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Camille Balfroid – à gauche – visite un camp de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) à Senou (Mali) pour vérifier l’installation d’un puits (décembre 2022). © IOM
INTERVIEW – Grâce à un financement belge, le programme des Jeunes experts associés (JEA) offre à de jeunes Belges la possibilité d'acquérir de l'expérience au sein d'une organisation des Nations Unies. Camille Balfroid faisait partie des heureux élus. Pendant 3 ans, elle a travaillé comme JEA auprès de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Mali et au Bénin. Elle nous a raconté son expérience.
Quel parcours avez-vous suivi avant de devenir JEA ?
J'ai étudié le droit à Saint-Louis, à Bruxelles, puis j'ai obtenu un master en droit international à Maastricht. J’ai d'emblée évolué dans un contexte assez international. Au cours de la 2e année, j'ai étudié pendant 6 mois à Singapour et 6 mois à Istanbul.
Après mes études, j'ai commencé à travailler en tant que stagiaire à l'Organisation européenne des propriétaires fonciers (European Landowners’ Organization) à Bruxelles, dans le cadre d'un projet de gestion des ressources naturelles. J'ai ensuite été stagiaire à l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), puis consultante. Au total, j'ai travaillé pendant 5 ans à la FAO dans le domaine de la sécurité alimentaire et des ressources naturelles.
Comment avez-vous découvert l'existence des JEA ?
Comme je travaillais à la FAO – une organisation des Nations Unies –, je connaissais déjà l'existence des JEA. De toute façon, je réfléchissais depuis un certain temps à la suite à donner à ma carrière, car un emploi de consultant à l'ONU s’avère aujourd'hui très précaire. Surtout, je souhaitais ardemment travailler sur le terrain et découvrir une autre organisation des Nations Unies.
J'ai vu l'annonce d'un poste de JEA au Mali sur le site web des Affaires étrangères en 2021, et son contenu semblait taillé sur mesure pour moi ! Le Mali passe pour être un pays difficile, mais la vie en Europe – en pleine crise du coronavirus – n'était pas simple non plus, à l'époque. Ces circonstances ont certainement pesé sur mon choix.
Jeunes experts associés (JEA)
Le programme des Jeunes experts associés ou JEA (en anglais Junior Professional Officers – JPO) de l'Organisation des Nations Unies (ONU) offre aux jeunes experts âgés de 32 ans ou moins la possibilité d'acquérir de l'expérience dans un certain nombre d'organisations, de fonds, de programmes et d'agences de l'ONU qui financent ou mettent en œuvre des projets de développement.
En tant que JEA, vous vous voyez confier d'importantes responsabilités tout en étant formé par un collaborateur expérimenté. Le contrat dure initialement un an, renouvelable jusqu'à un maximum de trois ans.
La Belgique offre également des postes de JEA à de jeunes Belges. Il s'agit de fonctions au sein d'une organisation des Nations Unies qui coopère activement avec la politique belge de développement international et qui se trouve dans l'un des 14 pays partenaires de la Coopération belge au Développement ou au siège régional ou principal de l'organisation.
Nous finançons actuellement des JEA dans 18 organisations partenaires, dont le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation internationale du travail (OIT), le Programme des Nations Unies pour le sida (ONUSIDA) et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE).
Intéressé(e) ? Vous trouverez toutes les informations nécessaires sur notre site web.
Que faisiez-vous exactement au Mali ?
J'étais particulièrement impliquée dans des projets autour de la migration, de l'environnement et du changement climatique (MECC). Dans ce contexte, j'ai dû engager de nombreux partenariats : avec le ministère malien de l'Environnement, avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), avec des donateurs... Un beau projet que nous avons pu lancer avec mon aide a été financé à hauteur de 5 millions d'euros par l'ambassade de Suède.
Les projets s'articulaient principalement autour de deux axes. D'une part, nous recherchions davantage de données sur l'impact du changement climatique sur une population déjà ravagée par des conflits dans des zones fragiles. D'un autre côté, nous essayions de trouver des solutions pour aider les habitants à se remettre sur pied.
J'ai apprécié le fait que nos efforts aient jeté les bases d'un financement belge pour un projet similaire, mais dans une autre région.
En raison des tensions politiques croissantes au Mali, vous êtes partie au Bénin après deux ans. Quelle a été votre expérience au Mali ?
