Comment rapatrier 11 266 Belges ?

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Les Belges rapatriés du Maroc

Rapatriement des belges depuis le Maroc

Rares sont ceux qui avaient prévu la crise du coronavirus, et encore moins son ampleur. Mais en mars 2020, les pays sont subitement entrés en confinement les uns après les autres. De nombreux États ont également fermé leur espace aérien, empêchant ainsi les touristes à l'étranger, dont des milliers de Belges, de regagner leur pays. Notre SPF Affaires étrangères - tant l'administration centrale à Bruxelles que les différents postes (ambassades et consulats) - a dû passer rapidement à la vitesse supérieure.

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Les employés du SPF au centre de crise

Le centre d'appel du Centre de crise des affaires étrangères est actif en permanence depuis la mi-mars. © SPF AE/FOD BZ

Centre de crise et Facebook

Le centre d'appel du centre de crise a été mis en place à l'administration centrale. Des volontaires du SPF ont été mobilisés pour répondre aux appels de Belges à l'étranger et de leurs familles. Le département a immédiatement mis en place plusieurs équipes et a continué à travailler le week-end. Le centre de crise était également accessible la nuit pendant 9 jours.

Cette crise était clairement différente de toutes les autres, explique Bénédicte Versailles, directrice du centre de crise des Affaires étrangères. « En effet, une crise est normalement circonscrite à un continent ou un pays. Or, dans ce cas-ci, c'est l'ensemble de notre réseau mondial qui a été touché et nous avons dû agir à plusieurs endroits simultanément. »

Sur la page Facebook Diplomatie.Belgium, le chat a été renforcé par des bénévoles à Bruxelles et à New York pour répondre aux questions des Belges 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Un groupe Facebook a vu le jour pour permettre aux Belges bloqués d'échanger des informations entre eux.

Chiffres clés (situation au 15 juin 2020)

 

11 266 Belges rapatriés dont 2724 par des vols organisés par d'autres pays de l'UE

1828 rapatriements de non-Belges

47 vols de rapatriement ont été initiés par la Belgique elle-même, 12 vols ont été facilités par la Belgique

263 volontaires dont 159 pour le centre d'appel du centre de crise et 104 pour répondre aux questions sur Facebook

41 115 appels au centre de crise

60 000 questions traitées via Facebook

 

Une avalanche de demandes

Nos postes ont été confrontés à une situation sans précédent. Des milliers de Belges devaient rentrer en Belgique alors que tous les vols commerciaux étaient annulés. En un temps record, un poste a dû se muer en une sorte d'agence de voyage dans des circonstances difficiles. De nombreux Belges se trouvaient aux quatre coins de la circonscription du poste. Par exemple, l'ambassade de Dakar devait également prendre en charge les personnes bloquées sur une île du Cap-Vert dépourvue d'aéroport. De même, le consulat général de Chennai couvre une superficie égale à la moitié de celle de l'Europe.

L'ambassade de Belgique à Rabat a été inondée de demandes par mail et par téléphone : en 5 jours, elle a reçu 6161 mails. Du personnel supplémentaire a été recruté au pied levé et des volontaires des services consulaires ont également été enrôlés à l'administration centrale. Au total, une équipe de 30 personnes a essayé de traiter au mieux cet afflux massif.

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Le ministre Goffin en vidéoconférence

Le ministre des affaires étrangères Goffin a suivi de près les rapatriements depuis Bruxelles, notamment par vidéoconférence avec les ambassadeurs. © SPF AE/FOD BZ

Travellers Online

La base de données des voyageurs Travellers Online a déjà prouvé son utilité. Depuis quelques années, nos compatriotes peuvent enregistrer volontairement leurs voyages à l'étranger. Cette initiative permet à l'ambassade d'être informée de leur présence et de les joindre. Pendant la crise du coronavirus, les postes ont utilisé Travellers Online comme point de départ. Tous les Belges en déplacement enregistrés dans la base de données ont reçu un message électronique. « Sur la base des réactions - ‘’ Je suis toujours ici et souhaite être rapatrié ‘’ - nous avons établi une liste des Belges désireux de rentrer », explique Thomas Hiergens de l'ambassade à Dakar.

Mais la réalité est toujours un peu plus complexe. Hiergens déclare : « Tous les voyageurs ne s'enregistrent pas, d'autres ne consultent pas leurs mails, ou négligent de nous informer de leur départ. Les listes des "voyageurs belges qui souhaitent rentrer" ne sont donc jamais exhaustives. » Il est important de faire connaître encore mieux Travellers Online et de faire valoir son utilité.

Affrètement des vols

L’affrètement d’un avion n’avait de sens que s'il y avait suffisamment de Belges qui voulaient rentrer d’une juridiction déterminée, s'il n'y avait plus de vols commerciaux et si la situation sanitaire se détériorait. Des compagnies aériennes telles que Brussels Airlines et Air Belgium ont notamment participé à cette opération. Pas toujours aussi simple qu'il n'y paraît. Par exemple, l'état d’urgence sanitaire au Maroc a été appliqué de manière très stricte et ces contraintes sanitaires se sont ajoutées au contexte du ramadan, ce qui a compliqué l'organisation des vols de retour.

