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A l’heure actuelle, il n’est plus possible de nier la réalité du dérèglement climatique. Le monde est de plus en plus soumis à des conditions climatiques extrêmes : de longues périodes de sécheresse ; de fortes précipitations, parfois à l’origine d’inondations ; de violents ouragans ; des vagues de chaleur ; la montée alarmante du niveau de la mer ; ou encore, des feux de forêt dévastateurs. Plusieurs « châteaux d’eau » - comme dans l’Himalaya au Tibet et dans les Andes - assurent un approvisionnement à des centaines de millions de personnes, or leur réserve de glace fond progressivement.
Il est clair que ces phénomènes exercent une pression supplémentaire sur l’approvisionnement en eau et en nourriture, et en particulier dans les régions où les ressources en eau et la sécurité alimentaire font défaut, comme au Moyen-Orient, en Afrique ou en Asie du Sud-Est. Dans les régions confrontées à une pénurie de produits de première nécessité, des groupes de population peuvent entrer en compétition, ou perdre confiance dans le fonctionnement de leur gouvernement, parfois déjà faible.
Multiplicateur de risque
Il est généralement admis que, même si les facteurs climatiques et environnementaux ne causent pas directement les conflits, ils peuvent en accroître sensiblement le risque. Le climat joue donc un rôle de « multiplicateur de risque de conflit ».
La guerre qui a éclaté en 2011 en Syrie constitue, à ce titre, un exemple souvent évoqué. Elle a en effet été précédée d’une sécheresse sévère de 2007 à 2010. Des millions d’agriculteurs et d’éleveurs ont migré vers des villes telles que Damas et Alep, ce qui a plus que probablement contribué à créer un terrain propice aux troubles politiques.
L’Irak est aussi régulièrement touché par la sécheresse, un phénomène dont a profité l’organisation terroriste État islamique (EI), qui a notamment recruté sur les marchés les agriculteurs les plus désespérés en leur promettant nourriture et argent en échange de leur engagement.
Au Mali, notamment, les tensions entre agriculteurs (sédentaires) et éleveurs (nomades) ont également pu être exacerbées par le dérèglement du climat. La sécheresse a contraint les pasteurs Foulani et leurs bêtes à occuper des régions plus au sud, où ils sont entrés en conflit avec les Dogon et les Bambaras, des peuples d’agriculteurs. Un groupe terroriste lié à Al-Qaida en a également tiré profit.
Tous les continents
Au final, tous les continents recèlent de nombreux exemples du renforcement (des risques) de conflits liés au dérèglement climatique. Ainsi, l’exode massif qui s’est produit dans certains pays tels que El Salvador, le Guatemala ou le Honduras n’est pas simplement une conséquence des économies défaillantes et de la corruption des gouvernements. Une pénurie persistante de nourriture, causée notamment par la sécheresse, contribue également à l’agitation politique et à la migration de masse.
La fonte des glaces au pôle Nord offre de nouvelles opportunités économiques : un transport maritime moins coûteux, de nouvelles zones de pêche, l’écotourisme ou d’immenses réserves de gaz et de pétrole. Mais aussitôt que l’on s’en rend compte, se profile le risque de voir éclater un conflit potentiel entre des pays qui tous considèrent avoir droit à ces nouvelles possibilités.
La fonte des glaces de l'Arctique offre des opportunités, mais entraîne aussi des conflits. © Shutterstock
Priorité belge
Le dérèglement climatique a donc incontestablement un impact sur la sécurité qui ne fait que se renforcer au fil du temps. Par conséquent, la Belgique souhaite que les Nations Unies (ONU) prennent systématiquement en compte le climat dans toutes leurs actions en matière de sécurité. En effet, notre pays opte pour la prévention des conflits plutôt que d’avoir à les gérer à posteriori. C’est la raison pour laquelle il privilégie les investissements dans les mesures dites « de prévention ». En sa qualité de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies - premier garant de la paix et de la sécurité dans le monde - notre pays insiste davantage sur cet aspect. Il a ainsi adhéré au Groupe des Amis du climat et de la sécurité.
