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Nina Wilén lors de sa conférence à l’ambassade de Belgique à Addis-Abeba (© SPF Affaires étrangères).
C’est à Addis-Abeba, capitale diplomatique de l'Afrique, que notre ambassade a lancé le concept de « conversations géopolitiques ». L'objectif est de favoriser l'empathie et la compréhension entre les différentes nationalités lors d'un débat ouvert. Cette démarche répond à un besoin pressant dans un monde troublé à la recherche d'un nouvel équilibre géopolitique.
Un monde en mouvement
C’est un euphémisme que d’évoquer les changements que traverse notre monde. En effet, l'équilibre des pouvoirs - le contexte géopolitique - est littéralement en train de basculer. Tandis qu'après la chute du mur, nous vivions dans un monde plutôt unipolaire - dont les États-Unis constituaient la superpuissance directrice -, ces dernières années, d'autres géants prennent progressivement une place prépondérante. La Chine n'est pas la seule, puisque la Russie, elle aussi, veut renouer avec son passé glorieux. L'Inde et le Brésil s'affirment également comme des nations de premier plan.
Avec l'Afrique du Sud, ces quatre pays ont uni leurs forces pour former les BRICS, dont l'objectif consiste à contrebalancer l'Occident. D'autres pays comme l'Égypte et l'Éthiopie les ont rejoints. Le continent africain gagne également en autonomie et en indépendance.
Des diplomates en action
Cette recherche effrénée d'un nouvel équilibre s'accompagne toutefois d'une grande méfiance. L'ambassadeur Stefaan Thijs en a fait l'expérience lorsqu'il a débuté ses fonctions à l'ambassade de Belgique à Addis-Abeba (Éthiopie), sa première affectation en Afrique. « J'ai été choqué par la perception de l'Europe et de l'Occident dans ce pays », explique-t-il. « Une image très négative - teintée par le colonialisme - y est très ancrée ».
En parallèle, nous avons besoin les uns des autres, surtout face aux défis auxquels nous sommes confrontés : dérèglement climatique, pandémies éventuelles... « En raison de la concurrence de la Chine et de la Russie, l'Afrique et l'Europe perdent en parts de marché et en coopération », explique Stefaan Thijs. « Or, dans un contexte géopolitique en pleine mutation, nous avons désespérément besoin d'une coopération renouvelée. » Et c'est là que la diplomatie doit jouer son rôle. « À mesure que le monde sombre dans l'agitation et les conflits, il devient de plus en plus nécessaire pour les diplomates d'agir pour renforcer la compréhension mutuelle. »

Sven Biscop lors de sa conférence à l’ambassade de Belgique à Addis-Abeba (© SPF Affaires étrangères).
Nécessité d'échanges
Quel meilleur endroit pour ce faire qu'Addis-Abeba, la capitale diplomatique de l'Afrique ? Quelque 119 ambassades sont présentes dans cette ville qui abrite le siège de l'Union africaine (UA). Une analogie avec Bruxelles, où se trouve le siège de l'Union européenne, paraît évidente. « Addis-Abeba et Bruxelles partagent de nombreux points communs », explique Stefaan Thijs. « Pourtant, contrairement à l'effervescence de Bruxelles, les groupes de réflexion sont très peu nombreux ici ».
C'est ainsi qu'est née l'idée d'organiser des rencontres entre différents pays, dans le cadre d'échanges ouverts et respectueux, afin de favoriser une connaissance et une compréhension mutuelles. Parmi ses homologues ambassadeurs issus des quatre coins du monde et des Nations Unies, la proposition de Stefaan Thijs a bénéficié d'une grande sympathie. « De tels moments d'échange étaient manifestement nécessaires », a-t-il déclaré.
Le ministère éthiopien des Affaires étrangères s'est également montré très favorable au concept. « En effet, ces initiatives contribuent à accroître le rayonnement d'Addis-Abeba et à instaurer une culture du débat ».
Réflexion sur le monde
Forte de ces appuis, notre ambassade a élaboré une formule sous le nom de « conversations géopolitiques à Addis-Abeba ». « Différentes ambassades organiseraient un séminaire à tour de rôle. Pour ce faire, elles inviteraient des experts issus de leur pays à exposer leur point de vue, avant de lancer un débat ouvert ».
L'objectif consiste à mener une réflexion sur l'évolution du monde. Quelle forme doit revêtir la gouvernance mondiale à l'avenir ? Comment relever les défis mondiaux - inégalités et pauvreté, climat, mouvements migratoires, nouvelles technologies... - à l'échelle planétaire ? Comment parvenir à un juste équilibre entre les valeurs universelles et les intérêts nationaux ? Le rôle que l'Afrique peut jouer dans ce contexte est essentiel.
Un autre avantage de ce concept réside dans le fait de prêter plus d'attention à l'expertise non occidentale. Stefaan Thijs déclare : « Force est de constater que des journaux tels que le Financial Times, le New York Times et Le Monde diplomatique donnent principalement la parole à des experts occidentaux. Les spécialistes d'Amérique latine, d'Asie et du Moyen-Orient ne sont guère entendus. En organisant nos conversations, nous leur offrons une plateforme de communication. »
Les échanges se déroulent toujours sous la houlette d'un groupe de réflexion académique local, notamment le Centre for Dialogue, Research, and Cooperation. Chaque conversation fait par ailleurs l'objet d'un podcast.

Le débat à l’ambassade de Belgique a suscité beaucoup d’intérêt (© SPF Affaires étrangères).
Constructive et empathique
Le 23 janvier, l'ambassade de Belgique a donné le coup d'envoi avec Sven Biscop et Nina Wilén, des experts associés à l'Institut Egmont. Sven Biscop a évoqué le nouveau contexte géopolitique mondial d'un point de vue belge et européen. Quant à Nina Wilén, elle s'est exprimée sur la manière dont l'Europe envisage la position de l'Afrique dans ces bouleversements mondiaux.
La résidence belge à Addis-Abeba a accueilli non moins de 90 personnes intéressées issues de divers horizons : des diplomates de 30 nationalités différentes, 15 journalistes, quelques étudiants, des représentants d'agences de l'ONU et un certain nombre de particuliers.
En tout état de cause, le concept a remporté un franc succès. Les orateurs ont proposé des points de vue fascinants et le débat qui a suivi s'est révélé à la fois riche et ouvert. Les participants ont vraiment ressenti qu'il était possible d'avoir une conversation constructive et empathique avec des personnes aux origines diverses.
Le 25 juin, un débat a eu lieu à l'ambassade de Turquie sur les enjeux mondiaux et plus particulièrement sur l'Afrique. Les ambassades du Maroc, de Norvège, d'Indonésie, d'Arabie Saoudite, du Kenya et d'Égypte à Addis-Abeba ont également manifesté leur intérêt pour l'organisation d'une « conversation géopolitique ». À la fin de la série de séminaires, tous les débats aboutissent à la rédaction d'un document final. Leur « fil rouge » sera également expliqué.
En somme, il s'agit d'une remarquable initiative destinée à contribuer à la recherche pacifique d'un nouvel équilibre géopolitique dans le contexte actuel, marqué par une plus grande multipolarité.
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