-
Dernière mise à jour le

Le Service de l’Évaluation spéciale a étudié la chaîne de valeur de l'ananas au Bénin dans le cadre d'un projet d’Enabel visant à renforcer la compétitivité des chaînes de valeur de l'ananas au Bénin (© Enabel-Rosalie Colfs).
Le travail décent fait partie des trois thèmes prioritaires de la Coopération belge au Développement. Dans ce cadre, le Service de l'Évaluation spéciale a mis en évidence des points d'amélioration sur lesquels les acteurs de la coopération au développement peuvent travailler pour renforcer leur action en faveur du travail décent.

Un trop grand nombre de personnes restent privées d'un « travail décent ». Sous ce concept, l'Organisation internationale du travail (OIT) englobe non seulement l’accès à un revenu décent, mais également à la protection sociale (indemnités en cas de chômage ou maladie) et la possibilité d'un dialogue social (concertation entre les travailleurs et les employeurs). Le travail doit par ailleurs être effectué sur base volontaire (autrement dit, pas de travail forcé). En outre, à travail égal, les hommes et les femmes doivent percevoir un salaire égal et les droits fondamentaux du travail doivent être respectés (par exemple : le droit d’organisation et de négociation collective).
Nouvelle note stratégique
Il va de soi que l’accès à un travail décent forme une condition sine qua non pour parvenir à une véritable durabilité. En conséquence, la Belgique a activement défendu l’idée d’y consacrer un objectif distinct dans le cadre des Objectifs de développement durable de l'ONU. Ainsi, en plus de faire partie des trois thèmes prioritaires mentionnés dans la loi belge portant sur la coopération au développement, le travail décent figure également sous l'ODD 8.
Début janvier 2024, une toute nouvelle note stratégique sur le travail décent (PDF, 310.89 KB) a été lancée. À travers ce document, tous les partenaires de la Coopération belge au Développement conjuguent leurs efforts autour de ce thème. Parmi eux figurent non seulement les ONG, mais également l'agence belge de développement (Enabel) et la société belge d'investissement pour les pays en développement (BIO), entre autres.
La note soutient une approche multidimensionnelle, conformément à la vision de l’OIT en matière de travail décent, telle qu'inscrite dans la législation belge. Le travail décent repose en effet sur plusieurs dimensions qui doivent être prises en compte simultanément. Dès lors, la Belgique ne se contente pas de mettre l’accent exclusivement sur l'emploi (revenus décents...), mais également sur la protection sociale (garantie d'un revenu de base en cas de maladie, chômage, maternité, invalidité...), le dialogue social (liberté syndicale...) et la législation (respect de la législation nationale en matière de droit du travail et des normes de l'OIT...).
Travail décent au sein d'un secteur agricole durable
Mais qu’en est-il dans la pratique ? Les projets de la Coopération belge au Développement tiennent-ils suffisamment compte du travail décent ? L'examen de cette question était parfaitement dans les cordes de notre Service de l'Évaluation spéciale (SES). Il s'agit d'un service d'évaluation indépendant qui examine régulièrement différents aspects de la Coopération belge au Développement.
En 2020, le SES avait déjà recommandé à notre ministre de la coopération au développement d'élaborer une note stratégique sur le travail décent. En effet, une telle stratégie garantit encore plus clairement que tout le monde est sur la même longueur d’onde. Cette recommandation a été mise en œuvre cette année (voir ci-dessus).
En 2022, le SES souhaitait également examiner si le travail décent était suffisamment pris en compte dans les interventions axées sur les chaînes de valeur dans le secteur agricole durable. En d'autres termes : dans quelle mesure les différents maillons de la chaîne bénéficient-ils d'un travail décent ? Que ce soit l'agriculteur qui fournit le produit agricole ou le travailleur dans une entreprise agroalimentaire.

