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Le panel de citoyens en action : qui est d’accord ? © SPF Affaires étrangères
Dans le cadre de la présidence belge du Conseil de l'UE, notre SPF a organisé un panel de citoyens sur l'intelligence artificielle, une technologie prometteuse mais pas sans risques. 60 citoyens ont ainsi élaboré une vision qui servira de source d'inspiration pour les politiques de la Commission européenne et du gouvernement belge. Autrement dit : une participation citoyenne de premier ordre !

Ces dernières années, la Belgique a acquis une solide expertise en matière de participation citoyenne à la prise de décision. En 2021, le SPF Affaires étrangères a également organisé un panel composé de 50 Belges tirés au sort pour débattre de la participation des citoyens à l'Union européenne (voir encadré).
Nous pouvons même affirmer sans exagération que l'expertise belge en matière de participation citoyenne est devenue un produit d'exportation. Notre savoir-faire est régulièrement sollicité à l'étranger.
Historique : l'expertise belge en matière de participation citoyenne
Tout commence en 2011 lorsque, pour la première fois, 1000 citoyens belges sélectionnés de manière aléatoire se réunissent à Bruxelles dans le but de débattre ensemble de trois thèmes : la sécurité sociale, la répartition des richesses en temps de crise et l’immigration.
Ce tout premier sommet de citoyens du G1000 en appelait d’autres. En 2013, l’initiateur du G1000, David Van Reybrouck publie le livre « Contre les élections », traduit en 15 langues. Cet ouvrage ne restera pas sans conséquence, car le G1000 devient alors une ASBL reconnue. Et en 2019, le Parlement de la communauté germanophone de Belgique vote à l’unanimité la création d’un Conseil citoyen permanent, avec le soutien du G1000.
La même année, le Parlement de la région Bruxelles-Capitale met sur pied une plateforme de participation pour impliquer plus étroitement les citoyens dans le processus politique. Ces derniers peuvent par exemple soumettre des suggestions pour organiser un débat au sein du Parlement entre les parlementaires et un certain nombre de citoyens désignés par tirage au sort.
En 2021, notre SPF décide de tenter l'expérience. Dans le cadre de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, nous avons organisé un panel de citoyens portant sur le thème suivant : comment améliorer la démocratie en Europe et comment faire pour que les citoyens s’intéressent davantage à l’UE ? 50 recommandations en sont ressorties. Le G1000 était également impliqué dans cette initiative.
Loi sur l'IA
Rien d'étonnant dès lors à ce que notre gouvernement souhaite à nouveau organiser un panel de citoyens pendant la présidence belge du Conseil de l'UE. Notre SPF a ainsi géré de A à Z l’organisation de ce panel et a choisi comme thème l'intelligence artificielle (IA). Pourquoi ? L’IA est devenue très récemment un sujet d’actualité extrêmement brûlant : une technologie certes très prometteuse, mais qui comporte également de nombreux risques et suscite de multiples interrogations.
L'UE fait donc figure de pionnière dans l'élaboration d’une loi sur l'IA : une réglementation solide pour exploiter au maximum le potentiel de l'IA sans compromettre les droits des citoyens. Une première mondiale ! Cette loi propose entre autres une pyramide de risques classés en quatre niveaux graduels. Plus le risque d’une application est élevé, plus la mesure adoptée à son encontre sera stricte. Certaines applications ne présentent que des risques minimes, voire aucun, tandis que d'autres comportent des risques jugés inacceptables.
Cette loi sur l'IA entrera définitivement en vigueur en 2026. Mais les préoccupations des citoyens ont-elles suffisamment été prises en compte ? C'est précisément ce que le panel de citoyens – mis en place par notre SPF – a voulu vérifier.
Panel représentatif
Pour l'organisation de ce panel, nous nous sommes appuyés sur l'expérience acquise précédemment lors du panel sur la participation des citoyens à l'UE. Nous avons sélectionné de manière aléatoire 60 citoyens belges issus d’horizons aussi variés que possible pour participer au panel. En vue d’obtenir une sélection qui soit la plus représentative possible, nous avons envoyé pas moins de 16 200 invitations à travers tout le pays. Sur l'ensemble des invitations envoyées, 1070 personnes – un chiffre impressionnant ! – ont manifesté leur intérêt.
Sur les 1070 intéressés, nous en avons ensuite sélectionné 60 sur la base de différents critères :
- genre (environ autant de femmes que d'hommes, 1 personne non binaire) ;
- milieu urbain/rural ;
- âge (en veillant à inclure suffisamment de jeunes qui voteront pour la première fois aux élections européennes en 2024) ;
- profession ;
- langue (60 % de néerlandophones et 40 % de francophones) ;
- nationalité de la mère.
De cette manière, les participants choisis reflètent au mieux la diversité de la population belge.