À Bamako, j'ai rencontré une population très accueillante et découvert une culture ancestrale fascinante. J'y ai même pris des cours pour apprendre à jouer de la kora, une sorte de harpe malienne. Je regrette de n’avoir pas pu voir davantage l'intérieur du pays, qui recèle de nombreux trésors culturels. Mais les conditions de sécurité ne le permettaient pas à l'époque.
Sur le plan professionnel, le climat politique très instable n'a pas facilité les choses. De plus, pendant mon séjour au Mali, les relations entre la CEDEAO (la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) et les donateurs étrangers se sont détériorées. Cette situation a mis un frein aux interventions de l'ONU au Mali.
Et ensuite, qu'avez-vous fait au Bénin ?
La fonction était fondamentalement la même : suivre les projets existants et en formuler de nouveaux. Seulement, nous accordions davantage d’attention au développement de partenariats et à la prévention des crises. En effet, il n'y avait pas de crise humanitaire au Bénin. L'objectif principal de ces projets consistait à empêcher la violence de se propager à partir du Sahel. La lutte face aux inondations figurait également parmi les points d’attention.
Et maintenant, vous allez commencer à travailler au siège de l'OIM à Genève le 1er novembre ?
Oui, j'ai même obtenu une promotion ! Le contenu du travail sera à peu près le même. Je travaillerai sur la limitation des risques de catastrophes (disaster risk reduction) et l'adaptation au changement climatique.
Pensez-vous que votre expérience en tant que JEA au Mali et au Bénin vous a aidée à décrocher le poste à Genève ?
Assurément ! Une première fonction à l’OIM augmente considérablement vos chances. À cela s'ajoutent mes trois années d'expérience sur le terrain. Il est évident que la procédure se serait avérée beaucoup plus compliquée pour un candidat externe.

Camille Balfroid lors d’une session sur la mobilité climatique à Lomé pour les négociateurs de la COP29 d’Afrique de l’Ouest et du Centre (septembre 2024). © IOM
En tant que JEA, vous bénéficiez d'un accompagnement. Comment cela s'est-il passé pour vous ?
Il s'agit avant tout d'un apprentissage par la pratique. Mais j'ai pu faire appel à des collègues disponibles qui ont en quelque sorte joué le rôle de mentors, par exemple lorsque j’ai dû établir des contacts avec le gouvernement malien. Et il ne faut pas oublier qu'au tout début, j'ai participé à une semaine d'intégration au siège à Genève, avec la trentaine d'autres JEA auprès de l'OIM. Très intéressant !
J’ai également suivi une formation de deux semaines sur la migration à l'Institut universitaire européen (IUE) de Florence, tout aussi passionnante. J'y ai rencontré des personnes de tous les continents, j'ai appris à connaître diverses situations de migration et divers donateurs. Et puis, c'était tout simplement sympa de passer un peu de temps en dehors du contexte de l'ONU.
Aviez-vous des contacts avec les ambassades belges ?
Oui, nous entretenions de très bons contacts, tant au Mali qu'au Bénin. Peu après mon arrivée, j'ai déjeuné avec les membres de l'ambassade. Je faisais également partie d'un groupe de travail mensuel des Nations Unies auquel participait un représentant de l'ambassade.
En outre, les collègues de l'ambassade ont été d'excellents interlocuteurs pour mieux comprendre le pays. Ils m'ont également aidée à obtenir des contacts au sein du gouvernement malien.
Quels sont les moments qui vous ont le plus marqué au cours de vos trois années de JEA ?
Je pense en premier lieu à la visite d'un camp de personnes déplacées à la périphérie de Bamako. Il est très impressionnant de constater de visu l'impact du conflit et du changement climatique sur la population.
Par ailleurs, j'ai été fortement impressionnée par la détermination d'une association de femmes à Kayes (Mali). Elles y créent des emplois verts – principalement dans le domaine du recyclage – afin d'améliorer à la fois l'environnement et les moyens de subsistance des familles.
Pas plus tard qu'en septembre, j'ai vécu une expérience inoubliable lors d'une conférence à Lomé (Togo). Pas moins de 18 pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre s'y étaient réunis pour préparer la COP29, le prochain sommet sur le climat. Avec l'OIM, nous aidons ces pays à mieux comprendre les risques du changement climatique.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent travailler aux Nations Unies ?
Je recommanderais d'acquérir une expérience de terrain dans un pays où la sécurité est suffisante pour effectuer un stage ou un travail bénévole. Il peut s'agir de l'ONU, mais aussi d'une ambassade belge ou d'une ONG.
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