Des cueilleurs de thé reviennent du champ avec leur récolte dans une entreprise financée par BIO au Rwanda. Ce projet a également été couvert par l'étude (© DBE).
Points d'amélioration
Il ressort de l'évaluation que, si divers acteurs belges attachent une grande importance au travail décent, ce thème reste néanmoins trop peu mis en avant en tant qu’ambition explicite lors de la conception des projets.
Les projets favorisent tout de même certains aspects du travail décent. Ainsi, des efforts sont parfois déployés en faveur de la formalisation du secteur informel et de l’accès des travailleurs informels à la protection sociale. Même si, dans la plupart des pays à faible revenu, combler le fossé entre l’emploi informel et l’emploi formel risque de demander de nombreuses années.
Pour garantir un revenu décent aux petits agriculteurs, plusieurs facteurs doivent être pris en compte tels que le prix de la récolte, la taille du terrain exploité, le rendement de la récolte, les coûts de production, etc. C'est la raison pour laquelle les interventions qui ne prennent en compte qu'un ou quelques-uns de ces facteurs n’aboutissent pas nécessairement à un revenu décent à part entière.
Très peu de projets ont investi dans l'amélioration de l'accès à la protection sociale, bien qu'investir dans ce domaine puisse générer un impact positif sur les revenus et réduire le travail des enfants.
Dans les cas examinés, l'activité syndicale s'avérait dérisoire, la plupart du temps, limitée à la création au sein des usines de comités de travailleurs possédant moins de poids que des syndicats. Ces comités constituent par ailleurs un obstacle à l'émergence de syndicats à proprement parler.
Des coopératives ou associations peuvent aussi défendre les droits des petits agriculteurs, mais, dans ce cas, il importe que les agriculteurs se sentent bien représentés dans les structures coopératives et aient l’occasion d’exprimer leurs préoccupations, ce qui n'était pas le cas dans l'échantillon d’interventions étudiées.
Autre observation notable : l'évaluation a révélé que l'amélioration des revenus des agriculteurs ne se traduit pas automatiquement par de meilleurs revenus pour les travailleurs temporaires qu’ils emploient. Par ailleurs, le revenu des femmes est généralement inférieur à celui des hommes : les agricultrices, parce qu'elles exploitent par exemple de plus petites parcelles et ont plus difficilement accès à des crédits ; les employées dans les entreprises formelles, parce qu'elles ont un niveau d'instruction inférieur à celui des hommes.
Le prix de vente d'une récolte ou d'un produit ne constitue pas le seul facteur déterminant le revenu d'un producteur, mais il reste tout de même un facteur majeur. Aussi difficile que soit cette tâche, les acteurs belges du développement pourraient déployer davantage d’efforts pour exercer une pression au sein de la chaîne d'approvisionnement afin de parvenir à un prix de vente équitable qui profite également aux producteurs.
Les éléments susmentionnés ne représentent que quelques-uns des points d'amélioration que l'évaluation a mis en évidence et qui ont été transmis aux parties concernées. Il va de soi que le travail décent – en ce compris un revenu décent – n'est pas un objectif facile à atteindre, mais accorder une plus grande attention aux différentes dimensions qui favorisent le travail décent pourrait déjà avoir un impact majeur.
En tout état de cause, les recommandations ont été écoutées attentivement. La nouvelle note stratégique sur le travail décent fournit également des pistes pour mettre davantage ce thème en avant lors des interventions de la Coopération belge au Développement. Un revenu décent, l'accès à la protection sociale, le renforcement du dialogue social et du rôle que le travail joue dans l'émancipation sont autant de questions qui méritent de faire l’objet d’une attention constante.
Plus sur « Économie »

Comment rendre la culture du cacao réellement durable?
Beyond Chocolate entend rendre l’ensemble du chocolat belge durable d’ici 2030. Dans ce cadre, l’accent est mis sur la garantie ...

Beyond Chocolate : Les producteurs de cacao doivent aussi être heureux
INTERVIEW - Si nous voulons offrir une bouchée de bonheur à nos clients grâce à notre chocolat, pouvons-nous nous permettre de l...

La coopérative de cacao Yeyasso s’adapte aux grandes tendances
La Belgique a remarquablement contribué à la réussite de Yeyasso, une coopérative de cacao et de café située en Côte d'Ivoire. A...