Coupe du monde de football au Qatar : comment une petite ambassade peut réaliser un exploit

La Coupe du monde au Qatar s’est peut-être déjà clôturée sur l’élimination précoce de la Belgique, mais cela n’empêche pas que notre ambassade à Doha ait eu fort à faire. Allons jeter un coup œil dans les coulisses.

La Coupe du monde (CM) est toujours un événement de masse. Des centaines de milliers de supporters se rendent dans le pays organisateur pour encourager leur équipe. Et lorsque la Belgique participe, il est évident que de nombreux Belges y vont aussi.

Et c’est là que notre SPF et nos postes - ambassades et consulats - entrent en jeu pour fournir une assistance aux Belges à l’étranger. Car l’afflux de milliers de Belges peut s’accompagner de nombreux problèmes. Les supporters peuvent perdre leur passeport, être arrêtés, manquer leur vol et être bloqués sur place, tomber malades ou même perdre la vie... Nos postes doivent littéralement être prêts à tout !

De plus, le Qatar - le pays organisateur en 2022 - avait un profil assez exceptionnel, ne serait-ce que parce que c’est un petit pays. La Belgique dispose d’une ambassade dans la capitale Doha, mais son personnel est limité. Tout au plus une dizaine de personnes dont 3 expatriés belges. Le reste est composé de personnel local, y compris le chauffeur et la femme de ménage. Trop peu pour accueillir correctement nos compatriotes pendant la Coupe du monde.

Heureusement, notre SPF dispose de plusieurs formules pour renforcer temporairement nos postes. Par exemple, un certain nombre de « consuls volants » (flying consuls), basés au siège à Bruxelles, sont prêts à partir en cas de besoin. Ils connaissent les questions consulaires et peuvent assister un poste à l’étranger pendant plusieurs semaines ou mois.

En outre, les personnes issues de la carrière intérieure - c’est-à-dire liées au siège - peuvent acquérir de l’expérience pour un temps dans un poste temporairement surchargé. Notre ambassade à Doha a ainsi pu faire appel à un consul volant pour la durée de la participation de la Belgique à la Coupe du monde, ainsi qu’à deux membres du personnel supplémentaires pendant 2,5 mois.

En quoi consistait l’ensemble de tâches ? Tout d’abord, il fallait communiquer très clairement avec les supporters belges. Lors des réunions avec la Fédération belge de football - déjà avant la Coupe du monde - nous avons insisté sur le fait que les supporters devaient respecter les obligations liées au coronavirus, qu’il était préférable de s’inscrire sur travellers online et qu’ils devaient s’assurer d’avoir une bonne couverture d’assurance voyage et rapatriement.

Nous leur avons également rappelé que les lois et les coutumes du Qatar sont différentes de celles de la Belgique et que, en tant que visiteur du pays, on est tout aussi bien soumis à ces lois que les résidents eux-mêmes. Lors d’un webinaire organisé par la Fédération de football le 27 octobre à l’intention des supporters comptant faire le déplacement, notre porte-parole a encore répété le message.

Nous avons également envoyé régulièrement des messages pour les supporters via Facebook, Instagram et Twitter. Les conseils de voyage pour le Qatar, ainsi que pour l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït, incluaient  temporairement une section distincte contenant des informations sur la Coupe du monde. Certains Belges auraient pu en effet voyager via ces pays. Enfin, notre poste a eu des contacts étroits avec le 1895 Belgian Fan Club, le club officiel des supporters des Diables Rouges, également sur place au Qatar.

Il s’agissait en fait d’être prêt à tout. Pour ce faire, nous avons utilisé avec reconnaissance le Centre international de services consulaires mis en place par le pays organisateur, le Qatar. Tous les jours - matin et après-midi - des membres du personnel consulaire des pays participants ont rencontré les autorités qataries sur place pour discuter de la situation. Idéal pour évoquer les questions consulaires et obtenir toute information utile. Le centre a aussi permis d’établir un contact aisé avec le personnel consulaire du pays « adversaire » avant un match contre les Diables Rouges. Notre consul volant a également toujours transmis son rapport du briefing quotidien à la Fédération belge de football et à la police fédérale.