Recueillir des idées... © SPF Affaires étrangères
Des éclairages variés
Les 60 participants se sont ensuite retrouvés pendant trois week-ends au palais d'Egmont à Bruxelles. Chacun a pu s'y exprimer librement, indépendamment de ses origines, de son lieu de résidence, de son parcours de vie et de ses opinions. Des animateurs expérimentés ont encadré les discussions et veillé à la confidentialité des échanges.
Bien évidemment, la plupart des participants n'étaient pas du tout familiarisés avec le sujet. Des experts étaient par conséquent toujours présents pour fournir des explications détaillées sur l'IA. Quelles incidences cette technologie pourrait-elle avoir, par exemple, sur la défense, les soins de santé et l'emploi ? Que prévoit la législation européenne en matière d'IA ?
Les participants ont ensuite débattu du thème sous des angles très variés : sécurité, éthique, emploi, affaires sociales, souveraineté technologique, compétitivité économique, démocratie et politique.
Neuf messages clés
Les débats, riches et passionnants, ont débouché sur la formulation de neuf messages clés. Par exemple, l'IA est capable de créer des séquences vidéo de type deepfake mettant en scène des personnes qui agissent de manière factice ou tiennent des propos complètement erronés. La loi sur l'IA part du principe que ce risque est limité. Le panel de citoyens, en revanche, a estimé que cette technologie constituait une menace sérieuse pour la société et qu'il convenait donc de lui attribuer un niveau de risque plus élevé.
Le panel a également insisté sur le fait que l'IA, dans toutes ses applications, ne doit jamais être la seule à prendre des décisions, et qu'il convient toujours de veiller à une intervention humaine dans la prise de décision. Ce point est assurément essentiel dans le domaine de la défense lorsqu'il s'agit de décider de bombarder des cibles.
Le panel a également souligné que l'approche de l'UE en matière d'IA doit répondre à un certain nombre d'exigences, à savoir :
- suffisamment durable (l'empreinte écologique n'est pas suffisamment prise en compte) ;
- ambitieuse (l'UE ne doit pas se laisser distancer par des pays comme la Chine, les États-Unis et la Russie, qui investissent des milliards dans l'IA) ;
- éthique et inclusive (l'IA doit servir le bien commun, sans exclure quiconque).
L'IA ne doit pas porter atteinte à la démocratie ni à l'emploi. De plus, il est essentiel de communiquer clairement avec le grand public.
Ensemble, ces messages clés composent une vision destinée à inspirer la prochaine Commission européenne dans la formulation de son programme stratégique pour la période 2024-2029. Le gouvernement belge peut également s'en inspirer pour définir ses positions en matière d'IA dans les années à venir.

Les délibérations ont également eu lieu en petits groupes. © SPF Affaires étrangères
Une vision portée par tous
En tout état de cause, notre SPF peut se féliciter du processus participatif et de l'excellente organisation qui ont été mis en place. Il est également encourageant de constater que le texte final a été approuvé à la quasi-unanimité - à l'exception de trois remarques mineures - par l'ensemble du panel. Ce résultat démontre qu'il est possible d'élaborer une vision commune en présence d'un groupe de personnes issues d'horizons complètement différents.
Tous les membres du panel se sont également déclarés extrêmement satisfaits de leur participation. L'incertitude, le doute ou le stress ressentis au départ se sont dissipés dès que le débat a été engagé. « Ce qui me motive le plus, c'est qu'à aucun moment je n'ai eu l'impression de perdre mon temps », a déclaré Anse, une participante. « C'est une initiative très utile qui m'a permis d'apprendre beaucoup ».
En outre, le fait de pouvoir participer à un processus décisionnel démocratique a procuré une grande satisfaction. « Je dois souvent expliquer à mes amis la signification exacte d'un panel de citoyens », a déclaré Samuel. Aujourd'hui, il est convaincu par cette forme de débat. « Impliquer des citoyens dans ce type de débat est intéressant. De telles initiatives sont rares et le vote des citoyens joue un rôle essentiel, surtout à l'heure actuelle. Le droit des citoyens d'exprimer leurs idées et leurs opinions sur un sujet d'actualité belge revêt une grande importance. J'espère que les dirigeants en tiendront compte. »
Événement de clôture
L'événement final de l'ensemble du processus a eu lieu le samedi 25 mai. Ensuite, les citoyens participants ont présenté leur vision aux politiques, en présence de représentants de la société civile et du secteur privé.
La ministre belge de l'Intérieur a confirmé son souhait et son ambition de voir la participation citoyenne devenir de plus en plus importante à l'avenir. Colin Scicluna – chef de cabinet du vice-président de la Commission européenne – a félicité la Belgique pour cette initiative et a confirmé que la Commission souhaite continuer à encourager la démocratie consultative – tant au niveau européen qu'au sein des États membres. « Votre rapport sera utile à la prochaine Commission. » Dans son message vidéo, le Premier ministre belge a souligné que le message avait été entendu et qu'il serait pris en compte. Il a invité les citoyens à le rencontrer au 16 rue de la Loi pour discuter de leur vision.
En tout cas, les discussions et le rapport final ont marqué les esprits. Le député européen Dragos Tudorache a estimé que c'était un excellent travail. « Certaines matières sont déjà incluses dans la loi sur l'IA, mais d'autres sont nouvelles, comme l'aspect éducatif. Il va falloir repenser l’éducation avec l’IA. Il est de la responsabilité des hommes politiques d’impliquer davantage la société. »
Corina Stratulat (European Policy Center) l'exprime ainsi : « Vous avez prouvé que les citoyens sont capables d'aborder des sujets difficiles. Et vous n’avez pas évité les questions difficiles. Vous avez proposé une vision à long terme peut-être plus ambitieuse que celle des politiques. »
Espérons que nous faisons un pas de plus vers une société dans laquelle les citoyens sont véritablement entendus et où le fossé entre les politiciens et les citoyens est beaucoup plus réduit.
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