Face à la crise de l’eau, une approche holistique s’impose

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Photo de panneaux solaires alimentant des installations de pompage et de dessalement de l'eau

Dans les régions reculées du Mozambique, des panneaux solaires alimentent des installations de pompage et de dessalement de l'eau, un projet d’Enabel (© Enabel).

Une conférence sur l’eau, organisée par la Coopération belge au Développement, devrait donner l’impulsion nécessaire pour inscrire l’eau au centre des préoccupations. Sans eau, pas de vie !

Sans eau, pas de vie ! C’est surtout lorsqu’une pénurie apparaît que nous prenons conscience de cette réalité. Actuellement (situation au 4 mai 2023), le sud de l’Europe est en proie à une sécheresse et à une chaleur extrêmes. La Belgique a elle aussi connu des étés excessivement secs plusieurs années d’affilée, à l’exception de l’été 2021 qui, lui, fut marqué par de terribles inondations dans plusieurs communes wallonnes.

Bien commun mondial

Dans le Sud global, la situation se révèle souvent plus dramatique encore. L’année dernière, le Pakistan a été frappé pendant des mois par une chaleur et une sécheresse extrêmes jusqu'à ce que des moussons particulièrement violentes viennent inonder un tiers du pays. La Corne de l’Afrique – parties du Kenya, de la Somalie et de l’Éthiopie – souffre depuis octobre 2020 de la pire sécheresse qu’ait connue la région en 40 ans.

À l’heure actuelle (chiffres de 2020), 2 milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès à une source sûre d’eau potable, tandis que 3,6 milliards de personnes ne disposent pas d’installations sanitaires décentes (toilettes, infrastructures pour se laver).

La situation est critique et les Nations Unies (ONU) en ont également conscience. En mars 2023, l’ONU a ainsi organisé à New-York une grande conférence sur l’eau. En effet, le monde entier est appelé à accélérer de toute urgence la mise en œuvre d’actions afin de remédier à la crise de l’eau.

La conférence de l’ONU sur l’eau a reconnu cette ressource comme un bien commun mondial qui doit être protégé dans l’intérêt de toute l’humanité. L’eau constitue un droit humain, au même titre que la sécurité énergétique et alimentaire.

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Infographie reflétant l'opinion des jeunes sur l'avenir de l'eau

Juste avant le début de la conférence, les jeunes ont discuté de leurs préoccupations et de leur vision de l'avenir de l'eau (© Enabel).

Un thème transversal

La question de l’eau figure également au cœur de la Coopération belge au Développement. Elle constitue en effet un thème transversal qui intervient dans chacun des 17 Objectifs de développement durable, sans exception. Tout ce dont nous avons besoin pour mener une vie décente est directement lié à l’eau : notre santé (ODD 3), notre alimentation (ODD 2), notre économie (ODD 8), nos infrastructures (ODD 9), le climat (ODD 13)…

La nature, tant la vie aquatique (océans et eaux douces – ODD 14) que terrestre (ODD 15), dépend aussi fortement de l’eau. Une pénurie peut être source de conflits, mais si l’eau est bien gérée, elle peut au contraire devenir un instrument de paix et de sécurité (ODD 16).

Une pénurie d’eau peut par ailleurs accroître les violences à l’égard des femmes (ODD 5), car, dans les régions du monde en stress hydrique, ce sont souvent les femmes qui sont chargées de réapprovisionner les réserves d’eau. Contraintes de se rendre plus loin pour trouver la précieuse ressource, c’est-à-dire en dehors des villages et routes qu’elles connaissent, elles se retrouvent beaucoup plus exposées aux violences (sexuelles). Pourtant, les femmes sont rarement représentées dans les politiques relatives à l’eau.

Un mot-clé : la coopération

Les éléments susmentionnés sont autant de raisons de réfléchir ensemble à la manière de s'attaquer plus efficacement à la problématique de l'eau. Les 25 et 26 avril 2023 s’est tenue à Bruxelles une conférence sur l’eau. Notre direction générale Coopération au développement (SPF Affaires étrangères) s’est à cette occasion associée à l’agence de développement belge (Enabel). VITO – l’institut de recherche flamand qui entend accélérer la transition vers un monde durable – a également participé à cet événement. Ainsi la conférence a fourni une réponse concrète et immédiate à l’appel de la conférence de l’ONU en faveur d’une action urgente face à la crise de l’eau.

