L’OTAN fête ses 75 ans – 8 QUESTIONS

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Photo de la salle de réunion de l'OTAN. Autour d'une table ovale se trouvent de nombreuses personnes. En arrière-plan, le logo de l'OTAN

La salle de réunion de l’OTAN au siège à Bruxelles (© NATO).

L’OTAN célèbre ses 75 ans d’existence dans un contexte de tensions. L’invasion russe en Ukraine a joué un rôle majeur dans la transformation du paysage géopolitique. Dans cet article, nous retraçons les récentes évolutions de l’alliance politico-militaire en 8 questions.

En mai 2021 paraissait notre interview avec le représentant permanent de la Belgique auprès de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Depuis lors, le monde a changé du tout au tout. L’agression russe en Ukraine, en particulier, a bouleversé les rapports de force géopolitiques. Des pays tels que la Suède et la Finlande, qui n’avaient jamais souhaité adhérer à l’Alliance jusque-là, sont désormais membres de l’OTAN.

Ainsi, l’Alliance atlantique célèbre ses 75 ans d’existence dans un contexte d’extrême tension. Nous vous proposons de découvrir, en 8 questions, comment l’OTAN s’adapte à la conjoncture actuelle.
 

  1. Quelle est la position de l’OTAN vis-à-vis de l’agression russe en Ukraine ?
  2. Quelles menaces concrètes la Russie fait-elle peser en attisant de plus en plus les velléités guerrières ?
  3. Que fait l’OTAN pour se préparer à la menace grandissante que représente la Russie ?
  4. Outre la Russie, quelles sont les principales menaces actuelles ?
  5. En quoi l'attitude à l'égard de la Chine a-t-elle évolué depuis 2021 ?
  6. Qu'implique l'adhésion de la Finlande et de la Suède pour l'OTAN ?
  7. Y a-t-il d'autres adhésions en vue ?
  8. En raison de la guerre en Ukraine, les États membres font l’objet d’une pression accrue pour consacrer 2 % de leur PIB à la défense. Dans quelle mesure est-ce réalisable ? Que fait la Belgique ?

 

1. Quelle est la position de l’OTAN vis-à-vis de l’agression russe en Ukraine ?


L’OTAN soutient l’Ukraine, mais elle cherche également à éviter une confrontation directe entre l’OTAN et la Russie. Comment ? En misant sur la dissuasion et la défense (voir question 3). En parallèle, l’OTAN fournit un appui politique et une assistance concrète à l’Ukraine.

  • Appui politique

    Dès le début de la guerre, l’OTAN a exprimé un soutien univoque en faveur de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. En 2023 a été créé le Conseil OTAN-Ukraine : un forum consacré au dialogue politique, à la prise de décisions conjointes sur les sujets d’intérêt commun et à la consultation en cas de crise.
     
  • Assistance concrète

    Le soutien actuel à l’Ukraine s’inscrit dans la continuité du partenariat établi dès les années 1990 et renforcé depuis 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie. Il a pour objectif de renforcer le secteur ukrainien de la défense et de la sécurité. Aujourd’hui, l’assistance concrète de l’OTAN comprend une aide militaire mais non létale. Ainsi, l’Alliance adresse à l’Ukraine comme à la Russie le message suivant : « We’re in this for the long haul », soit « nous nous engageons sur le long terme ».

    À court terme, l’assistance couvre les besoins immédiats des forces armées ukrainiennes : uniformes militaires pour l’hiver, générateurs, matériel de déminage, matériel médical, etc. À moyen et long terme, l’aide vise la reconstruction et la modernisation de la défense et de la sécurité ukrainiennes. L’OTAN et l’Ukraine travaillent également à leur interopérabilité (doctrine, matériel, marchés publics…).
     

2. Quelles menaces concrètes la Russie fait-elle peser en attisant de plus en plus les velléités guerrières ?


L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et le conflit dans le Donbass ont fait office de coup de semonce pour l’Alliance. Mais c’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 qui a vraiment changé la donne. En effet, il ne s’agissait plus seulement d’un énième conflit territorial entre deux pays voisins, mais bien de l’invasion d’une nation souveraine par un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU dans le but d’occuper l’ensemble du territoire, de renverser le régime en place pour le remplacer par un gouvernement fantoche et d’annihiler la langue et la culture ukrainiennes.

