Forum humanitaire européen: comment répondre aux besoins humanitaires élevés?

  1. Dernière mise à jour le
Image
Photo d'une scène avec cinq personnes assises sur une chaise. L'une d'entre elles tient un micro et parle. En arrière-plan, un grand écran montre la personne qui parle en gros plan. Sur la scène se trouvent également une chaire et les drapeaux belge et européen

L’un des nombreux panels du Forum humanitaire européen de Bruxelles (© SPF Affaires étrangères).

La présidence belge du Conseil de l'UE a organisé la 3e édition du Forum humanitaire européen. Deux questions principales : le déficit financier de l'aide humanitaire et les crises oubliées. En tant que donateur loyal et flexible, notre pays a déjà montré le bon exemple.

L'aide humanitaire a été largement discutée pendant la présidence belge du Conseil de l'UE. Et nous ne parlons pas seulement des multiples réunions du groupe de travail de l'UE sur l'aide humanitaire et l'aide alimentaire (COHAFA). La 3e édition du Forum humanitaire européen était également à l'ordre du jour, un véritable défi pour un donateur humanitaire de taille moyenne comme la Belgique ! À chaque fois, c'est le service d'aide humanitaire de notre SPF qui a pris les devants.
 

5 000 participants


En quelques années, le Forum humanitaire européen est devenu une plate-forme de rencontre importante. Les responsables de l'aide humanitaire de l'UE et des États membres de l'UE, ainsi que la communauté humanitaire internationale, échangent leurs points de vue sur les questions urgentes du secteur. Lors de la 3e édition, la présidence belge a continué sur la même lancée, en mettant encore plus l'accent sur la politique.

Jusqu'à 1 800 participants se sont réunis à Bruxelles les 18 et 19 mars 2024, tandis que 3 200 personnes ont suivi l'événement en ligne. Outre les responsables de l'UE, des représentants des pays en crise, les principaux donateurs, de grandes organisations humanitaires et des ONG telles que l'International Rescue Committee (Comité international de secours) étaient également présents. Des ONG locales des zones de crise ont elles aussi fait acte de présence.
 

Des besoins très élevés


De telles réunions à grande échelle sont nécessaires. Car, malheureusement, les besoins humanitaires restent très élevés. Les Nations Unies estiment que quelque 300 millions de personnes auront besoin d'une aide et d'une protection humanitaire d'ici 2024. Les besoins sont si importants qu'en 2023, par exemple, seuls 40 % du budget nécessaire ont été alloués. De plus, de nombreuses crises ont été oubliées. Parce qu'elles s'éternisent et/ou tout simplement parce que l'attention est détournée vers d'autres crises plus médiatisées.

Pour notre pays, il était donc évident de centrer le forum sur deux thèmes principaux : le fossé financier et les crises oubliées.
 

Fossé financier


Quoi qu'il en soit, l'UE et ses États membres s'en sortent bien. Pendant le forum, plus de 7,7 milliards d'euros d'aide humanitaire ont été dégagés. Un financement supplémentaire s'y ajoutera certainement. En 2023, année record, l'UE représentait 32,34 % de l'aide humanitaire dépensée dans le monde.

Ensemble, l'UE et les États-Unis représentaient 69,5 % de l'aide en 2023. Il n'y a donc qu'un nombre très limité d'acteurs qui sous-tendent le financement. Attirer d'autres donateurs, comme l'Arabie saoudite, fait certainement partie de la solution.

Mais des financements innovants peuvent également contribuer à combler le fossé. Par exemple, en attirant davantage de fonds privés. Un financement supplémentaire du climat pour les zones vulnérables à cet égard et ravagées par un conflit peut également offrir une issue en renforçant la résilience dans des contextes fragiles.

Une autre option consiste à impliquer des organisations capables de soutenir de petites ONG locales avec de faibles montants susceptibles néanmoins de faire la différence. En effet, ces petites ONG sont souvent mieux à même d'atteindre les groupes défavorisés : les personnes marginalisées, les personnes handicapées et les organisations de femmes.

Le « financement de qualité » joue également un rôle. La Belgique montre l'exemple dans ce domaine. En 2023, quelque 60 % des financements belges étaient partiellement ou totalement « flexibles ». Cela signifie que l'argent peut être dégagé rapidement et efficacement, et que l'organisation humanitaire bénéficiaire est libre de décider à quelle crise elle consacrera les fonds. Lors du forum, notre pays a plaidé ardemment en faveur d'un financement plus flexible.

