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Une femme dépose son bulletin de vote dans une urne (élections en Guinée-Bissau, 2009). En arrière-plan, 2 observateurs électoraux. © European Union
Notre SPF envoie régulièrement des observateurs électoraux dans les pays qui en font la demande. Que font-ils exactement ? Saviez-vous que des observateurs électoraux étrangers seront également présents lors des élections européennes qui se tiendront dans notre pays le 9 juin ?
Les médias nous parlent régulièrement d'observateurs qui confirment ou non que les élections dans un pays étranger se sont déroulées sans irrégularités. D'où vient cette coutume et que se passe-t-il exactement lors d'une mission d'observation électorale ? Pour plus d'explications, nous avons pu nous adresser à Denis Valois, point focal de notre SPF pour les observations électorales de l'UE.
De 1857 à aujourd'hui
« L'observation des élections n'est pas un phénomène récent », affirme M. Valois. « La toute première a eu lieu en 1857, lorsque les grandes puissances de l'époque - la Russie, l'Autriche, la Prusse et l'Empire ottoman - ont envoyé des observateurs électoraux en Moldavie et en Valachie (l'actuelle Roumanie). »
Pourtant, l'observation électorale n'est devenue vraiment populaire qu'après la Seconde Guerre mondiale. C'est ainsi que, par l'intermédiaire des Nations Unies, une mission d'observation s'est rendue en Corée en 1947. M. Valois : « Elles sont devenues très fréquentes depuis les années 1990, lorsque les Balkans ont traversé une grave crise. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a alors organisé des observations électorales dans plusieurs pays des Balkans. Depuis 2000, l'UE est également devenue très active dans ce domaine. À ce jour, elle a effectué plus de 180 missions dans plus de 65 pays. »
Notre SPF et les observations électorales
Chaque État membre de l'UE doit désigner un point focal au sein de son ministère des Affaires étrangères ou d'une agence externe compétente pour tout ce qui concerne l'observation électorale. Un point focal est chargé de recruter et de présenter les candidats qui, après sélection finale par l’UE, pourront participer aux missions d'observation. Au sein de notre SPF, une dizaine de personnes ont participé occasionnellement à ce type de mission.
En outre, notre SPF suit les observations électorales organisées par l'OSCE. Nous participons à trois ou quatre missions par an et nous les finançons nous-mêmes.
Instances principales
L'OSCE et l'UE restent actuellement les principales instances organisant l'observation électorale. « Il existe même un accord entre elles », précise M. Valois. « L'OSCE suit ses 57 États participants - tous les pays d'Europe et d'Asie centrale, ainsi que les États-Unis, le Canada et la Russie - tandis que l'UE couvre le reste du monde. Grosso modo, donc, l'Afrique, l'Amérique latine, le Moyen-Orient et le reste de l'Asie. »
De nombreux autres organismes sont également impliqués, tels que l'Union africaine, la Ligue arabe, l'Organisation internationale de la francophonie et des ONG internationales comme le Centre Carter.

Des femmes faisant la queue pour voter au Pakistan (2008). © European Union
Code de conduite
Tous ont signé la déclaration de principes pour l'observation électorale internationale et le code de conduite à l'usage des observateurs électoraux internationaux. Cette déclaration constitue la base d'une observation électorale internationale crédible et a été finalisée au sein des Nations Unies en 2005.
Elle stipule non seulement que le pays hôte doit accorder un accès sans entrave aux observateurs électoraux à tous les stades du processus électoral, mais elle formule également un code de conduite pour l'observateur électoral international. « Il est donc essentiel qu'un observateur respecte les lois et la souveraineté du pays et reste strictement impartial », souligne M. Valois. « Il ne peut donc qu'observer sans intervenir ni perturber le processus électoral. »
« Un observateur s'abstiendra également de tout commentaire personnel, en public et dans les médias. Même au restaurant, il doit faire très attention à ce qu'il dit. Naturellement, on attend de lui qu'il observe très précisément et qu'il tire des conclusions de manière professionnelle. Il doit avoir un comportement irréprochable et respecter la culture et les coutumes locales. En outre, il est tenu de coopérer avec les autres observateurs qu'il rencontre. »
Levier pour la gouvernance démocratique
Pour l'UE, l'observation électorale est un élément essentiel de sa politique étrangère. En effet, elles constituent un levier pour soutenir la gouvernance démocratique dans un pays. Des institutions démocratiques fortes sont essentielles pour accroître la résilience d'un pays. Elles peuvent prévenir une nouvelle crise, stabiliser une région déchirée par la guerre ou atténuer les tensions. L'UE associe également le respect des droits humains à cette question, à l'égalité des genres, etc. Chaque année, elle consacre 45 à 50 millions d'euros à l'observation électorale.
