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Dounia El Akrami (au centre) lors d’un atelier de sensibilisation à l’entrepreneuriat à Fès, dans le cadre de Link up Africa. © Dounia El Akrami
INTERVIEW – Le programme Junior offre à des jeunes la chance d’acquérir une expérience professionnelle dans un pays partenaire de la Coopération belge au Développement. Dounia El Akrami a ainsi pu participer à un projet au service de l’entrepreneuriat à Rabat (Maroc). Elle partage son expérience.
Quel parcours avez-vous suivi avant de devenir experte juniore ?
À l’ULB, j’ai tout d’abord opté pour un bachelier en commerce international, suivi d’un master en sciences de la population et du développement.
Dans le cadre de mon bachelier, j’ai acquis une première expérience professionnelle lors d’un stage chez hub.brussels à Londres. J’y ai prospecté le marché pour de potentiels exportateurs bruxellois. Mon bureau se trouvait dans le trade office de l’ambassade de Belgique.
J’ai également réalisé un stage de trois mois pour l’APEFE à Rabat, au Maroc, dans le domaine de l’entrepreneuriat féminin. Cette expérience m’a donné envie de travailler dans le pays.
Expert(e)s junior(e)s : de jeunes talents au service des Objectifs de développement durable
Le programme Junior relève de la Coopération belge au Développement, une compétence du SPF Affaires étrangères, mise en œuvre par l’agence belge de développement Enabel. Des jeunes d’origine européenne de moins de 31 ans se voient offrir la chance de collaborer professionnellement pour une durée maximale de deux ans à un projet porté par l’agence Enabel elle-même ou par l’une des 28 ONG partenaires.
Dans leur rôle d’expert(e)s junior(e)s, ces jeunes acquièrent une expérience professionnelle précieuse en Afrique ou au Moyen-Orient, et y apprennent à maîtriser de nouvelles compétences. En parallèle, cette expérience contribue à leur développement personnel (capacité d’adaptation, autonomie, esprit critique, etc.) et à leur évolution en tant que citoyens et citoyennes du monde promouvant les Objectifs de développement durable.
Nous avons éveillé votre intérêt ? Vous retrouverez toutes les infos ici : devenir ou accueillir un(e) expert(e) junior(e).
Comment avez-vous découvert l’existence du programme Junior ?
Pendant mes études, j’ai appris par d’autres étudiants l’existence d’une certaine agence belge de développement Enabel et de son programme Junior. J’ai alors entrepris de consulter le site internet régulièrement à la recherche d’un profil qui me correspondait. À ce moment déjà, il était clair que je voulais absolument travailler dans le domaine de l’entrepreneuriat ou de l’éducation.
Et une offre d’emploi pour le Maroc a fini par être publiée ! J’ai postulé sans vraiment y croire. La procédure de recrutement était longue et tombait justement pendant une période intense : la dernière année de mon master, avec les examens et la remise du mémoire… Mais j’ai miraculeusement réussi !
Sur quel projet travaillez-vous ?
Depuis le 23 octobre 2023, je travaille pour Link up Africa, un projet à l’initiative de l’UE et du Maroc, financé par l’UE et réalisé par Enabel et l’agence marocaine de coopération internationale (AMCI). Link up Africa repose sur une coopération « triangulaire » entre le Maroc, l’Afrique subsaharienne et l’UE.
L’objectif est de renforcer la coopération technique ainsi que les liens académiques et économiques entre le Maroc et d’autres pays africains, en particulier aider les jeunes à trouver des opportunités économiques.
Quelles sont tes tâches ?
Je suis responsable de l’accompagnement de jeunes d’origine subsaharienne qui résident au Maroc et souhaitent lancer une entreprise. Jusqu’à présent, j’ai organisé douze ateliers dans dix villes marocaines afin de stimuler l’intérêt des jeunes à l’égard de l’entrepreneuriat et de Link up Africa. Au total, ces actions ont permis de toucher 1 500 personnes.
Nous avons reçu 250 candidatures, que j’ai ensuite triées à l’appui de critères tels que l’impact social et environnemental, la valorisation des femmes et la clarté du projet. Nous avons ainsi sélectionné 150 jeunes talents susceptibles de se lancer dans l'entrepreneuriat.
Par ailleurs, nous augmentons la capacité de certains centres de formation. Sur les 150 personnes retenues, nous en avons sélectionné 40 pour suivre des masterclasses dans ces centres et y bénéficier d’un encadrement personnalisé. Nous déléguons la gestion du contenu pédagogique à un partenaire, mais nous en contrôlons la qualité et assurons le suivi des jeunes.

Son travail en tant qu’experte junior est une expérience très enrichissante pour Dounia. © Dounia El Akrami
Et ça vous plaît ?
