L’Est du Congo : la terreur sous une chape de silence

En trente ans, le réalisateur belge Thierry Michel a tourné une petite quinzaine de films sur la République démocratique du Congo. Sa précédente production, L’Homme qui répare les femmes, date de 2013. Il y met en évidence l’inlassable travail du Docteur Mukwege, qui « répare » les femmes victimes d’atroces violences sexuelles dans l’Est du Congo.

En 2018, le Dr Mukwege a reçu le prix Nobel de la paix. Au moment de la remise du prix, dans un vibrant discours, il a appelé la communauté internationale à s’atteler enfin à la recherche d’une solution au conflit qui ensanglante l’Est du Congo. Il a aussi convaincu Thierry Michel de tourner un film supplémentaire, consacré non aux victimes du conflit mais à leurs bourreaux. Cela a donné L’Empire du silence, en ce moment à l’affiche des cinémas wallons et bruxellois. Le film sortira plus tard en Flandre.

Depuis 25 années déjà, une guerre sanglante fait rage dans l’Est du Congo. Elle a fait des centaines de milliers, si pas des millions de victimes. Mais on en entend à peine parler, à coup sûr si l’on prend comme points de comparaison les conflits qui frappent la Syrie ou l’Iraq. Le théâtre de ces massacres est en quelque sorte un « Empire du silence ».

Un enchevêtrement d’acteurs se livrent des combats acharnés pour le pouvoir et les richesses. Et les richesses sont présentes en abondance : la région regorge de la quasi-totalité des minerais dont le monde a un impérieux besoin.

La description du Dr Mukwege est terriblement évocatrice : « Le Congo est comparable à une bijouterie sans portes ni fenêtres où tout le monde vient se servir. Les seigneurs de guerre sèment la terreur, les richesses quittent clandestinement le pays et la population vit dans la misère. »

L’Empire du silence offre une image crue et accablante des événements qui se déroulent au Congo. Personne n’est épargné : ni les dirigeants congolais, ni les pays voisins, pas même les institutions internationales. Le film place l’indicible misère dans un écrin naturel d’une exceptionnelle beauté.

Ce film pourra-t-il changer le monde ? Thierry Michel nourrit un prudent espoir. Le fait qu’il ait pu présenter son film dans le Palais du Peuple à Kinshasa, le siège du Parlement et du Sénat, avec l’aval de diverses autorités congolaises, n’a pas manqué de le surprendre.

La Belgique a cofinancé le film, via la Coopération belge au Développement. Les films contribuent grandement à la sensibilisation du grand public. Ils éveillent les consciences et poussent les spectateurs à réfléchir plus en profondeur aux événements du monde.

Par ailleurs, la Belgique plaide avec vigueur, tant dans ses échanges avec les autorités congolaises que dans les enceintes internationales, pour la mise en place – attendue depuis très longtemps – d’un mécanisme de « justice transitionnelle » capable de contribuer à la réconciliation et à la lutte contre l’impunité. À cet égard, notre pays a alloué 1,5 millions d’euros au Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits de l’Homme (BCNUDH) en RD Congo. Cette institution vise à soutenir des activités dans le domaine de la justice transitionnelle et de la lutte contre l’impunité. Le film L’Empire du Silence pourrait accélérer le processus.