboration sur des questions telles que la gestion financière saine, la gestion durable de la dette ou la politique fiscale.
Quelles sont les autres banques multilatérales de développement ?
Après la création du groupe de la Banque mondiale, d'autres banques de développement ont progressivement vu le jour afin de se concentrer sur une région spécifique. Ces BMD régionales constituent des organisations sœurs du groupe de la Banque mondiale qui poursuivent le même objectif.
La Belgique est activement représentée au sein de la Banque africaine de développement, de la Banque ouest-africaine de développement, de la Banque interaméricaine de développement, de la Banque asiatique de développement, de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et, bien sûr, de la Banque européenne d'investissement, dont le mandat externe, bien que restreint, ne cesse de progresser. Au total, il existe plus de 20 banques multilatérales de développement.
Concrètement, que fait la Banque mondiale ?
En sa qualité d'institution financière, la Banque mondiale fournit une assistance technique et un soutien financier aux pays à revenu intermédiaire et faible pour un large éventail de projets : des infrastructures aux énergies renouvelables en passant par la protection sociale et les soins de santé. Si un pays est confronté à des difficultés, la Banque mondiale, en tant qu'institution internationale de référence, peut également fournir des conseils très précieux, dans tous les domaines possibles.
Plusieurs grands pays à revenu intermédiaire, comme la Chine et l'Inde, apprécient grandement les conseils de la Banque mondiale. Ces pays reçoivent également un soutien financier. Ils coopèrent efficacement avec la Banque mondiale et accordent de l'importance à ses conseils. Cette attitude est très positive.
Par ailleurs, nous apprécions de savoir que la Banque mondiale fait régulièrement appel à l'expertise belge au sein de nos universités et de nos instituts de recherche tels que le VITO, entre autres dans le cadre de sujets tels que le développement durable, la fragilité et le lien entre l'aide humanitaire, la coopération au développement et la consolidation de la paix - en particulier au Sahel et en Afrique centrale - ainsi que la gestion des finances publiques. Cette dernière ne consiste pas seulement à collecter les impôts, mais aussi à dépenser l'argent de manière efficace. L'agence belge de développement (Enabel) et la Société belge d'investissement pour les pays en développement (BIO) partagent également leur expertise avec la Banque mondiale.
Par exemple, que fait la Banque mondiale pour un pays comme la République démocratique du Congo ?
En RD Congo, la Banque mondiale vise à stabiliser la région et à renforcer la bonne gouvernance ainsi que le développement humain. L'accent est mis sur l'accès à des services de base de qualité. Actuellement, le groupe de la Banque mondiale y détient un portefeuille d'environ 8,4 milliards de dollars pour un large éventail de projets. L'une des initiatives les plus ambitieuses soutient la politique éducative du gouvernement de la RD Congo et vise à donner à tous les enfants un accès gratuit à une éducation primaire de qualité.
En outre, la Banque mondiale collabore étroitement avec d'autres partenaires de développement tels qu'Enabel. Cette coopération s'est avérée cruciale pendant la crise du coronavirus et reste importante pour l'eau et l'assainissement. Seuls 19 % de la population congolaise ont accès à l'électricité. Le groupe de la Banque mondiale apporte son soutien au gouvernement en vue de développer et d’améliorer l'approvisionnement en énergie durable. Des collègues d'autres pays - y compris les États-Unis – nous consultent régulièrement afin de partager nos idées et notre expertise sur le Congo.
La Banque mondiale joue-t-elle un rôle important dans le développement ?
La Banque mondiale occupe une place prépondérante dans le débat international sur le développement. Non seulement en raison de l'ampleur de ses opérations, mais aussi du fait de son statut d'institution de référence, la banque détermine l'orientation de la communauté internationale.