Je me plais beaucoup ici, et je trouve cette expérience très enrichissante ! Dans le cadre d’un premier emploi, la possibilité de toucher à tout est appréciable. J’ai rapidement gagné la pleine confiance de l’équipe et j’ai pu travailler de manière autonome.
Les défis à relever ne manquent pas. Il faut pouvoir faire preuve de flexibilité et s’adapter facilement. Par ailleurs, je trouve ça excitant de travailler dans un contexte diplomatique et politique.
Sur le plan personnel, c’est passionnant de découvrir mes racines. Mes grands-parents sont venus travailler en Belgique et, aujourd’hui, je fais le déplacement inverse. Je peux servir de pont et contribuer au rayonnement de la Belgique et du Maroc à la fois.
Le site internet d’Enabel présente le professionnalisme et le développement personnel comme des valeurs essentielles pour un(e) expert(e) junior(e). Avez-vous reçu un accompagnement dans ces domaines ?
Évidemment, Enabel recrute des personnes qui portent déjà ces valeurs en elles. Mais je travaille en étroite collaboration avec le chargé de projet « entrepreneuriat », qui remplit en quelque sorte le rôle de mentor, ainsi qu’avec son supérieur, le chef de projet. Ils m’aident sur les plan technique mais aussi humain, par exemple quant à la manière d’aborder nos interlocuteurs de l’UE, de l’AMCI et autres. Car, en fin de compte, il s’agit de ma première véritable expérience professionnelle.
De plus, je reste en contact étroit avec le bureau à Bruxelles. Pour toutes mes questions, administratives mais aussi personnelles, je peux me tourner vers le point focal là-bas.
Un autre point important du programme Junior est qu'il vise à transformer les jeunes expert(e)s junior(e)s en « citoyens du monde actifs, critiques et engagés qui contribuent à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) ». Qu’en est-il pour vous ?
Nous deons consacrer environ 5 % de notre temps à la « citoyenneté mondiale ». Pour commencer, nous observons quels sont les problèmes spécifiques à l’environnement dans lequel nous travaillons. Par exemple, certain(e)s junior(e)s se concentrent sur les défis liés aux menstruations et à leur impact sur la vie des jeunes filles, tandis que d'autres se concentrent sur des problèmes tels que la déforestation. J’ai personnellement choisi d’approfondir la question de la pénurie d’eau.
J'ai été frappée par le fait que la sécheresse au Maroc est largement reconnue comme un problème important. Pourtant, les villes continuent de considérer l’eau comme quelque chose de disponible en très grande quantité. Parce que même par temps chaud, l'eau coule en abondance du robinet ! Alors que les agriculteurs des zones rurales souffrent souvent d'une pénurie, ce qui rend difficile pour eux de subvenir à leurs besoins.
Que faites-vous exactement sur le thème de l’eau ?
J'assiste à des conférences et j'en parle avec des collègues, des voisins, etc. De cette façon, je collecte des informations « informelles ». Mais j’ai aussi eu des entretiens plus formels avec les personnes impliquées. En parlant de ce que j'apprends, j'essaie de sensibiliser mon entourage à la gestion durable de l'eau.
Plus concrètement, je souhaite recueillir des témoignages sur le terrain. Ceux-ci seront ensuite utilisés pour une animation vidéo destinée aux enfants et adolescents. L'animation expliquera de manière ludique comment la gestion de l'eau dans les villes a un impact direct sur les campagnes, en mettant l'accent sur ceux qui souffrent le plus du manque d'eau, notamment les agriculteurs et les femmes.
C’est déjà la deuxième année que vous occupez cette fonction d’experte juniore. Comment voyez-vous votre avenir ?
J’aimerais continuer à travailler dans les domaines de la coopération internationale et de l’entrepreneuriat chez les jeunes et les femmes. Nous ne pourrons pas sauver toute l’économie grâce à ces activités, mais je trouve que l’entrepreneuriat reste d’une extrême importance. Je voudrais en particulier travailler au service des personnes économiquement vulnérables. Il y a énormément de jeunes au Maroc et, plus largement, sur le continent africain ; leur nombre ne cesse d’augmenter.
À plus long terme, j’aimerais beaucoup créer ma propre entreprise et contribuer au rayonnement à la fois de la Belgique et du Maroc, jeter un pont entre les deux pays. Dans l’idéal, je travaillerais au Maroc, tout en gardant les liens avec la Belgique.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui souhaitent devenir expert(e)s junior(e)s ?
Selon moi, la curiosité est la principale qualité requise : il faut pouvoir s’intéresser à un grand nombre de sujets. Et dans tous les cas, tenter de postuler, même si on pense n’avoir presqu’aucune chance.
Et puis, s’impliquer pleinement dans sa fonction. Il faut pouvoir trouver de la valeur à son travail. Se lever le matin avec l’idée d’apporter sa pierre à l’édifice, un jour à la fois, même en sachant qu’on ne changera pas le monde entier à soi tout seul.
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