La colonisation et les enfants : « Nous avons de la chance d'être nés à notre époque »

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Kinderen luisteren tijdens workshop

Elisabethville 1954

Des élèves dissipés entrent bruyamment dans la salle de classe. Le local a subi une véritable métamorphose et grâce à un code de conduite compliqué, que nous devons appliquer ensemble, nous ne sommes plus à Anvers en 2019, mais à Elisabethville en 1954. Tout le monde est fasciné par Titine, alias la formatrice Jolien Michielsen.

Les enfants ont parfaitement connaissance du Congo et du rôle de la Belgique pendant la colonisation. Interrogés sur Léopold II, ils recourent à des expressions telles que "assassin de masse ", "discriminateur " et "colonisateur congolais".

Les élèves sont répartis en trois groupes : Congolais, évolués (Congolais avec plus de droits) et Européens. Lorsqu'ils entendent « plus de droits », les jeunes s’écrient immédiatement : « Oui ! C'est le rôle que je veux ! ». 

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Jolien Michielsen

Jolien Michielsen avec une photo de Léopold II, bien connu des enfants.

Des différences se sont immédiatement manifestées lorsqu'ils ont reçu leur nouvelle identité. Les Européens obtiennent les meilleures places en classe, ensuite les évolués peuvent choisir. Et les Congolais ? Ils n'ont qu'à remplir les espaces vides et, si nécessaire, s'asseoir par terre. La frustration monte parmi les élèves. En effet, les Congolais doivent accomplir des tâches « inférieures » tandis que les Européens les observent et les corrigent sévèrement. Certains Européens jouent leur rôle de manière très convaincante et commencent à harceler et à défier les Congolais.

Lorsque ces derniers peuvent finalement se détendre, ils sont contraints de regarder des films pour enfants. Ils ne seraient pas assez intelligents pour comprendre les films pour adultes. Les élèves de De Brug sont très indignés. Les protestations s’intensifient...

Vestiges de la colonisation

Ce jeu de rôle fait partie du matériel pédagogique « Sporen van de kolonisatie », un projet de Studio Globo. Les élèves de sixième année se montrent déjà enthousiasmés par leur expérience : « Nous avons beaucoup appris sur les événements au Congo. Au cours de la deuxième année, nous avions déjà parcouru le sujet mais cet atelier nous a donné l'opportunité de l'explorer en détail. » (...) « Participer à ce jeu de rôle nous a permis de vivre et de ressentir la situation telle qu'elle devait être. Nous avons vraiment de la chance d'être nés à cette époque », témoigne un étudiant. Les enseignants sont également enthousiasmés par l’initiative de Studio Globo. « Les ateliers ont un réel effet. Avec du matériel simple, ils réussissent à emmener les élèves dans un monde différent et à les faire réfléchir ». 

Qu'est-ce que Studio Globo ?

Studio Globo est une ONG spécialisée dans l'éducation au développement. Elle reçoit le soutien de la Coopération belge au Développement. Par le biais d'un éventail varié de formations dans le domaine de l'enseignement, Studio Globo vise la cohésion et la solidarité pour tous et entre tous. L'organisation s'articule autour de différents piliers : découvrir le monde, apprendre à gérer la diversité de manière positive, s'impliquer auprès des personnes et de l'environnement, et contribuer à construire un monde durable et solidaire. Studio Globo donnera des ateliers à la demande des écoles et de sa propre initiative.
 

La décolonisation, ça s'apprend

Avec son slogan « Dekoloniseren kun je leren » (la décolonisation, ça s’apprend), l'organisation souhaite attirer l'attention des élèves de manière nuancée et adaptée sur les vestiges de colonisation que l'on rencontre encore au quotidien. Les élèves saisissent rapidement l'absurdité de l'inégalité : « Tu es noir, donc tu dois le faire. Tu es blanc, alors tu peux te permettre de le faire ! Tes droits et devoirs dépendent de la couleur de ta peau. C'est très étrange. »

Studio Globo attache une grande importance au lien entre le passé et le présent. Le racisme n'appartient pas au passé. Les élèves sont d'origines mixtes, certains ne s'expriment donc pas seulement en qualité de témoins, mais s'inspirent aussi parfois de leurs propres expériences. Il est très important - et c'est aussi l'objectif de Studio Globo - que les étudiants se forgent, revoient et étayent leurs opinions grâce à l'expérience acquise. Les enfants se rendent compte que l'inégalité est toujours présente et ils aspirent à un monde meilleur : « Nous devrions recueillir des signatures et nous adresser au Parlement. Nous devons dénoncer le fait que certaines personnes subissent encore toujours des inégalités».