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Les participants et champions enthousiastes de la conférence SheDecides+5 à Bruxelles. Au milieu, le premier ministre De Croo. © SPF AE
2017, Global Gag Rule
Remontons 5 ans en arrière lorsque le président américain Donald Trump décide d’appliquer la Global Gag Rule partout dans le monde. Cette politique interdit aux organisations bénéficiaires de fonds américains de poursuivre le déploiement d’activités liées de près ou de loin à l’avortement.
Les répercussions s’annoncent désastreuses. À titre d’exemple, un centre de santé au Bénin qui utilise des fonds provenant des États-Unis pour la vaccination contre la malaria et des fonds néerlandais pour des activités de planification familiale verra son financement américain se tarir. En cause : ses activités de conseil en matière de régulation des naissances, de contraception et d’avortement sans risque. Le centre devra par conséquent réduire considérablement ses activités, voire sera contraint de fermer ses portes.
Pour de nombreuses organisations de développement, les États-Unis représentent l’un des principaux donateurs. La Global Gag Rule donnera donc lieu à une hausse significative du nombre de grossesses non désirées, d’avortements à risque, de maladies et de décès.
Une situation jugée inacceptable par la ministre néerlandaise de la Coopération au développement, Lilianne Ploumen. En janvier 2017, elle propose la création de la plateforme internationale baptisée SheDecides, une initiative qui permettrait de lever des fonds et regrouperait les pays et organisations qui partagent la même vision sur la planification familiale et les droits des femmes.
Le ministre belge de la Coopération au développement, Alexander De Croo, se rallie immédiatement à la cause de son homologue néerlandaise. Le 2 mars 2017, les Pays-Bas et la Belgique, en collaboration également avec le Danemark et la Suède, organisent une conférence au palais d’Egmont à Bruxelles pour soutenir les droits des femmes et des filles. Dès le premier jour, 181 millions euros sont récoltés, ce qui marque le coup d’envoi du mouvement SheDecides !
Le ministre Alexander De Croo lance l'initiative SheDecides au Palais d'Egmont à Bruxelles en 2017. A côté de lui, le ministre Ploumen. © SPF AE
2022, SheDecides+5
Cinq ans plus tard, SheDecides est devenu un mouvement mondial bien ancré et cet anniversaire méritait d’être fêté ! La Belgique et SheDecides ont ainsi organisé une conférence de haut niveau dans ce même palais d’Egmont. L’événement visait entre autres à mener des échanges de points de vue nourris et à poursuivre les actions sur la base d’un élan renouvelé. Deux des initiateurs du mouvement à l’époque, Lilianne Ploumen et Alexander De Croo, étaient eux aussi de la partie.
Cette conférence a été l’occasion de finaliser une stratégie pour les cinq années à venir. SheDecides souhaite (1) renforcer son action en attirant de nouveaux alliés, ce qui lui permettra (2) d’entreprendre une action plus politique pour encourager la prise d’engagements renforcés à l’échelle mondiale, tant sur le plan financier que politique, en vue de promouvoir l’autonomie corporelle des femmes. Le mouvement aura ainsi également (3) plus de poids pour défendre haut et fort ses positions face aux oppositions et pouvoir les contrer. Car l’objectif demeure inchangé : garantir aux femmes, filles et jeunes, partout dans le monde, le droit de décider librement de leur corps, de leur vie et de leur avenir.
Oppositions croissantes
Par rapport à la situation de 2017, une lueur d’espoir se dégage aujourd’hui : le président américain actuel Joe Biden a en effet abrogé la Global Gag Rule. Cela n’empêche toutefois pas les opposants conservateurs d’occuper de plus en plus le devant de la scène. Apparemment, ces derniers jugent dérangeantes les actions en faveur de la planification familiale, en ce compris les moyens contraceptifs et l’accès à un avortement sans risque.
« Ils souhaiteraient renvoyer les femmes dans la cuisine et prônent dans ce cadre des valeurs familiales », a déclaré le premier ministre Alexander De Croo lors de la conférence SheDecides+5. « La décision de la Cour suprême des États-Unis (qui laisserait la liberté à chaque État américain de décider d’interdire ou non l’avortement, NDLR) illustre bien cette mentalité. Une étude publiée dans la revue médicale The Lancet a montré que cette décision pourrait impliquer de graves répercussions : de nombreuses femmes vont mourir, alors qu’il s’agit ici d’un droit humain fondamental. »
Ce sont également les femmes qui ont payé le plus lourd tribut lors de la pandémie de coronavirus. Non seulement, dans le secteur des soins de santé, elles étaient plus nombreuses en première ligne pour sauver des vies, mais en plus, les confinements successifs ont entraîné une augmentation des violences domestiques et ont creusé les inégalités entre les hommes et les femmes. En outre, la guerre en Ukraine apporte également son lot de répercussions négatives.