En outre, son « effet de levier financier » fait de la Banque mondiale un acteur unique au sein de la communauté internationale. En effet, grâce à son accès aux marchés financiers, chaque euro qu'un pays comme la Belgique verse à la banque se traduit par 4 à 8 euros de soutien aux pays dans lesquels cette institution opère. Cette façon d'utiliser les maigres ressources consacrées à la coopération au développement se révèle extrêmement efficace.
De plus en plus, un grand nombre de pays semble en prendre conscience. Prenons l'exemple des Pays-Bas, où le tout nouveau gouvernement a décidé - malheureusement - de réduire les dépenses pour la coopération au développement, bien qu’il continue à s'appuyer fortement sur la Banque mondiale. Pourquoi ? Parce que son action est cruciale pour la stabilité et la sécurité. Elle peut s'attaquer à des problèmes qu'un pays ne peut gérer à son échelle. L'évolution actuelle tendant vers un monde multipolaire ne profite pas à la prospérité, estime le gouvernement néerlandais ; la Banque mondiale peut y remédier.
Notons que le MOPAN - une organisation qui évalue les institutions internationales - attribue systématiquement à la Banque mondiale des notes allant du vert au vert foncé. Nous nous en tirons donc bien. À tous les niveaux, nous utilisons l'argent des contribuables à bon escient.
Dans toutes les grandes crises – le coronavirus par le passé, aujourd'hui la reconstruction de la Syrie, l'Ukraine, Gaza... -, la Banque mondiale joue un rôle très important sur le plan géopolitique, tant au niveau financier que du point de vue de l'expertise. À titre d'illustration, entre avril 2020 et mars 2021, la Banque mondiale a engagé plus de 200 milliards de dollars - un niveau de soutien financier sans précédent - auprès de ses clients des secteurs public et privé pour lutter contre les effets de la pandémie de coronavirus. Et depuis février 2022, nous avons mobilisé plus de 57 milliards de dollars en soutien financier destiné à l'Ukraine.
Quelle influence la Belgique exerce-t-elle dans les BMD ? Quel rôle le SPF Affaires étrangères et le SPF Finances jouent-ils dans ce contexte ?
Dans la plupart des banques de développement, le ministre belge des Finances occupe le poste de gouverneur et le ministre de la Coopération au développement celui de vice-gouverneur. Dans les banques africaine et ouest-africaine de développement, en revanche, c’est l’inverse. Au FMI, la fonction de gouverneur est assurée par le gouverneur de la Banque nationale et celle de vice-gouverneur par le ministre des Finances.
Nous nous appuyons sur notre expertise cumulée – celle des administrations concernées, de notre réseau d’ambassades et de consulats, ainsi que de nos partenaires comme Enabel et BIO – pour tenter, en tant qu’équipe, de peser autant que possible dans les débats importants pour notre pays. Ces sujets comprennent l’approche fragilité, l’égalité de genre, la bonne gestion financière ainsi que l’efficience et l’efficacité du fonctionnement.
En ce qui concerne la représentation auprès de la Banque mondiale, les Affaires étrangères et les Finances ont conclu un accord. Le SPF Finances « fournit » l’administrateur (ou l’administrateur suppléant) – mon rôle actuel – et un conseiller. Le SPF Affaires étrangères – plus précisément, la direction générale de la Coopération au développement – veille à occuper le poste de conseiller senior.
Assurément, la Belgique jouit d’une représentation solide à la Banque mondiale. Il sera toutefois essentiel de maintenir notre participation à l’avenir.
Qui sont les actuels représentants de la Belgique à la Banque mondiale ?
- Nathalie Francken, bestuurder in IBRD, IDA, IFC en MIGA, verantwoordelijk voor België en 8 andere landen;
- Jan Van de Poel, senior adviseur en vertegenwoordiger van de directie-generaal Ontwikkelingssamenwerking (FOD Buitenlandse Zaken);
- Jolien Ovaere, adviseur en vertegenwoordiger van de Thesaurie (FOD Financiën).
Lire également la 1re partie de l’interview : Le groupe de la Banque mondiale dans le contexte géopolitique actuel
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