Conférence des Nations Unies sur l’océan : la Belgique, une nation océanique

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Photo de corail blanchi au-dessus duquel nagent des dizaines de poissons colorés

Bien qu’essentiel à la survie de l’humanité, l’océan traverse une crise majeure. Au bas de la photo, vous pouvez voir du corail blanchi. Le corail blanchit lorsque les algues symbiotiques disparaissent de ses tissus en raison du réchauffement de l’eau et de la pollution, entre autres. Le corail perd sa principale source de nourriture et devient plus sensible aux maladies (© Getty Images).

La Conférence des Nations Unies sur l’océan, organisée à Nice (France), a marqué une étape décisive sur la voie de l’entrée en vigueur du traité BBNJ pour la protection de la haute mer. Dans ce contexte, la Belgique se profile de plus en plus comme une nation océanique. L’ambassadeur Willem van de Voorde, notre Envoyé spécial pour le climat et l’environnement, nous en dit plus.

Messages clés

  • L’océan est essentiel à la survie de l’humanité, mais il traverse une crise majeure.
  • La Conférence des Nations Unies sur l’océan est parvenue à motiver les pays à s’engager davantage en faveur de la protection de l’océan.
  • Si les prévisions se confirment et que le cap des 60 ratifications est atteint début septembre 2025, le traité BBNJ pourra entrer en vigueur très bientôt.
  • La Belgique s’est imposée comme une nation océanique, s’engageant fermement pour la santé des eaux marines. Elle a ratifié officiellement le traité BBNJ et a mené une campagne en vue d’accueillir le secrétariat du traité BBNJ à Bruxelles.

La troisième Conférence des Nations Unies sur l’océan (UNOC3), qui s’est tenue du 9 au 13 juin 2025 dans la ville française de Nice, a bénéficié d’une très large couverture médiatique. Au total, 30 000 personnes ont pris part à l’événement, tandis que 64 chefs d’État et de gouvernement ont répondu présent.

Ces statistiques attestent à elles seules de la prise de conscience accrue de l’importance de l’océan. En effet, il n’est pas exagéré d’affirmer que l’océan joue un rôle essentiel dans la survie de l’humanité (cf. encadré). Or, il traverse une crise majeure : acidification, surpêche, réchauffement, pollution de masse (notamment par le plastique)… Il devient urgent d’agir.
 

50 ratifications


D’après l’ambassadeur Willem van de Voorde, Envoyé spécial pour le climat et l’environnement auprès de notre SPF, la Conférence sur l’océan à Nice a déjà initié un changement de cap. De concert avec la ministre de la Justice, chargée de la mer du Nord, Annelies Verlinden et le ministre de la Mobilité, du Climat et de la Transition écologique Jean-Luc Crucke, il a mené la délégation belge à Nice. « J’ai trouvé que la Conférence était une réussite, en partie grâce à l’énergie du président français Emmanuel Macron. Elle a pu sensibiliser le public à la menace qui pèse sur l’océan, pourtant crucial pour le climat, ainsi qu’à la grande vulnérabilité des stocks halieutiques du fait de la surpêche, la pêche illégale et la pêche au chalut (une méthode recourant à d’immenses filets qui raclent le fond marin et y causent de nombreux dégâts, NDLR). »

Le résultat le plus remarquable de la Conférence est probablement l’avancement du traité BBNJ, qui entend convertir 30 % de la haute mer en zones marines protégées d’ici 2030. La haute mer désigne une zone immense, totalisant plus de 64 % de l’océan, qui ne relève d’aucune juridiction nationale. L’acronyme BBNJ correspond d’ailleurs à l’expression « marine Biodiversity of areas Beyond National Jurisdiction ».