De plus, cette invasion porte atteinte à l’ordre international que nous avons établi depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est une confrontation entre d’un côté un modèle fondé sur des règles et des accords, sur les droits et les libertés individuels, sur des principes tels que la souveraineté, l’intégrité territoriale et le droit à l’autodétermination de chaque État, et de l’autre côté un modèle basé sur le droit à la contrainte et à l’intimidation pour imposer sa volonté, le droit aux sphères d’influence, le droit d’exercer un contrôle sur ses voisins et celui de leur dicter leurs opinions et leurs actes. C’est notre nouvelle réalité désormais et elle nous concerne tous.

Il n’est pas à exclure que Poutine finisse par s’enhardir ou commettre une erreur d’appréciation, par exemple après avoir remporté des victoires en Ukraine ou à la suite de propos tenus par certaines personnalités politiques occidentales. Il pourrait lancer des « opérations militaires » semblables ailleurs, et ainsi représenter une menace permanente pour les autres voisins de la Russie. Cette instabilité constante aura inévitablement des répercussions sur l’économie et le commerce à l’échelle mondiale.

Qui plus est, une telle situation signifierait la fin de l’ordre mondial fondé sur des règles. De fait, le message ainsi transmis serait que l’agression permet d’arriver à ses fins et que le droit international peut être enfreint sans conséquences graves ou durables. D’autres régimes autoritaires ailleurs dans le monde pourraient être tentés d’emprunter la même voie.

Mais la menace s’avère aussi réelle pour l’Alliance elle-même. On entend souvent dire qu’il y a extrêmement peu de risques que la Russie attaque l’OTAN. En ce moment, une attaque militaire de grande ampleur reste assez improbable, mais des opérations hybrides et des cyberattaques se produisent de plus en plus souvent. Elles ciblent également notre pays.

Dès lors, nous ne pouvons nous permettre ni la désinvolture ni l’indifférence. Même si nous décelons peu de signes d’un projet d’agression réelle, rien n’est jamais garanti. Il est excessivement difficile de déchiffrer les intentions de la Russie. En février 2022 aussi, beaucoup avaient refusé de croire – malgré les signes avant-coureurs – que Poutine irait si loin pour envahir l’Ukraine, et pourtant c’est arrivé.

Enfin, il serait faux de croire qu’un conflit avec la Russie ne se jouerait qu’à la frontière orientale de l’Alliance. Toute action sur le flanc s’accompagnera d’attaques visant des sites critiques ailleurs. Pensons aux routes, aux chemins de fer, aux ports et aux aéroports permettant le transport des renforts depuis l’autre rive de l’océan Atlantique jusqu’à l’ouest de l’Europe, mais aussi aux organes de concertation et de commandement établis dans notre pays.

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Photo du siège de l'OTAN. Au premier plan, les drapeaux de tous les membres de l'OTAN.

Le siège de l’OTAN à Bruxelles (© NATO).

3. Que fait l’OTAN pour se préparer à la menace grandissante que représente la Russie ?


La dissuasion, ainsi que la défense du territoire et de la population de l’OTAN, occupent à nouveau une place centrale aujourd’hui. Le principe est le suivant : « si vis pacem, para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre). Car en fin de compte, mieux vaut pouvoir dissuader que devoir se défendre, et mieux vaut se défendre que reconquérir et reconstruire.

Si nécessaire, l’OTAN sera à nouveau capable de mener une guerre de haute intensité face à des adversaires qui nous égalent (peer adversaries), afin de défendre le territoire de l’OTAN et nos populations. Très concrètement : dans un scénario relevant de l’article 5 (une attaque armée contre une ou plusieurs parties sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties), nous devrons pouvoir envoyer des renforts et mettre en œuvre des opérations militaires dans les plus brefs délais. Pour y parvenir, l’OTAN met en place :

  • un impressionnant système de dissuasion par une présence renforcée sur le flanc est (terre, air, mer) ;
  • une nouvelle génération de concepts et de plans militaires transversaux aux fins de dissuasion et de défense. Pour les mettre en œuvre, l’OTAN a besoin de troupes et de capacités dans les 5 domaines : terrestre, maritime, aérien, spatial et cyber. Les Alliés doivent mettre à disposition ces troupes et ces capacités ;
  • des initiatives au service de l’innovation et du maintien de l’avance technologique de l’OTAN, au travers d’une collaboration accrue entre les pouvoirs publics, le secteur privé et le monde académique (voir question 4) ;
  • des mesures pour augmenter la capacité de production de notre industrie de la défense, afin de répondre aux besoins en stocks et en munitions – de l’OTAN comme de l’Ukraine ;
  • des efforts pour améliorer la résilience de notre société face aux perturbations extérieures, pour nous protéger contre les cyberattaques et les guerres hybrides ainsi que pour protéger nos infrastructures critiques, en ce compris sous-marines. Réduire notre vulnérabilité s’avère d’ailleurs essentiel pour la population civile, mais c’est également indispensable pour permettre au secteur civil de soutenir les forces militaires en cas de nécessité. Pour les Alliés, il s’agit d’une obligation collective et individuelle, qui requiert une approche intégrée.
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Photo de deux pages du traité original de l'OTAN

