L’hôpital de campagne de B-FAST en Turquie : retour sur les événements

En à peine dix jours, l’équipe d'intervention d'urgence belge B-FAST – coordonnée par le SPF Affaires étrangères – a réussi à mettre sur pied un hôpital de campagne totalement opérationnel en Turquie. Retour sur cet exploit.

  1. Dernière mise à jour le
Image
Vue aérienne de l'hôpital de campagne B-Fast en Turquie

L'hôpital de campagne de B-FAST couvrait une superficie impressionnante de 6 000 m², soit la taille d'un terrain de football (© B-FAST).

En à peine dix jours, l’équipe d'intervention d'urgence belge B-FAST – coordonnée par le SPF Affaires étrangères – a réussi à mettre sur pied un hôpital de campagne totalement opérationnel en Turquie. Retour sur cet exploit.

Le 6 février 2023, la Turquie et la Syrie ont été frappées par deux violents tremblements de terre de magnitude 7,8 et 7,7 sur l’échelle de Richter. Le bilan (situation au 20 mars 2023) dépasse les 57 000 morts. Avec plus de 50 000 décès à déplorer en Turquie et plus de 7 200 en Syrie, ce séisme est le 5e tremblement de terre le plus meurtrier de notre siècle. Il a également fait près de 130 000 blessés, 1,5 million de personnes se sont retrouvées sans abri tandis que les bâtiments et infrastructures ont subi d’immenses dégâts. De nombreuses répliques ont en outre été enregistrées.
 

Action immédiate

L'équipe d'intervention d'urgence belge B-FAST se tient toujours prête à intervenir en cas de catastrophe à l’étranger. C’était notamment le cas ici. Les autorités turques ont sollicité une aide internationale pour l’envoi, entre autres, d’équipes de recherche et de sauvetage des survivants (search and rescue) et d’hôpitaux de campagne spécialisés. Le comité de planification de B-FAST suivait la situation de très près. Il s'est d’ailleurs réuni immédiatement le 6 février et a organisé une réunion avec l'ambassade de Turquie à Bruxelles afin d'offrir l'aide la plus efficace possible aux zones touchées.

Vu les conditions météorologiques extrêmes, B-FAST a également décidé d'envoyer sans attendre 10 000 sacs de couchage bien chauds. Le 8 févier, une première équipe de reconnaissance composée de sept personnes s’est rendue sur les lieux de la catastrophe, embarquant déjà avec elle une partie des sacs de couchage. Le vendredi 10 février, cette équipe a décidé – en concertation avec les autorités turques et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – d‘établir l’hôpital de campagne à Kirikhan, dans la province de Hatay, durement touchée par le tremblement de terre. L’infrastructure a été installée sur un site à côté d’un hôpital local lourdement endommagé qui n’était plus en mesure d’accueillir des patients.

Image
Photo d'un bloc opératoire

Voici à quoi ressemblait le bloc opératoire (© B-FAST).

Un hôpital à part entière

Le samedi 11 février, une deuxième équipe de 40 personnes a rallié la Turquie, emportant avec elle la majeure partie du matériel nécessaire au montage de l’hôpital. Le 14 février, elle a été rejointe par un groupe de 50 personnes – principalement des médecins et du personnel infirmier – qui transportait également du matériel médical. Plusieurs vols depuis l’aéroport militaire de Melsbroek ont été nécessaires pour acheminer tout l’équipement. Durant le week-end du 25 et 26 février, une nouvelle équipe composée de personnel médical et logistique est arrivée pour prendre la relève. Elle est restée sur place jusqu’au 10 mars.

Grâce à ces actions rapides, les premiers soins médicaux ont pu être administrés dès le 16 février, dix jours seulement après la catastrophe. Loin de se limiter à quelques tentes, l’hôpital de campagne occupe une surface de pas moins de 6 000 m², soit la taille d’un terrain de football. Dans le jargon, on parle d’une Emergency Medical Team (équipe médicale d’urgence) de type 2 (EMT-2).