La Belgique veille également à la prise en compte des éventuels aléas climatiques dans le mandat des missions de maintien de la paix des Nations Unies au Mali, en Somalie et en République centrafricaine, entre autres. De même, grâce aux efforts de la Belgique, le mandat de la MONUSCO - la mission de maintien de la paix de l'ONU en RD Congo - se concentre sur la fragilité écologique du pays. Des conditions météorologiques extrêmes peuvent en effet facilement perturber la délicate amélioration des relations entre les groupes de population. Les missions de paix doivent également pouvoir contribuer à la prévention des catastrophes. La médiation ou la consolidation de la paix n'ont de sens que si la portée d'un conflit et ses causes sous-jacentes sont pleinement comprises.
Notre pays estime également que les informations détaillées recueillies par les agences onusiennes devraient guider le travail du Conseil de sécurité de l'ONU. Cette démarche pourrait s’opérer par l'intermédiaire d'un centre d’échange d’information (Clearing House) à mettre en place : un service qui transforme les informations provenant d'agences des Nations Unies telles que le PNUE (environnement) et la FAO (alimentation et agriculture) en données utiles pour le Conseil de sécurité des Nations Unies. Aujourd'hui, il existe déjà une cellule « mécanisme de sécurité climatique » (Climate and Security Mechanism), cependant, sa capacité reste encore trop limitée. La Belgique y finance d'ailleurs une fonction pour un jeune professionnel. En outre, notre pays s'efforce de veiller à ce que le Secrétaire général des Nations Unies présente tous les deux ans un rapport mondial sur le climat et la sécurité au Conseil de sécurité de l'ONU.
La Belgique souhaite également contribuer aux efforts de sensibilisation à cette problématique. À cette fin, elle organise des débats et des moments de réflexion. Un séminaire a notamment eu lieu en 2019 sur les conséquences possibles de la géo-ingénierie (geo-engineering) : des interventions à grande échelle destinées à lutter contre le réchauffement climatique. Pour donner un exemple, la lumière du soleil pourrait être arrêtée en pulvérisant de l’eau de mer pour favoriser la formation de nuages clairs, ou les rayons solaires pourraient être réfléchis en libérant des aérosols - particules solides et liquides en suspension - dans la couche supérieure de l'atmosphère. L'être humain serait alors en mesure de faire littéralement « la pluie et le beau temps ».
Cependant, ces techniques controversées risquent d'avoir des effets indésirables partout dans le monde, en réduisant par exemple les précipitations dans certains pays, ce qui pourrait éventuellement conduire à des conflits. Alors que certains pays investissent déjà dans la géo-ingénierie, les pays les plus pauvres n’ont évidemment pas de ressources à y consacrer et seront laissés pour compte sans une réglementation mondiale adéquate. L'UE se refuse à faire usage de ces techniques tant que les risques encourus ne sont pas clairement définis.
Coopération belge au Développement
La Coopération belge au Développement ressent également l'impact du phénomène « Climat & sécurité ». La plupart de ses pays partenaires font partie des pays les moins avancés et les plus fragiles. En tant qu'État ou communauté, ils peinent à faire face aux nouvelles menaces telles que le dérèglement climatique.
Par conséquent, les phénomènes météorologiques extrêmes que sont les ouragans, les sécheresses et les inondations peuvent facilement perturber la situation sécuritaire déjà très fragile dans ces pays. Et, tandis que la Coopération belge au Développement est active dans des zones de conflit telles que le Sahel et la région des Grands Lacs en Afrique centrale, le phénomène « climat et sécurité » pourrait sérieusement compromettre l'efficacité de ses projets de développement.
La Belgique souhaite ainsi mettre en place une plateforme de recherche axée sur ce thème. La plateforme devrait notamment examiner dans quelle mesure les perturbations climatiques affectent la sécurité dans les pays partenaires. Elle devrait également donner des idées sur la manière dont les pays les plus fragiles peuvent s'armer contre ces risques climatiques et sécuritaires, ainsi que sur la stratégie de la Belgique pour rendre ses programmes de développement moins sensibles à l'impact du climat sur la sécurité.
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