Le traité original de l’OTAN a été transporté à Bruxelles spécialement pour la célébration du 75e anniversaire de l’OTAN. Sur la photo: articles 4 et 5 (© NATO).

4. Outre la Russie, quelles sont les principales menaces actuelles ?


Le sommet de Madrid (juin 2022) a adopté le nouveau concept stratégique de l'OTAN. Ce document politique de base pose les jalons pour la prochaine décennie, compte tenu de l'évolution du contexte de sécurité. Il confirme les trois missions fondamentales de l'Alliance :

  • la dissuasion et la défense ;
  • la prévention et la gestion des crises ;
  • la sécurité coopérative.

La dissuasion et la défense collective du territoire et des ressortissants de l'OTAN reprennent une place centrale. Le concept stratégique précise également les deux principales menaces qui pèsent sur l'OTAN : la Russie représente la menace directe la plus importante, tandis que le terrorisme est considéré comme la menace asymétrique la plus directe pour la sécurité de nos concitoyens.

Parmi les autres défis figurent la violence sexuelle utilisée comme arme, la cybersécurité, le changement climatique, l'espace, le rôle et l'influence de la Chine ainsi que les technologies émergentes et de rupture telles que l'intelligence artificielle et la technologie quantique.

L'OTAN utilise une approche dite « à 360° ». Cette démarche implique une surveillance étroite de toutes les tensions géopolitiques et de l'ensemble des conflits armés ou hybrides. Le fil rouge étant : « Quels sont les éléments susceptibles de constituer une menace ou un défi pour notre sécurité et notre stabilité collectives ? » Par conséquent, l'OTAN ne se contente pas de suivre de près la guerre sur son flanc oriental, elle surveille également de près les développements dans son voisinage méridional (Moyen-Orient, continent africain) ainsi que ceux dans son voisinage immédiat (Balkans occidentaux, région de la mer Noire). L'organisation garde également un œil sur les nouvelles alliances entre des régimes qui ne partagent pas ses valeurs et ses objectifs.

La Belgique accorde une grande importance aux nouveaux thèmes


La Belgique attache une attention particulière aux nouveaux thèmes tels que la contribution de l'Alliance à l'agenda climatique, au programme « femmes, paix et sécurité » ainsi qu'aux nouvelles technologies. Afin de conserver une longueur d'avance dans ce dernier domaine, l'OTAN lance le programme d'incubation DIANA (Accélérateur d’innovation de défense pour l’Atlantique Nord). L'objectif visé consiste à conjuguer les forces des pouvoirs publics, de l'industrie et des milieux universitaires.

Le DIANA comprend principalement des centres d'essais pour les nouvelles technologies et des incubateurs qui regroupent des start-ups afin d'accélérer l'innovation grâce à la circulation du savoir. De cette manière, le programme vise à débloquer les technologies à « double usage » – avec des applications civiles et militaires – et à faciliter le développement éthique des applications militaires.

En outre, l'Alliance souhaite mettre du capital-risque à la disposition des start-ups disposant de technologies à double usage, par le biais d'un fonds pour l'innovation. Le gouvernement fédéral et les entités fédérées contribuent conjointement à DIANA et au fonds pour l'innovation.

5. En quoi l'attitude à l'égard de la Chine a-t-elle évolué depuis 2021 ?


La Chine n'est pas considérée comme une menace directe, mais comme un défi pour les Alliés. L'OTAN n'a d'ailleurs aucunement l'intention de permettre à des pays asiatiques de rejoindre ses rangs.

Cependant, la Chine n'hésite pas à lancer des opérations hybrides, des cyber-opérations et des campagnes de désinformation envers les pays de l'OTAN. Pékin contrôle également des secteurs clés ainsi que des matières premières et s'engage fortement dans le développement de nouvelles technologies. De plus, le soutien de la Chine à la Russie – notamment dans le cadre de la guerre engagée contre l'Ukraine – reste une préoccupation majeure.