Nous pouvons aussi faire plus et mieux avec un euro en mettant en œuvre l'aide humanitaire différemment et mieux. Par exemple, l'UE recherche avec ses partenaires humanitaires des chaînes d'approvisionnement plus efficaces et une meilleure coopération en matière de logistique.

Image
Photo de la Reine Mathilde assise sur un siège et discutant avec trois jeunes femmes africaines. En arrière-plan, une affiche du Forum humanitaire européen

Au cours du forum, la reine Mathilde s’est entretenue avec des jeunes femmes africaines (© SPF Affaires étrangères).

Crises oubliées


De nombreuses crises sont sous-financées et ne font pas l'objet d'une médiatisation suffisante. En outre, elles ne reçoivent pas suffisamment d'attention de la part des politiques. Cela déclenche un cercle vicieux dans lequel l'engagement est de plus en plus faible.

De nombreux conflits se prolongent également. La population de l'est du Congo, par exemple, subit des violences, des massacres et des viols depuis 30 ans. Le peuple palestinien souffre aussi d'un conflit permanent depuis des années. Pas moins de 4 crises sur 5 (83 %) dans le monde se prolongent !

La politique humanitaire belge se concentre déjà entièrement sur ces crises complexes oubliées. Citons la région des Grands Lacs (RD Congo...), le Sahel et le Moyen-Orient (Syrie, Palestine...).

Notre pays a donc saisi la présidence du Conseil de l'UE pour mettre en lumière les crises oubliées. Ainsi, les débats se sont poursuivis sur les Rohingyas du Myanmar, le Soudan du Sud, le Tchad, la Colombie, le Venezuela et Haïti.

Le conflit déchirant qui sévit dans l'est du Congo, avec ses violences sexuelles choquantes, est une crise qui tient à cœur à notre pays. Nous avons donc organisé une séance plénière sur ce thème pendant le forum en présence de la Reine Mathilde. Le Dr Mukwege, gynécologue congolais de renom, lauréat du prix Nobel de la paix 2018, a également participé à l'événement.

Le forum a souligné l'importance d'une couverture médiatique accrue pour sortir les crises oubliées de l'ombre.
 

Aide humanitaire, développement et paix


La question se pose de savoir quel type d'aide est le mieux adapté pour répondre aux besoins de crises qui durent depuis 20 à 30 ans. La coopération au développement n'a-t-elle pas un rôle à jouer dans ce domaine ? En effet, l'aide humanitaire se concentre généralement sur les besoins aigus et urgents, tandis que la coopération au développement construit des sociétés plus résilientes à long terme.

Pourtant, ces deux formes d'aide restent pour la plupart enfermées dans leurs silos. La coopération au développement dans les régions touchées par des conflits prolongés comporte tout simplement de grands risques. De plus, elle nécessite une expertise spécifique.

Néanmoins, il faut continuer à insister sur la nécessité de renforcer les synergies entre l'aide humanitaire, la coopération au développement et la consolidation de la paix. Ensemble, elles peuvent contribuer à la résolution d'un conflit et réduire ainsi les besoins financiers de l'aide humanitaire.
 

Un lieu de rencontre unique


Le Forum humanitaire européen a également délivré un message sans équivoque : nous devons lutter vigoureusement contre les violations de plus en plus flagrantes du droit humanitaire international. « Si nous laissons ces violations sans conséquence, nous minons le droit international lui-même et l'ordre basé sur ses règles », a déclaré la ministre belge de la Coopération au développement. « En fin de compte, c'est nous qui en payons le prix. »

Le Forum humanitaire européen est clairement devenu un événement humanitaire incontournable. Il rassemble l'ensemble de la communauté humanitaire internationale pour discuter des questions d'actualité et rechercher des solutions innovantes, efficaces et durables. Ce lieu de rencontre unique a même permis aux petites ONG locales de s'adresser aux grandes ONG. La voix de ces petites ONG s'est donc fait entendre avec un message clair : « If you are not around the table, you are on the menu ». (Si vous n'êtes pas autour de la table, vous êtes laissé pour compte).

La Belgique peut d'ores et déjà se féliciter d'une édition particulièrement réussie, marquée par de nombreuses discussions fructueuses. Elle a permis à notre pays de se présenter comme un donateur humanitaire loyal et flexible, veillant à ce que personne ne soit laissé de côté. Un grand bravo à la présidence belge du Conseil de l'UE !

La 4e édition se poursuivra en 2025 sous la présidence polonaise.