« Près de 20 pays – dont la Belgique – ont déposé leur acte de ratification pendant l’UNOC3, se félicite Willem van de Voorde, faisant ainsi grimper le compteur à 50 ratifications. Nous avons bon espoir d’atteindre le seuil des 60 ratifications en septembre, avant l’Assemblée générale des Nations Unies. Au terme d’une période d’attente prévue de 4 mois, en janvier 2026 donc, le traité entrera officiellement en vigueur. Ensuite, une première « Conférence des parties » ou COP1 aura lieu dans l’année afin de préciser le traité. »

En outre, l’UNOC3 a suscité un élan manifeste. Comme l’explique notre Envoyé spécial : « Plusieurs pays ont pris des engagements forts. Par exemple, les îles Marshall et la Micronésie, de petits États insulaires, ont annoncé la création d’aires marines protégées (AMP) de grande envergure dans leur ZEE (zone économique exclusive, NDLR). Et ce, alors même qu’ils dépendent en grande partie de la pêche ! Un beau signal qui prouve aux autres pays que c’est possible. Le Portugal a lui aussi délimité des AMP autour des Açores. »

Pourquoi l’océan est-il si important ?

  • L’océan produit à peu près autant d’oxygène que la terre. Autrement dit, nous devons une inspiration sur deux à l’océan. Mieux encore, dans une perspective historique, les organismes marins sont à l’origine de 7/8e de l’ensemble de l’oxygène disponible.
  • L’océan absorbe un quart des émissions de CO2 de l’humanité, soit autant que la terre (arbres, plantes, roche…). De plus, il fixe ce CO2 définitivement dans les profondeurs. Cette absorption de CO2 entraîne cependant une acidification.
  • L’océan absorbe environ 90 % de la chaleur excédentaire de l’atmosphère. Il assure ainsi un rôle de tampon face au réchauffement climatique. Toutefois, l’augmentation de la température de l’eau de mer perturbe les écosystèmes marins et freine la dissolution de l’oxygène.
  • L’océan régule notre météo. Un océan plus chaud augmente les probabilités d’événements météorologiques extrêmes tels que des pluies intenses ou des tempêtes violentes.
  • La biodiversité de l’océan représente 15 % des protéines animales consommées par l’être humain.
  • Plus de 150 millions d’emplois dépendent de l’océan, dans des domaines tels que la pêche, l’aquaculture, la navigation, le tourisme côtier, l’éolien en mer et les biotechnologies marines.
  • L’incroyable richesse de la biodiversité marine recèle d’organismes et de molécules uniques, qui n’existent pas sur la terre ferme. Cette singularité en fait un trésor pour la recherche pharmacologique, entre autres. Aujourd’hui déjà, certains analgésiques, médicaments anticancéreux et traitements contre le SIDA sont développés grâce à la vie en mer. Le grand bleu revêtira également une grande importance pour une prochaine génération d’antibiotiques.

La Belgique, une nation océanique


La Belgique se profile de plus en plus comme une nation océanique. « Ne vous y trompez-pas, insiste Willem van de Voorde. Notre littoral de 65 km a beau sembler petit, il constitue néanmoins un détroit d’importance stratégique, comparable à celui d’Ormuz (entre les Émirats arabes unis et l’Iran) ou de Malacca (entre l’île de Sumatra et la Malaisie). En outre, nous disposons de ports majeurs, d’armateurs importants dotés de vastes flottes de tankers, de dragueurs qui figurent au top 5 mondial et d’un réseau étendu de scientifiques. »

Les armateurs belges sont d’ailleurs à la pointe des investissements dans les technologies qui doivent permettre d’atteindre « zéro émission nette ». Actif dans le secteur de la navigation, notre pays est membre de l’Organisation maritime internationale (OMI), qui élabore actuellement une feuille de route pour rendre la navigation maritime neutre en carbone d’ici 2050.

La Belgique s’illustre également dans le domaine de la recherche sur les océans. Pas moins de 144 équipes de recherche marine étudient des sujets très variés. Notre pays estime essentiel de disposer d’une base scientifique solide pour conserver et exploiter durablement les ressources marines. Cet intérêt explique aussi le grand nombre de scientifiques de l’Institut flamand de la mer (VLIZ) et de l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique (IRSNB) qui ont pris part à l’UNOC3.

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Photo de la ministre Annelies Verlinden et de l'envoyé spécial Willem van de Voorde assis côte à côte à une table et regardant vers l'appareil photo

La ministre Annelies Verlinden et l’Envoyé spécial Willem van de Voorde lors de l’ONUC3 (© Cabinet Verlinden).