Il s’agit d’un hôpital à part entière abritant entre autres un service d’urgences, des consultations générales, un service de radiologie, une pharmacie et un bloc opératoire. Un service spécifique dit « mère et enfant » a également été mis en place. En outre, une station d’épuration des eaux a été installée pour fournir de l’eau potable. Enfin, une équipe de cuisiniers a tout mis en œuvre pour offrir de délicieux repas au personnel et aux patients.
 

Passage de relais à la Turquie

À partir du 2 mars, une équipe de médecins, d’infirmiers, de pharmaciens et de membres du personnel logistique turcs a intégré l’équipe B-FAST pour se familiariser avec le fonctionnement de l’hôpital de campagne. B-FAST a finalement remis officiellement les rênes de l’hôpital au ministère turc de la Santé le 9 mars. Outre l'hôpital lui-même, la Belgique a également fait don de matériel de support tel que des équipements médicaux, des médicaments, la cuisine et la station d'épuration des eaux.

Une cinquantaine de médecins et d’infirmiers turcs ont pris le relais, en collaboration avec une équipe de gestion de l’hôpital voisin de Kirikhan. Les autorités turques souhaitaient reprendre et utiliser l’hôpital de campagne, car de nombreux patients se sentaient plus en sécurité dans des tentes que dans un bâtiment, en raison des nombreuses répliques du séisme.
 

3 503 patients, 211 bénévoles

Entre l'ouverture le 16 février et le passage de relais le 9 mars, l'hôpital de campagne de B-FAST a accueilli pas moins de 3 503 patients. L'hôpital est resté ouvert 24 heures sur 24 pendant ces 22 jours, aidant en moyenne 159 patients par jour, dont près d'un tiers étaient des enfants. Huit nouveau-nés, tous en bonne santé, ont également vu le jour à l'hôpital de campagne.

Rien n’aurait été possible sans le dévouement des nombreux volontaires qui ont tous dû mettre entre parenthèses leurs activités en Belgique pour venir prêter main forte à l’hôpital de campagne en Turquie. Une équipe de reconnaissance s’est d‘abord rendue sur place pour définir l’emplacement approprié. Une équipe logistique l’a ensuite rejointe pour installer l’hôpital. Tentes, électricité et eau, équipements… ce ne sont que quelques exemples de l’infrastructure qui devait être mise en place. Il y a ensuite eu deux rotations de personnel médical couvrant toutes les spécialités nécessaires : des sages-femmes aux pharmaciens, en passant par le personnel infirmier, les radiologues, les médecins urgentistes et les chirurgiens.

Au total, 211 bénévoles de B-FAST ont participé à l’intervention en Turquie. Parmi eux se trouvaient 80 personnes de la section logistique, 119 personnes ayant un profil médical et 11 personnes responsables de la gestion. B-FAST a également pu, par l’intermédiaire de l'ambassade de Belgique à Ankara et du ministère turc de la Jeunesse et des Sports, s'appuyer sur 24 interprètes locaux, indispensables au service de l'hôpital de campagne.

Image
Photo d'un homme avec deux enfants entrant dans une tente. L'homme porte un gilet jaune avec le logo B-Fast

Près d'un tiers des patients étaient des enfants (© B-FAST).

Mission réussie

L’intervention de B-FAST en Turquie peut à juste titre être qualifiée de réussite. Comme en témoigne le récit des faits énoncé ci-dessus, B-FAST a réagi dès l’annonce de la catastrophe. La ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib a appelé son homologue turc qui était ravi d’apprendre que nous allions mettre à disposition un hôpital de campagne.