À cet égard, la stratégie de Pékin est guidée par une double motivation ; d’une part, l'ambition de devenir une superpuissance militaire et, d’autre part, l’existence de prétentions territoriales. Cette volonté s'accompagne d'un manque total de transparence en ce qui concerne les capacités, la doctrine militaire et la stratégie, tandis que la ligne de démarcation entre les industries militaire et civile demeure très floue. La Chine pose donc à l'Alliance une série de défis qui sont traités en toute connaissance de cause.

L'OTAN se méfie également des atteintes à l'ordre mondial fondé sur des règles tout comme des tentatives chinoises de plier les normes à sa volonté au sein des organisations internationales. Or, les accords et les règles unanimement respectés garantissent une certaine prévisibilité, des conditions de concurrence équitables et, partant, la stabilité.

En réponse à cette situation, l'OTAN observe les développements en Chine et à proximité, et analyse leur impact potentiel sur l'Alliance. Il s'agit notamment du risque de la course à l’armement dans la région ou ailleurs dans le monde, de la prolifération nucléaire, d’atteinte à la liberté de navigation et à la dépendance économique, ou encore des répercussions potentielles d’un contrôle chinois sur nos infrastructures critiques en cas de guerre.

L'accent porte également sur les investissements dans le secteur technologique, non seulement pour prendre l'avantage sur ce plan, mais aussi afin d’assurer la protection de valeurs éthiques telles que l'utilisation responsable des nouvelles technologies.

Les 32 Alliés travaillent également en étroite collaboration avec leurs quatre partenaires de la région indo-pacifique : le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. En effet, dans notre société mondialisée, nous sommes de plus en plus interdépendants en matière de sécurité. En outre, les quatre partenaires partagent le même point de vue que l'OTAN sur l'Ukraine – soutien et sanctions – et possèdent une vaste expérience de la région indo-pacifique.

Toutefois, dans un souci de transparence et de renforcement de la confiance mutuelle, l'OTAN agit sans pour autant rompre les lignes de communication avec Pékin. À cette fin, des contacts réguliers staff-to-staff ont lieu entre les représentants de l'OTAN et de la Chine.

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Photo d'un char et de soldats dans un paysage vallonné

Depuis 2022, les unités de combat belges font partie d’un groupement tactique français en Roumanie (Forces terrestres avancées Roumanie). Objectif : présence sur le flanc oriental de l’OTAN pour renforcer la détermination de la coalition (© Belgian Defence).

6. Qu'implique l'adhésion de la Finlande et de la Suède pour l'OTAN ?


À la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la Finlande et la Suède – après des décennies de neutralité – ont décidé de demander l'adhésion à l'OTAN. L’intégration de la Finlande et de la Suède présente des avantages significatifs pour l'Organisation.

Les deux pays disposent de forces armées performantes à haut niveau de préparation, d'une industrie de la défense solide et d'une expérience éprouvée en matière de sociétés résilientes. Ils possèdent également une connaissance approfondie du Grand Nord, une région essentielle pour la défense de l'Alliance.

Autre avantage : l’accès aux États baltes ainsi que leur approvisionnement sont facilités et la mer Baltique devient une sorte de « mer intérieure » de l’OTAN. La Russie se retrouve dès lors sous pression, du fait entre autres des accès à hauteur de l'exclave de Kaliningrad ou même de Saint-Pétersbourg, situées en bordure de la mer Baltique.

Le Grand Nord revêt également un intérêt géopolitique et économique croissant. En effet, en raison du réchauffement climatique, les navires militaires et marchands pourront bientôt naviguer sur l'océan Arctique plusieurs mois par an. Cette route maritime permettra de réduire significativement la durée de la traversée de l’Europe vers l'Asie. En outre, les matières premières qu'abrite le pôle Nord seront plus facilement accessibles.
 

7. Y a-t-il d'autres adhésions en vue ?


L'Ukraine et la Géorgie demandent depuis des années à adhérer à l'OTAN. Kyiv a introduit une demande d'adhésion formelle directement après l'annexion par la Russie de quatre régions ukrainiennes à l'automne 2022. Les portes de l'OTAN sont effectivement ouvertes à l'Ukraine et la procédure d'adhésion a été assouplie en 2023. Le pays devra néanmoins procéder à une série de réformes, entre autres en matière de lutte anti-corruption ou de contrôle démocratique des forces armées.