Mais les observations électorales ne sont jamais imposées. Le pays où se déroulent les élections doit en faire la demande. « Les gouvernements y ont certainement intérêt », précise M. Valois. « De cette façon, ils peuvent démontrer à la communauté internationale que la transition politique post-conflit se déroule bien. Ce fut le cas, par exemple, en Sierra Leone et au Népal. »

Pour éviter le double vote, les électeurs doivent tremper leur index dans de l’encre indélébile (Élections soudanaises, 2010). © Ezequiel Scagnetti/EU
Utilité des observations électorales
Les observations électorales sont également un moyen de pression pour l'UE. En effet, dans ses projets avec ses pays partenaires, elle pose des conditions telles que le respect des droits humains et la gouvernance démocratique. M. Valois : « Si l'observation d'une élection montre que le système démocratique est totalement dysfonctionnel, l'UE peut cesser tout financement. C'est ce qui s'est passé, par exemple, en Éthiopie, où les élections de 2005 ont été catastrophiques, avec des niveaux de violence très élevés. L'arrêt du financement de l’aide bilatérale directe a contraint le gouvernement éthiopien à mettre en œuvre des réformes et à organiser de nouvelles élections en 2010, qui se sont cette fois déroulées dans de meilleures conditions. »
On peut donc affirmer que les observations électorales sont utiles. Elles contribuent sans aucun doute à des élections équitables, libres et transparentes. Elles découragent la fraude, encouragent la participation des citoyens et renforcent la confiance de la population dans les élections. À plus long terme, elles contribuent à renforcer les institutions de l'État et à les rendre plus indépendantes, ainsi qu'à rendre le processus électoral plus solide.
Missions à part entière et missions d'experts
En gros, on distingue deux types de missions d'observation. M. Valois : « Tout d'abord, il y a des missions à part entière (full-fledged) qui couvrent tous les aspects du processus électoral sur l'ensemble du pays. Il s'agit de missions très visibles - y compris pour la presse - avec un grand nombre d'observateurs, dont certains sont présents pendant de longues périodes (voir encadré). Les missions d'experts sont limitées à 2 ou 3 experts qui passent environ deux mois dans le pays. Il s'agit de missions assez techniques, sans visibilité, qui vérifient si les élections sont conformes aux engagements internationaux, régionaux et nationaux. »
Les deux types de missions d'observation donnent lieu à une évaluation et à un rapport. Les élections peuvent s'être bien déroulées, s'être bien déroulées avec des points à améliorer ou s'être mal déroulées. Les recommandations du rapport doivent encourager les gouvernements à améliorer l'organisation des élections. Par exemple donner plus de place à l'opposition ou encourager une presse moins liée aux partis politiques.
« On enchaîne souvent avec des missions de suivi - à mi-chemin entre deux élections - pour vérifier dans quelle mesure le pays a pris en compte les recommandations. Si l'on n'en fait pas assez, l'UE pourrait refuser une mission d'observation ultérieure. » Les missions de suivi font partie intégrante du dialogue politique de l'UE avec ses pays partenaires.
Pour des raisons budgétaires, il y a de moins en moins de missions à part entière et de plus en plus de missions d'experts.

Le comptage lors des élections au Soudan (2010). © Ezequiel Scagnetti/EU
Une aventure humaine intense
Les observateurs électoraux sont généralement bien accueillis. « Pourtant, il arrive régulièrement que les gens les critiquent en disant "en quoi venez-vous vous mêler de nos affaires, vous les Européens" », explique M. Valois. « À ce moment, il convient de souligner que le pays lui-même a demandé une mission d'observation et qu'un observateur électoral est neutre à 100 % et ne favorise personne. »
« Depuis 1998, j'ai déjà participé à 24 missions d'observation, dont une fois en tant qu' observateur à long terme au Liban », conclut M. Valois. « Au début, dans les pays des Balkans comme le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine pour l'OSCE. Ensuite, pour l'UE, entre autres au Cambodge, au Kenya, au Népal, en Tanzanie, à Madagascar, au Yémen et au Myanmar. »
« Agir en tant qu'observateur électoral, c'est toujours la garantie d'une aventure humaine très intense. Vous partagez la vie quotidienne des habitants à un moment très important pour eux, en particulier à un moment de participation crucial. Vous vous rendez dans les endroits les plus reculés et devez souvent vous contenter d'un hébergement et d'une nourriture de base. Mais surtout, vous pouvez apporter votre contribution à une société plus libre dans différents pays. »
Observations électorales en Belgique
Et oui, des observations électorales ont également lieu en Belgique, mais elles sont organisées par l'OSCE. Par exemple, dans le passé – entre autres pour les élections de 2014 et 2019 - des missions pré-électorales ont eu lieu pour déterminer si une mission d'observation pendant les élections était nécessaire.
Une mission d'experts se trouve actuellement à Bruxelles pour suivre les élections européennes du 9 juin dans notre pays. La mission est composée de sept personnes, toutes originaires de pays non membres de l'UE. À sa tête se trouve une parlementaire islandaise, son adjoint est un Britannique. La mission compte également des experts d'Azerbaïdjan et d'Ukraine, entre autres. Objectif : vérifier si les élections sont conformes aux engagements internationaux, régionaux et nationaux.