Il s’avère toutefois que, depuis 2019, B-FAST ne dispose plus d’une équipe search and rescue, un groupe de spécialistes dont la mission consiste à rechercher, directement après une catastrophe, les éventuels survivants ensevelis sous les décombres. Ces équipes doivent se rendre très rapidement sur place pour sauver le plus de vies possible. La demande turque d’envoyer ce type d’équipes a cependant été très rapidement satisfaite. Au niveau européen, 17 équipes search and rescue ont été déployées.
 

Une plus grande complémentarité avec les pays européens

Le fait que B-FAST ne dispose plus d’une équipe search and rescue s’inscrit dans le cadre d’une restructuration opérée il y a quelques années par la Protection civile belge. Le but était de se spécialiser dans des services moins disponibles dans les autres pays européens et, de cette manière, renforcer la complémentarité. Le mécanisme B-FAST s’est entre autres spécialisé dans les hôpitaux de campagne, aux côtés de la France, de l'Espagne et de l'Italie. La Belgique a été le premier parmi ces pays à arriver sur place. En outre, B-FAST peut également fournir des systèmes de purification de l’eau, des pompes à eau de grande capacité (en cas d’inondations) et des hébergements d’urgence.

Il est important de noter que les interventions d’urgence de B-FAST se déroulent généralement dans le cadre du mécanisme européen de protection civile (MPC-UE), une plateforme qui sert de point de contact unique en cas de besoin d’une aide urgente à la suite d’une catastrophe. Le MPC-UE permet d’exploiter pleinement les synergies entre les différents États membres et a rendu superflue la création d’un mécanisme « EU-FAST».

Si l’équipe B-FAST n’est pas intervenue en Syrie, c’est en raison de la situation sécuritaire locale. Une des conditions pour déployer une intervention B-FAST est que l’équipe de secours doit pouvoir travailler en toute sécurité. Intervenir dans une région qui est le théâtre d’un conflit armé est donc exclu. Cela ne signifie pas pour autant que la Belgique a abandonné les victimes syriennes à leur sort. Une aide humanitaire a en effet été organisée (voir encadré).
 

Divers SPF impliqués

B-FAST est une collaboration entre la Défense, le SPF Intérieur, le SPF Santé publique, le SPF BOSA (Stratégie et Appui), la Chancellerie et le SPF Affaires étrangères qui en assure le secrétariat. L’implication de divers départements constitue un véritable défi, mais les résultats démontrent que la collaboration se déroule de façon harmonieuse. L’association de diverses compétences permet même d’accroître la qualité des interventions de B-FAST.

Bien entendu, fournir une aide d’urgence après une catastrophe se révèle extrêmement complexe. Le fonctionnement de B-FAST ne cesse d’évoluer afin de fournir une aide d’urgence toujours plus efficace à chaque nouvelle catastrophe. Du point de vue budgétaire, l’intervention en Turquie a coûté au total 8 millions d’euros.
 

Aide humanitaire pour les zones sinistrées en Syrie

La Belgique a immédiatement envoyé une aide humanitaire pour les zones sinistrées en Syrie. Jusqu’à présent, six millions d’euros ont été mobilisés. L’aide humanitaire répond aux besoins qui se manifestent à un peu plus long terme après une catastrophe.

Notre pays a fait don de 4 millions d’euros au Cross-border Fund des Nations Unies qui fournit des ressources aux zones rebelles en Syrie en passant par la frontière turque. Cette année, la Belgique a également augmenté son aide Disaster Response Emergency Fund (DREF), le fonds d’urgence de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui soutient les sections locales dans le monde entier pour répondre rapidement à de telles catastrophes. Ces deux fonds permettent aux organisations humanitaires déjà présentes sur place de réagir rapidement et efficacement.

En outre, deux millions d’euros seront destinés aux organisations humanitaires partenaires de l’UE qui sont déjà actives depuis longtemps dans la région et qui en connaissent donc bien les besoins.

L’aide humanitaire relève de la compétence de la ministre de la Coopération au développement Caroline Gennez, tandis que le mécanisme B-FAST est rattaché à la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib.