Le ‘miracle’ de Paris

Le 12 décembre 2015, les 195 États membres de l'ONU sont parvenus à un accord sur le climat ambitieux. Que prévoit-il précisément ? Serons-nous vraiment en mesure de lutter contre le réchauffement de la terre ?

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Les leaders se tiennent les mains et les lèvent en l'air.

© UN Photo/Marc Garten

Le Paris agreement est le tout premier accord universel sur le climat, légalement contraignant, contrairement au protocole de Kyoto. Il fixe des objectifs climatiques pour tous les pays.

Les éléments-clés

Un objectif triple

  • Limiter le réchauffement de la Terre à moins de 2°C par rapport au niveau préindustriel. Et si possible, même à 1,5°C.
     
  • Accroître la capacité des pays à s'adapter à l'impact des changements climatiques. Accroître la résilience des pays face aux changements climatiques, notamment par de faibles émissions de gaz à effet de serre.
     
  • Réaliser des investissements pour concrétiser ces objectifs.

Limiter les émissions

  • Pour atteindre l'objectif de 2°C/1,5°C, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devront atteindre leur pic ‘le plus rapidement possible’. Les pays en développement bénéficient d'un peu plus de répit.
    Une fois le pic atteint, les émissions devront rapidement diminuer conformément aux indications scientifiques relatives à l'objectif de 2°C/1,5°C. Objectif final : la neutralité carbone mondiale dans le courant de la 2e moitié de ce siècle, donc émettre autant de carbone qu’en absorber.
     
  • Les pays devront revoir leurs contributions nationales à la limitation des émissions en 2020 et donc formuler de nouveaux objectifs ou actualiser les objectifs existants.

Légalement contraignant

  • L'accord de Paris est contraignant. Dès ratification, il sera transposé en législation nationale par les signataires.
     
  • Chaque État membre doit fixer les contributions nationales contraignantes et s'y tenir pour limiter les émissions.

Transparence et révisions quinquennales

  • Tous les 5 ans, les États membres se réunissent pour affiner leurs objectifs sur la base des nouvelles indications scientifiques.
     
  • Les États membres s'informent mutuellement, et informent le public sur la progression de leurs actions sur le climat.
     
  • Un solide réseau pour la transparence et la comptabilisation permet le suivi de près de l'objectif de 2°C/1,5°C.
     
  • Un organe veille au respect de l'obligation et à l'application de l'accord.

Adaptation

  • La coopération internationale renforce les sociétés afin d'absorber l'impact des changements climatiques. Les participants sont tenus de communiquer leur plan politique en la matière.
     
  • Les pays en développement bénéficient d'un soutien croissant (entre autres, via transfert de technologies), pour réduire leur vulnérabilité et accroître leur résilience.

Pertes et dommages

  • Il convient de limiter et de prendre en charge les pertes et dégâts dus aux changements climatiques. Des mécanismes d'assurance régionale sont conçus pour partager les risques et les coûts des dommages résultant du changement climatique.
     
  • La coopération internationale prête main-forte aux régions sensibles sur le plan climatique : early warning, anticipation des catastrophes, etc.

Financement

  • Les pays développés investissent 100 milliards de dollars par an dans les pays en développement pour accroître leur résilience et limiter les effets de serre. Ils font le bilan de ce financement tous les deux ans. Le montant sera revu en 2025.
     
  • Les autres pays – dont les pays émergents – sont encouragés, sur base volontaire, à prévoir du financement.

Étapes suivantes

  • Les États membres doivent maintenant approuver l'accord en interne. Il entrera en vigueur dès que les 55 pays à l'origine d'au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre auront déposé leur accord officiellement aux Nations Unies. S’ils y arrivent, l'accord prendrait effet le 1er janvier 2020.
     
  • Un dialogue est prévu en 2018 afin de faire le point sur la progression des contributions nationales. Toujours en 2018, un rapport du Panel international sur le Climat sera publié concernant l'impact d'un réchauffement de 1,5°C.
     
  • Pour nombre de ses volets (transparance,imputabilité, coopération pour les dégats climatiques, renforcement des capacités…), l'accord ne mentionne que les principes. Au cours de ces prochaines années, suivront encore beaucoup de négociations, jusqu’à l’obtention d’un accord complet, « opérationnel ».

Points faibles

  • Aucune marche à suivre claire n'est définie pour la réduction des émissions. L'année du pic est indéterminée ("le plus vite possible"), ainsi que l’échéance pour la neutralité carbone ("2e moitié de ce siècle"). Soit, "à peu près 2050" pour 1,5°C, et "dans le courant de la dernière décennie de ce siècle" pour 2°C. La politique actuelle de l'UE ("réduire les émissions de 80-95 % d'ici 2050") concorde avec l'objectif de 2°C.
     
  • De plus, le système repose sur une approche de la base vers le sommet : ce sont les pays qui définissent quelle contribution fournir à la réduction des émissions. Les contributions nationales approuvées au moment de la conférence sur le climat limitent le réchauffement à seulement environ 3°. Il faut les augmenter. Tout dépendra de la propension de chacun des pays à atteindre l'objectif de 2°C/1,5°C en synergie.
     
  • Les pays ne peuvent pas être pénalisés s'ils ne respectent pas leurs objectifs climatiques ; seulement être montrés du doigt. Au sein de l'UE, une sanction est toutefois possible.
     
  • Les promesses de financement restent limitées, surtout parce que les pays émergents sont uniquement encouragés à aider les pays en développement.
     
  • Aucune mention de la navigation aérienne et de la navigation maritime. Pourtant, ces secteurs émettent énormément de gaz à effet de serre, et toujours plus. Si rien ne change, ce secteur représentera 40 % des émissions en 2050.

Opportunités

L'accord peut avoir un impact décisif. Il peut induire un changement des mentalités - au niveau des autorités, mais également celui des entreprises et des citoyens. L'accord débouchera forcément sur une percée accélérée des énergies renouvelables. Vu les contributions nationales actuelles, la part d'énergies renouvelables devra à tout le moins doubler, voire tripler d'ici à 2030. De plus, la durabilité et le respect de l'environnement sont incontournables pour la production et la consommation. Même des pays comme la Chine, le premier pollueur mondial, se détournent déjà du charbon au profit des énergies vertes.

Conclusion

Ne passons pas à côté du potentiel de l'accord de Paris. Une attention persistante pour les problématiques du climat et de l'environnement est nécessaire, et la société civile peut très certainement y contribuer. Même dans le cas d'un réchauffement de 1,5°C, nous serons confrontés à des inondations et de grandes sécheresses. Mais les conséquences d'un réchauffement de plus de 2°C seront beaucoup plus graves : les calottes polaires vont fondre totalement et il faut s'attendre à une montée considérable du niveau des océans à terme. Nous sommes déjà en butte à un réchauffement de 1°C. Pour les pays en développement, il s'agit de prendre des mesures pour le climat visant, en même temps, à améliorer les conditions de vie. Par exemple, l'assainissement des sols et des terres dégradées sont le gage d'une plus grande absorption de carbone et d'une production alimentaire accrue. Tout comme pour les Objectifs de Développement durable, tout le monde doit être sur le pont.