La Grande Muraille verte : un mur qui unit

L'initiative « Grande Muraille verte » a déjà permis de restaurer 20 millions d'hectares de terres. Les 11 pays du Sahel concernés, ainsi que les Nations Unies, souhaitent que ce « miracle en devenir » soit achevé d'ici 2030. Cela signifie que chaque année, 8,2 millions d'hectares de terres devront être restaurés, pour un coût total de 4,3 milliards de dollars environ. La Belgique y apporte sa contribution.

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Zone de steppe

© Daniel Tiveau/CIFOR

La « Grande Muraille verte » est un nom qui trouve écho chez certains. En 2007, l'Union africaine a décidé qu'une bande d'au moins 7 000 km de long de la région du Sahel - de la côte ouest de l'Afrique au Sénégal jusqu’à la côte est à Djibouti et en Éthiopie - et de 15 km de large serait reboisée. Les précipitations annuelles sur la zone définie se situent à peine entre 100 et 400 mm. Ce projet pharaonique sera mis en œuvre dans 11 pays, dont 4 pays partenaires de la Belgique : le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal.

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Carte avec mur vert marqué

La bande devait se transformer en mur végétal destiné à arrêter l'expansion du désert du Sahara. La région a été frappée à plusieurs reprises par de graves sécheresses et la population pauvre a été contrainte d'adopter des pratiques agricoles non durables. Par exemple, l'abattage des arbres pour les préparations culinaires et la construction de maisons, l'utilisation excessive de pesticides... Conséquence : une « dégradation massive des terres ». La vie microbienne quitte les sols qui deviennent stériles. À terme, la dégradation des sols conduit à la désertification, où presque plus aucune plante ne peut pousser.

120 000 emplois

Restaurer 100 millions d'hectares de terres - 1,5 fois la superficie de la France - dans une région pauvre, en proie aux conflits, aux migrations, aux épidémies et à l'instabilité politique, et durement touchée par le changement climatique, n'est-ce pas illusoire ? Pourtant, le tout premier rapport d'avancement a récemment fait état de résultats positifs. Près de 20 millions d'hectares ont été restaurés, dont 20 % dans la zone définie à l'origine. 120 000 emplois ont été créés pour les activités liées à l'agriculture et 220 000 personnes ont reçu une formation sur la production durable de produits issus de l'agriculture, de l'élevage et de la nature.

Des paysages verts et fertiles

Mais entre-temps, l'initiative avait déjà abandonné l'idée initiale de planter des arbres sur ces 100 millions d'hectares. Les responsables souhaitent plutôt développer la région pour en faire une mosaïque de systèmes « d'utilisation des terres résiliente et durable », capables d'une plus grande résilience face aux conditions climatiques extrêmes.

Citons par exemple l'utilisation des arbres en agriculture (culture forestière ou agroforesterie, vergers), les réserves naturelles protégées, les méthodes de préservation des sols (stabilisation des dunes de sable, création de terrasses sur les pentes, arbres et arbustes comme coupe-vent...), ainsi que bien sûr la plantation d'arbres et d'arbustes. En bref, l'accent est mis aujourd'hui sur la restauration des terres, la collecte des eaux de pluie et la création de paysages verts et productifs.

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Zone du mur vert vue d'en haut

La Grande Muraille verte ne deviendra pas une réserve naturelle, mais une zone verte avec des habitations et une production durable. © UNCCD

Il ne s'agit donc en aucun cas d'une bande de nature verte intouchable. Au contraire, la Grande Muraille verte entend explicitement introduire dans la région des pratiques agricoles durables, telles que l'agroécologie, l'agriculture forestière et la gestion intégrée de l'eau.

C'est pour cette raison que l'initiative a généré 90 millions de dollars de revenus jusqu'à présent. En effet, les gens peuvent récolter des fruits et de nombreux produits forestiers non ligneux tels que le miel, la gomme arabique, les feuilles de baobab et le fourrage pour le bétail. La culture de jeunes arbres a également permis de créer des emplois.

Le baobab pourrait rapporter 1 milliard de dollars par an en Afrique. Il existe en outre de nombreuses autres plantes prometteuses comme les balanites (palmier-dattier du désert), le moringa et le fonio. Le potentiel à exploiter est vraiment énorme.

De nombreux partenaires

Bien sûr, il reste encore du chemin à parcourir. Au total, 82 millions d'hectares de terres doivent encore être restaurés dans la bande prévue. Cela revient à 8,2 millions d'hectares par an si le Mur doit être achevé d'ici 2030 ! Selon le rapport, cela pourrait coûter un peu plus de 4,3 milliards de dollars, mais cela créerait également 10 millions d'emplois.