Lors de la conférence sur l’eau, le terme « coopération » (partenariats, ODD 17) s’est clairement imposé en tant que mot-clé, précisément en raison du caractère transversal du thème de l’eau. Nous ne pouvons par exemple pas traiter séparément les domaines de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation et de la nature (écosystèmes), ils sont tous les quatre étroitement liés. Il s’agit de limiter au maximum les effets de la consommation d’eau dans tous ces domaines, sans porter pour autant préjudice à l’un ou à l’autre. Nous devons mettre fin à cette culture du cloisonnement.

Par « coopération », on entend également une mobilisation de toutes les parties prenantes (stakeholders) possibles : secteurs public et privé, scientifiques, utilisateurs finaux... Une mutualisation de toutes nos connaissances s’impose. Nous disposons en effet déjà d’un vaste éventail de connaissances et d’expertise, mais il nous manque une vue d’ensemble unifiée.

Par exemple, en parallèle des nombreuses solutions innovantes subsistent également des connaissances anciennes, traditionnelles qui, aujourd’hui encore, peuvent représenter de précieuses sources d’inspiration. C’est pourquoi il est essentiel d’impliquer étroitement les peuples autochtones et locaux. En outre, nous constatons de plus en plus que les solutions fondées sur la nature peuvent s’avérer très efficaces et bon marché. La protection des zones humides en est un exemple.

Arbres solaires

Au cours de la conférence, de très nombreux exemples concrets ont été présentés, non seulement par des ONG, mais également par des entreprises. Ainsi, John Cockerill utilise l’énergie solaire pour alimenter des pompes à eau, entre autres au Kenya. En Afrique de l’Ouest, l’entreprise transforme des boues en biogaz par l’intermédiaire d’un processus de fermentation.

L’agence de développement allemande GIZ teste, entre autres en Égypte, un modèle économique qui combine une production alimentaire et énergétique avec une consommation d’eau qui soit la plus parcimonieuse possible. Un « arbre solaire » produit de l’énergie et les légumes sont cultivés dans une serre équipée d’un système d’ombrage sophistiqué. L’eau, qui provient du Nil, est gaspillée le moins possible (irrigation de précision) et alimente également un vivier. L’énergie produite sert à alimenter le système d’irrigation et à traiter les récoltes. Les clients peuvent également recharger leur téléphone portable et le reste est injecté dans le réseau.

Il existe donc déjà un grand nombre d’initiatives remarquables qui pourraient toutes faire partie de la solution. Une fois encore, il s’agit d’assurer une meilleure fertilisation croisée et de rechercher des occasions de mettre en œuvre des projets pilotes à (plus) grande échelle.

Une approche pansociétale

Les quelque 200 participants issus de 15 pays avaient conscience de l’importance de l’eau. Cependant, la notion de l’eau en tant que ressource cruciale et indispensable – nous ne pouvons pas la produire !! – n’est pas encore suffisamment ancrée dans les esprits. Une sensibilisation sera nécessaire. L’eau devrait également devenir un indicateur clé de performance (key performance indicator, KPI) dans tous les secteurs, c’est-à-dire une mesure pour évaluer l’efficacité de ces secteurs.

Plus encore que d’une approche pangouvernementale, qui consiste à ce que tous les départements des pouvoirs publics travaillent à l’unisson pour trouver une solution, nous avons besoin d’une approche pansociétale : toutes les couches de la société doivent prendre conscience de la valeur inestimable de l’eau. Des solutions ne sont vraiment durables que si elles sont soutenues par le plus grand nombre.

Comme c’est souvent le cas, le manque d’argent disponible a régulièrement été déploré. Nous devrons chercher des sources créatives de financement telles que des obligations vertes, des obligations climat, des fonds pour l’eau, le marché du carbone (carbone dans le cadre de programmes sur l’eau), etc. Toutefois, ces financements devront également être déployés de la manière la plus efficace possible.

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Infographie résumant les conclusions de la conférence sur l'eau

Un résumé des conclusions de la conférence sur l'eau (© Enabel).

Mobilisation de la jeunesse

Pour la Coopération belge au Développement – qui vise un monde plus égalitaire –, l’eau joue sans conteste un rôle déterminant dans les inégalités (ODD 10). Les communautés les plus vulnérables sont celles qui souffrent le plus du manque d’eau et d’installations sanitaires ainsi que des maladies transmises par l’eau. L’accès à l’eau potable pourrait exercer un effet de levier en faveur d’une plus grande égalité.

En résumé, il était plus qu’utile de se concerter sur une question aussi cruciale. Les jeunes ont aussi pris longuement la parole. Ces derniers se montrent extrêmement inquiets quant à leur avenir, mais les riches échanges d’idées, la prise de conscience croissante et le grand enthousiasme qui sont ressortis de cette conférence leur ont procuré plus qu’une lueur d’espoir. À suivre !