Pour un plus petit nombre de Belges, les postes ont cherché des places sur des vols organisés par d'autres pays de l'UE. « Cette démarche nécessite une concertation intense », déclare Hiergens. « Un travail complexe dans lequel vous devez communiquer clairement et rapidement, tant avec les ambassades qu'avec les voyageurs potentiels. »

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Maryline, Vigjilent et un chauffeur de taxi

Les Belges bloqués ont reçu de nos missions les documents nécessaires pour pouvoir se rendre à l'aéroport. © Maryline Delvallée

Laisser-passer

Comment ramener les Belges depuis des régions éloignées ? L’ambassade à Rabat a affrété des bus. « Nous avons également spécialement aménagé un centre d’appel afin d’appeler la veille de leur départ tous les passagers enregistrés et de confirmer les instructions logistiques données par e-mail : heure et emplacement des bus, permis de se déplacer… », déclare l’ambassadeur Trenteseau (Rabat). « Nous avons ainsi pu éviter que de nombreuses personnes ratent leur bus car celui-ci partait souvent très tôt le matin au départ de plusieurs villes ».

Dans de nombreux autres cas, les Belges devaient se rendre à l’aéroport par leurs propres moyens, par exemple en taxi ou en bateau. Le poste leur a communiqué les recommandations utiles et leur a également fourni les autorisations nécessaires. Par exemple, Toon Nicolai était bloqué sur une île du Cap-Vert dépourvue d’aéroport. « Nous avions besoin d’un laissez-passer pour quitter l’île », déclare-t-il. « Nous avons dû aller nous-mêmes le retirer auprès des autorités locales, mais l’ambassadeur belge à Dakar nous a adressé une lettre de recommandation par e-mail à cet effet. »

Le consulat général à Chennai a également délivré les documents nécessaires. L’Inde a pour autre complication qu’on ne peut pas aisément voyager d’un État à un autre, et certainement pas dans une situation de confinement. « Pour permettre aux Belges de rejoindre l’aéroport depuis différents États, nous avons émis un laissez-passer », explique la collaboratrice locale Dhivviaa Ramakrishnan. « Nous avons également fourni une carte de transit via les autorités locales, ainsi qu’un permis nécessaire du ministère indien des Affaires étrangères. »

Le rôle essentiel des autorités locales

Un bon contact avec les autorités locales s’est avéré essentiel dans de nombreux cas. « Elles se montraient disponibles à tout moment et nous contactaient souvent par téléphone ou e-mail jusque tard le soir pour nous informer qu’elles avaient trouvé une solution », raconte Mme Ramakrishnan. « Nous avions le sentiment que les Belges se trouvaient entre de bonnes mains. »

L’ambassadeur Trenteseau l’a également confirmé : « Les liens de confiance très forts avec les autorités locales ont constitué l’un des ingrédients du succès de notre opération. Ce sont précisément ces relations de confiance avec nos partenaires directs qui nous ont permis de résoudre de nombreuses situations problématiques. »

Des efforts soutenus qui ont porté leurs fruits

Dans l’ensemble, nos postes ont connu une expérience satisfaisante. Ils ont néanmoins travaillé d’arrache-pied, et les longues soirées et les week-ends de travail étaient inévitables, surtout durant les premières semaines. L’aspect humain a été source d’une grande satisfaction et a donné aux équipes la force de continuer ». « Surtout sur nos propres vols de rapatriement », déclare Thomas Hiergens. « En effet, nous avons accompagné personnellement les Belges à l’aéroport ».

Dans nombre de cas, les collaborateurs dans les postes n’avaient pas la possibilité de se rendre eux-mêmes « sur le terrain ». Le contact avec les Belges ne se déroulait alors que par e-mail, par téléphone ou via WhatsApp. Mais ces échanges ont eux aussi généré de la satisfaction, et assurément lorsque les mails de remerciement affluaient une fois les Belges rentrés chez eux.

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Dhivviaa Ramakrishnan

La plupart de l'assistance a été fournie virtuellement ou par téléphone. © Consulat général à Chennai

Des Belges pour la plupart satisfaits

« Les contacts avec l’ambassade étaient fluides », affirme M. Nicolai. « Nous savions à quel moment un avion arriverait et ce que nous devions faire. L’information était pertinente. » Maryline Delvallée, en voyage dans le Kerala, évoque cet épisode avec gratitude : « Je me réjouissais vraiment de pouvoir travailler avec le consul général. Il a suivi notre cas avec la plus grande diligence. Nous ne pouvons que féliciter chaleureusement le consulat général ! »

Bien entendu, il y a eu d’autres échos, surtout à l’ambassade à Rabat. L’énorme afflux de demandeurs ne garantissait pas toujours une réponse directe aux questions posées. L’implication de personnes supplémentaires et l’organisation de groupes WhatsApp à des fins de centralisation de l’information ont permis de résoudre le problème.

Mais le mal était fait. L’ambassadeur Trenteseau explique : « Au début de la crise, des groupes Facebook ont vu le jour à des fins de partage d’expériences entre voyageurs se trouvant dans l’impasse. Certains ont très vite été utilisés par leurs administrateurs ou par des influenceurs malintentionnés qui voulaient s’en servir comme d’un moyen de pression contre notre SPF. Exemples : rendre la Belgique responsable de la fermeture des frontières marocaines ainsi que des problèmes relatifs au rapatriement ; ce qui a attisé le mécontentement… Cette campagne de désinformation a causé de graves dommages parce qu’elle a compliqué les discussions avec les autorités marocaines, mais aussi parce qu’elle a entraîné la diffusion de fausses informations. »

Toutefois, le SPF Affaires étrangères peut se féliciter de sa gestion de cette crise sans précédent. Des milliers de Belges sont rentrés en toute sécurité et se sont déclarés très satisfaits des services fournis par nos postes. Notre SPF a retenu de nombreuses leçons qui seront intégrées à une feuille de route des bonnes pratiques.