L'Union africaine n'est pas seule. La communauté internationale soutient également pleinement l'initiative. Entre autres, elle reçoit le soutien de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), de la Banque mondiale, de l'Union européenne, de diverses organisations des Nations Unies (FAO, PNUE, PNUD), du Fonds pour l'environnement mondial (FEM), des organisations internationales de conservation de la nature (Birdlife International, UICN), le CILSS, de la Banque africaine de développement, des ONG dont plusieurs belges, des donateurs bilatéraux dont la France, etc.

Le financement inventif

Néanmoins, réunir l'argent nécessaire constituera un travail de fourmi. C'est pourquoi le rapport propose que le secteur privé et les organisations philanthropiques soient également impliqués. Le gigantesque stockage de carbone et les autres avantages résultant d’une nature restaurée doivent être monétisés. Par exemple, il existe un grand potentiel dans les cimenteries, le secteur de l'aviation et d'autres entreprises qui souhaitent compenser leurs émissions de CO2.

En outre, les pays participants doivent mieux coordonner les différents projets et les suivre de près. Les leçons tirées des nombreux petits et grands succès doivent être partagées beaucoup plus rapidement. D'autres projets peuvent également être associés, tels que ceux qui permettent d’installer des fours plus performants, du biogaz ou des panneaux solaires, afin de réduire la consommation de bois de chauffage.

Un miracle en devenir

Malgré la forte ambition de réaliser la Grande Muraille verte dès 2030, les ministres des 11 pays concernés et les représentants des Nations Unies ont été très enthousiastes lors de la présentation du rapport. « La Grande Muraille verte est un miracle en devenir », a souligné Amina Mohammed, vice-secrétaire générale de l'ONU. « Ce projet révèle que travailler en symbiose avec la nature plutôt que contre elle nous permettra de construire un avenir plus durable et plus juste. »

Dans une déclaration, les 11 ministres ont affirmé que la Grande Muraille verte est et restera une priorité. L'initiative a un impact énorme qui dépasse largement la simple restauration de la nature. Il s'agit entre autres d'un levier pour la reprise économique après la pandémie de Covid-19 et il est essentiel de respecter l'accord de Paris sur le climat dans les 11 pays concernés.

En cas de succès, 15 des 17 Objectifs de développement durabl (ODD) en bénéficieraient. Pour n'en citer que quelques-uns : réduire la pauvreté rurale (ODD1), assurer la sécurité alimentaire (ODD2), promouvoir des millions de professions vertes (ODD8), établir des modes de production durables (ODD12), stocker du CO2 et s’adapter pour faire face au changement climatique (ODD13) ainsi que réhabiliter les terres et préserver la biodiversité (ODD15).

Le développement économique et le bien-être social sont indispensables à une paix et une stabilité durables. Ceux qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts sont plus facilement tentés de rejoindre une milice. C'est pourquoi la Muraille verte peut également devenir un symbole de paix dans les pays en proie à des conflits et dont la population doit constamment fuir. Elle peut également devenir un symbole d'harmonie entre les différentes convictions religieuses à travers l'Afrique. En bref, la Grande Muraille verte peut devenir un mur qui unit, non pas qui divise.

Selon Corentin Genin, qui suit le dossier aux Affaires étrangères, nous n'avons pas vraiment le choix : cette Muraille verte doit se concrétiser ! « Ce projet gigantesque peut déjà sembler coûteux, mais si nous ne faisons rien, il pourrait s'avérer beaucoup plus lourd encore. En particulier à cause des conditions de vie extrêmement misérables au Sahel qui ne feront qu'aggraver les conflits et les migrations massives vers l'Europe. »

Que fait la Belgique ?

Notre pays apporte principalement sa contribution par le biais de plusieurs ONG. Par exemple, le rapport d'avancement mentionné ci-dessus cite l'APEFE comme un partenaire principal. L'APEFE est active au Burkina Faso depuis 2014. Elle contribue à améliorer les capacités des autorités et des communautés nationales, régionales et municipales afin de réaliser la Muraille verte. Par exemple, l'association forme le personnel local à la culture et à la plantation de plantes forestières indigènes. L'ADEPS - l'Administration générale du Sport de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pendant francophone de Sport Vlaanderen - soutient l'APEFE pour compenser ses émissions de CO2.

BOS+ a déjà restauré plus de 400 hectares de forêt en Éthiopie. Elle aide également les communautés locales à gérer durablement les zones reboisées.

En outre, un groupe d'autres ONG, dont SOS Faim et Broederlijk Delen, sont actives au Mali, au Niger et/ou au Burkina Faso dans la lutte contre la désertification.

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