Le pays ne sera de toute façon invité à rejoindre l'Alliance qu’à partir du moment où les Alliés conviendront que les conditions sont remplies ET que la situation le permet. Pour l’instant, aucune date ni processus d’adhésion n’ont été concrètement définis.

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Photographie de chasseurs de mines en mer. En arrière-plan, une ville au pied d'une montagne.

Le chasseur de mines belge M923 dans le cadre d’une campagne de l’OTAN pour laquelle plusieurs pays fournissent à tour de rôle un certain nombre de chasseurs de mines immédiatement disponibles pour une opération de déminage (© Belgian Defence).

8. En raison de la guerre en Ukraine, les États membres font l’objet d’une pression accrue pour consacrer 2 % de leur PIB à la défense. Dans quelle mesure est-ce réalisable ? Que fait la Belgique ?


La Belgique doit assumer sa part de responsabilité dans le cadre du partage des charges entre les 32 Alliés, sous la forme de moyens financiers, capacités et contributions (cash, capabilities et contributions). Compte tenu du contexte géopolitique actuel, le seuil a été fixé à 2 % du PIB.

Conscientes de l’enjeu, les autorités belges ont adopté plusieurs plans d'investissement ces dernières années. Notre pays a ainsi engagé 9,2 milliards d'euros et 11 milliards d'euros pour l'achat d'équipements militaires stratégiques au cours des deux dernières législatures.

La trajectoire fixée par la Belgique prévoit qu’en 2030, notre pays consacrera 1,54 % de son PIB à la défense, pour finalement atteindre 2 % en 2035. La Belgique n’atteint donc pas assez rapidement la cible des 2 %, et les autorités de l'OTAN ainsi que les autres Alliés l’interpellent fermement à ce sujet.

Ces 2 % du PIB permettent de mesurer la volonté politique d’un pays d'assumer sa part de la charge. Mais il s'agit avant tout de la condition pour remplir les objectifs de capacités que l'OTAN nous impose. Elle nous demande plus d’avions de chasse, une troisième frégate ou l’armement de nos drones par exemple. Ce que nous ne faisons pas, ce sont d’autres Alliés qui devront le faire. Ce n’est pas normal.

La nouvelle réalité géopolitique nous oblige en effet à disposer des capacités militaires nécessaires, non seulement pour la prévention et la gestion des conflits ainsi que pour la coopération militaire – comme ce fut le cas au lendemain de la guerre froide – mais également pour restaurer la capacité de l'OTAN à défendre son territoire dans l'hypothèse d'un scénario de type article 5.

Ce dernier a d'importantes implications – tant sur le plan quantitatif que qualitatif – pour l'instrument militaire des différents Alliés, y compris bien entendu celui de la Belgique. Nous devons entamer un sérieux processus de rattrapage pour reconstituer les capacités du haut du spectre supprimées depuis 1989 dans un souci d'économies : groupes de combat prêts à intervenir, entraînés, composés de suffisamment d'effectifs et équipés en matériel, stocks et munitions. Nous devons en outre être en mesure de déplacer rapidement des unités vers la zone d'intervention. Le tout dans le but de mener des opérations tant sur terre, en mer, dans les airs et dans l'espace que dans le domaine cybernétique.

Investir davantage dans notre Défense s’avère donc indispensable. Garantir la paix et la sécurité – conditions de base pour tous les autres aspects de notre société – a en effet un prix. À titre de comparaison, on pourrait en quelque sorte considérer que la défense représente pour une nation ce que la santé représente pour une personne.

La Belgique est par ailleurs un fervent défenseur du multilatéralisme (qui consiste à résoudre autant que possible les problèmes internationaux par l'intermédiaire d'organisations internationales). C’est notamment pour remplir cet engagement que notre pays a adhéré à une architecture de sécurité collective en tant que membre fondateur de l'OTAN. Dans cette perspective, « nos » populations, « nos » territoires et « notre » prospérité sont protégés.

Si un seul pays n'assume pas sa part de responsabilité, il manque une brique dans ce mur de protection et nous faisons courir un risque à nos Alliés. Notons qu’avec un PIB d'environ 550 milliards d'euros, la Belgique est la 8e plus grande économie au sein de l'UE. En outre, comme notre pays figure parmi les économies mondiales les plus ouvertes, notre prospérité dépend particulièrement de la stabilité internationale. Investir dans la défense revient donc à investir dans notre prospérité.