Le secrétariat du BBNJ


En tant que Blue leader, notre pays a aussi été étroitement impliqué dans l’élaboration de l’ambitieux traité sur la haute mer, le BBNJ. La Belgique a obtenu gain de cause sur plusieurs points, entre autres la création d’un secrétariat indépendant, non chapeauté par les Nations Unies à New York. Un secrétariat distinct, doté de son propre budget et personnel, implique en effet autonomie et moyen d’action.

La Belgique s’est immédiatement portée candidate pour accueillir le secrétariat du traité BBNJ à Bruxelles. Comme l’explique Willem van de Voorde : « Lors de l’UNOC à Nice, nous avons organisé un évènement parallèle, qui a attiré un public nombreux et au cours duquel un panel international s’est penché sur le rôle précis d’un tel secrétariat. Il en a conclu grosso modo que le secrétariat du BBNJ devait constituer un carrefour d’échanges de connaissances (clearing house). Le traité BBNJ dépend de l’échange aisé des connaissances : sur la délimitation des aires protégées, sur les organismes dans l’océan, sur les répercussions des activités humaines telles que la pêche, la navigation, les travaux de dragage et ainsi de suite. »

Notre pays a participé à deux autres événements parallèles qui mettaient en lumière l’importance du traité BBNJ et encourageaient les pays à le ratifier au plus vite. Nous avons également pris la parole lors d’une session ministérielle informelle consacrée au traité en préparation contre la pollution plastique, un problème majeur pour l’océan. La Belgique est membre d’une coalition qui milite en faveur d’un traité de l’ONU le plus ambitieux possible sur le plastique.

Le ministre Jean-Luc Crucke a co-présidé l’un des neuf panels d’ « Action Océan », à savoir le panel sur le lien entre la politique océanique et climatique et la biodiversité. Car si nous voulons atteindre la neutralité carbone, nous devons en parallèle investir pleinement dans la protection de l’océan, sans perdre de vue la biodiversité.
 

L’échange de connaissances, un facteur crucial


L’importance de l’échange de connaissances pour notre pays ressort également d’une série d’initiatives que nous avons soutenues. « Par exemple, nous avons appuyé la déclaration d’intention de Lympia, illustre Willem van de Voorde. Elle entend transformer la nouvelle organisation internationale Mercator Ocean en une organisation qui collecte encore plus de données sur l’océan et les met à disposition de la recherche scientifique. L’adhésion proprement dite de la Belgique ne sera décidée que plus tard. De plus, nous avons rejoint l’IPOS (International Platform for Oceanographic Sustainability). Cette « plateforme internationale pour la durabilité de l’océan » entend elle aussi partager entre ses membres des études sur l’importance de l’océan. Enfin, nous avons adhéré à la « Coalition de haute ambition », un ensemble de pays qui s’engagent à lutter contre la pollution sonore sous-marine. »

Un autre sujet activement débattu sur les tribunes ou dans les couloirs était l'opportunité d'imposer ou non un moratoire – une pause – sur l'exploitation des fonds marins. Face à plusieurs fervents défenseurs, dont le président français Macron, d'autres États doivent encore déterminer leur position. C'est également le cas de la Belgique. Notre pays adopte actuellement une attitude prudente et souhaite que le droit international constitue le fondement de toute possible exploitation future. Une position plus définitive est actuellement en discussion à Bruxelles, selon notre Envoyé spécial pour le climat.
 

David Attenborough


L’UNOC3 a constitué un moment décisif. Le sentiment d’urgence y était bien plus fort que lors d’autres sommets sur l’océan. La Belgique elle-même était portée par un élan supplémentaire, stimulée par sa candidature pour accueillir le secrétariat du traité BBNJ à Bruxelles. Même indépendamment de cette motivation supplémentaire, notre pays a pris de plus en plus conscience qu’il constituait une nation océanique à part entière, qui continuera en tous les cas de s’investir pour la santé des océans.

Vous souhaitez en apprendre plus sur le grand bleu ? Dans ce cas, n’hésitez pas à regarder L’appel de l’océan, le nouveau documentaire de David Attenborough. Il vous emmènera pour un voyage à couper le souffle vers un monde inconnu foisonnant de vie, riche en émerveillement et en surprises. Le célèbre Britannique y déclare : « Après avoir passé presque 100 ans sur Terre, je comprends à présent que l’endroit le plus important de notre planète ne se trouve pas sur terre mais dans la mer ».