En quoi consiste une mission d'observation électorale typique de l'UE ?
- L'équipe cadre réside dans la capitale. Elle se compose d'un chef de mission - toujours un parlementaire européen - et d'un certain nombre d'experts qui analysent en détail le processus électoral et préparent un rapport final. Comme porte-parole et experts en administration électorale, droits humains, médias, médias sociaux, sécurité, etc.
- Les observateurs à long terme (LTO) sont présents par district dans tout le pays - dans la ville principale du district - dès le mois précédant le jour de l'élection et jusqu'à une bonne semaine après. Ils suivent la campagne électorale et interagissent avec les parties prenantes telles que les autorités locales chargées de l'organisation des élections, le bourgmestre, les partis politiques, les ONG, les médias, les forces de sécurité et les citoyens.
Par exemple, ils peuvent vérifier si la liberté d'association et d'expression a été respectée et si les femmes et les groupes vulnérables ont pu participer au processus électoral. Les citoyens savent-ils pourquoi ils votent, quels sont les enjeux et connaissent-ils les candidats ?
Après le jour du scrutin, ils suivent la manière dont le pays traite les plaintes et les litiges liés aux élections.
- Les observateurs à court terme (STO) sont les plus nombreux et couvrent l'ensemble du pays. Ils arrivent environ cinq jours avant et restent encore quatre jours après le jour de l'élection. Ce sont eux qui, sur le terrain, visitent les bureaux de vote et font des observations.
Dans l'UE, chaque équipe d’observateurs (LTO et STO) est composée d'une observatrice et d'un observateur, ainsi que d'un chauffeur et d'un assistant locaux.
Comment se déroule une mission d'observation électorale complète pour un observateur à court terme (STO) ?
- À leur arrivée, les STO se rassemblent dans la capitale pour un briefing approfondi (politique, élections) par l'équipe cadre.
- Ils se rendent ensuite dans la région où ils effectueront les observations. Les observateurs à long terme (LTO) leur donnent d'abord une séance d'information sur des sujets régionaux tels que des détails sur les candidats, etc.
- Le jour des élections, les STO se préparent à un marathon. En moyenne, ils visitent 7 à 15 bureaux de vote, bien répartis entre zones urbaines et rurales.
- Au tout premier bureau de vote, ils sont présents une demi-heure à une heure avant l'ouverture. Cela leur permet de vérifier que tout est en ordre : les cachets, l'encre, les isoloirs, les urnes, les formulaires... Les résultats sont complétés par un questionnaire et envoyés immédiatement sous forme numérique à l'équipe cadre.
- Ils se rendent ensuite au bureau de vote suivant où ils restent pendant 30 à 40 minutes. Les électeurs ont-ils pu voter librement ? Les électeurs n'ont-ils pas été influencés ? Y avait-il des affiches de candidats ? Personne n'a reçu deux bulletins de vote ou plus ? Chaque électeur disposait-il d'une pièce d'identité valide ? A-t-on vérifié si l'électeur avait des traces d'encre sur le doigt ? Chaque électeur a-t-il quitté le bureau de vote après avoir déposé son bulletin de vote avec un index clairement marqué à l'encre indélébile ? Toutes les observations sont soigneusement notées et envoyées numériquement à l'équipe cadre.
- L'équipe STO reste dans le tout dernier bureau de vote un certain temps après la fermeture. Comment se déroule la fermeture ? Combien y a-t-il de bulletins de vote ? Comment se déroule le comptage ? Y a-t-il des observateurs internationaux et nationaux, des membres de la société civile, des représentants des partis politiques ?
- Il est parfois nécessaire de revenir le lendemain. Quelque 24 à 36 heures après le vote, tous les résultats - y compris ceux des bureaux de vote les plus éloignés - devraient être collectés. En tout cas, il est important de voir comment ces résultats sont transmis aux grandes villes locales et de là à la capitale.
- Enfin, les STO assistent à un débriefing régional par les LTO et à un débriefing général dans la capitale par l'équipe cadre. Ensuite, environ 10 jours après leur arrivée, ils peuvent rentrer chez eux.
- Lors de la récente mission d'observation au Sénégal (mars 2024), un total de 498 bureaux de vote ont été visités, soit 7 à 8 % du total. C'était plus que suffisant pour se faire une idée précise du déroulement des élections dans l'ensemble du pays, en l'occurrence sans aucun problème. Il y avait 22 LTO (11 équipes) et 42 STO (21 équipes).
- Le chef de mission fait une première déclaration dans l'après-midi du jour de l'élection. Une deuxième déclaration basée sur toutes les observations suit deux jours après l'élection. Un rapport détaillé est présenté deux mois plus tard. Il y est question non seulement de la campagne et du jour du scrutin, mais aussi de toutes les réunions des LTO. Il formule également des recommandations.
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