Il était également nécessaire d’être suffisamment présent et accessible, surtout les jours de match. C’est ainsi qu’il y avait toujours 2 agents consulaires dans le stade lors d’un match des Diables Rouges. Objectif : intervenir si nécessaire lors d’altercations ou de problèmes avec les autorités qataries.

En outre, il y avait toujours quelqu’un de garde à la résidence de l’ambassadeur. Nous avons également installé 2 lignes téléphoniques d’urgence qui pouvaient être jointes à tout moment. Enfin, notre ambassade a maintenu un contact étroit avec la Fédération belge de football et l’équipe de la police fédérale sur place, ainsi qu’avec les consuls des pays participants.

Heureusement, nous n’avons rencontré pratiquement aucun problème, grâce notamment à l’organisation sans faille du Qatar et au nombre moins important que prévu de supporters qui se sont rendus à la Coupe du monde. Il est difficile de dire exactement combien de supporters belges étaient présents. Par match des Diables Rouges, quelque 700 à 1.200 Belges étaient présents dans les tribunes. Au total, tout au plus 3.000 Belges ont assisté aux matchs. Sur ces 3.000 supporters, seuls deux ont perdu leur passeport, dont l’un a été retrouvé assez rapidement. Sinon, nous n’avons pas observé d’incidents significatifs.

Bien entendu, notre ambassade ne pouvait pas manquer l’arrivée des Diables Rouges. À l’hôtel où ils séjournaient - tenu par un Belge – notre personnel a organisé une haie d’honneur pour accueillir nos héros nationaux. Avec notre media officer, notre ambassadeur était également présent pour les accueillir. Une vidéo en a été publiée sur les médias sociaux.

Quelque 500 Belges vivent au Qatar. Lors d’une Coupe du monde, il est de coutume que nos ambassades organisent un événement pour les Belges et les contacts locaux afin de regarder les matchs ensemble. C’est une autre tâche dont notre ambassade à Doha s’est acquittée. À chaque fois, une centaine de personnes ont suivi le match sur un écran géant dans la résidence.

Par ailleurs, l’ambassadeur a représenté notre pays à plusieurs occasions, telles que l’ouverture officielle du centre consulaire international et un événement de réseautage des business councils de 16 autres pays.

Notre gouvernement a décidé que la ministre des Affaires étrangères Lahbib se rendrait au Qatar pour une journée. Cela aussi était tout à fait dans les cordes de notre ambassade. La ministre est arrivée à 5 heures du matin le 23 novembre 2022 et est repartie dès 5 heures le lendemain. Ce jour-là, elle a eu de nombreux entretiens, notamment avec son homologue qatari et avec un représentant de l’Organisation internationale du travail (OIT). Elle a pu y aborder des questions telles que les droits des travailleurs migrants, des femmes et des LGBTQI+, la lutte contre le terrorisme et l’extrême violence, ainsi que l’énergie et nos relations économiques. Et, bien sûr, elle a assisté à un match des Diables Rouges, portant le brassard en faveur des droits LGBTQI+. L’organisation de la visite a constitué une journée extrêmement longue et difficile pour certains membres du personnel, mais tout s’est bien passé.

Soit dit en passant, notre ambassadeur a également fortement insisté sur l’importance du respect des droits humains à plusieurs reprises, notamment lors d’interviews à la radio et à la télévision locales. Il a aussi eu plusieurs entretiens, notamment avec le tout nouveau secrétaire général de l’OIT, Gilbert Houngbo. L’OIT surveille de près les droits des travailleurs migrants au Qatar et a réussi à améliorer sensiblement la situation.

Pour notre petit poste à Doha, la Coupe du monde a constitué un fameux défi. Mais avec un peu d’ingéniosité, le soutien de Bruxelles et le dévouement et l’enthousiasme inlassables de toute l’équipe, la mission a été couronnée de succès.