Force est de constater que nous ne pouvons jamais nous reposer sur nos lauriers lorsqu’il s’agit des droits sexuels et reproductifs, ou de l’égalité des genres et des droits des femmes. Ces droits sont sans cesse menacés, et très souvent, ils sont les premiers à être compromis lorsqu’une crise éclate.
Le ministre Alexander De Croo - en compagnie de Goedele Liekens et Axelle Red - en mission au Sénégal dans le cadre de SheDecides (2017). © SPF AE
49 champions
Un mouvement comme SheDecides a donc d’autant plus de raison d’être. Il compte dès lors tirer parti des réalisations de ces cinq dernières années et poursuivre sur sa lancée. À l’heure actuelle, SheDecides est actif dans 27 pays. Par exemple, le droit à l’avortement a été vivement défendu en Namibie, en République dominicaine et au Malawi, tandis que les coupures budgétaires réalisées par la coopération au développement britannique en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs (SDSR) ont suscité de vives protestations.
À l’occasion de divers forums internationaux tels que le Forum Génération Égalité, le Sommet mondial sur l'éducation et les sommets sur le climat, les SDSR ont reçu une attention particulière. À Bruxelles, la France a annoncé qu’elle entendait aborder ce thème lors des G7 et G20. L’Argentine a quant à elle légalisé l’avortement en 2021. De plus, par le biais de la loi Micaela, le pays souhaite mettre un terme à la violence sexuelle et aux féminicides (= meurtre d'une femme en raison de son sexe), un fléau en Amérique du Sud.
Depuis son lancement, le mouvement SheDecides compte 42 champions actifs. Il s’agit d’individus - certains représentant des pays ou des organisations - qui agissent seuls ou ensemble en faveur des droits des femmes. Le premier ministre Alexander De Croo figure parmi eux.
À Bruxelles, sept nouveaux champions ont été présentés. Parmi eux, la Palestinienne Enas Dajani qui défend l’égalité des genres et œuvre en faveur de la paix. Pour ce faire, elle met à disposition des espaces sûrs pour les jeunes et encourage une culture du dialogue et de la diversité. La spécialiste congolaise sur les questions de genre Richine Masengo aide les jeunes (femmes) à faire entendre leur voix. Outre les SDSR, elle défend également les minorités telles que les personnes LGBTQI+ et les personnes atteintes d’un handicap ou d’albinisme.
La Génération 25x25 pour l’égalité regroupe 25 jeunes nés en 1995, année de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes organisée à Pékin. À cette occasion, 189 États s’étaient engagés en faveur de l’autonomisation des femmes. Les progrès en la matière se révèlent toutefois modestes, c’est pourquoi ces 25 jeunes souhaitent être des défenseurs actifs de l’égalité des genres.
Les droits des femmes au premier plan de la politique belge
En sa qualité de pays hôte de la conférence SheDecides+5, la Belgique soutient bien entendu pleinement les objectifs de l’initiative. L'égalité des droits entre les hommes et les femmes figure depuis longtemps au cœur de la politique extérieure de la Belgique et de sa coopération au développement, et cet engagement se poursuivra.
Dans toutes ses activités, la Coopération belge au Développement cherche à garantir l’accès aux SDSR au sens le plus large du terme et tout au long du cycle de vie, ce qui englobe l’accès aux méthodes modernes de contraception, à l’avortement sans risque et à une éducation sexuelle complète. Un cadre juridique et un accès effectif à l’information constituent des facteurs essentiels pour pouvoir prendre des décisions éclairées en matière de sexualité et de planification familiale.
Notre pays travaille également sur les normes sociales et de genre, en ce compris la « masculinité transformatrice et restrictive ». Certaines sociétés se heurtent encore trop souvent à des traditions profondément ancrées où les hommes dominent et discriminent les femmes. Cette situation doit évoluer vers une « masculinité positive » permettant une véritable égalité entre les femmes et les hommes.
Impliquer les hommes
La ministre de la Coopération au développement Meryame Kitir et le premier ministre Alexander De Croo ont tous deux souligné : « Les garçons et les hommes doivent devenir nos alliés. Si nous voulons gagner cette bataille, les hommes doivent faire partie de l’équation. »
L’égalité des genres ne concerne pas exclusivement les femmes, mais tout le monde. Il est dans l’intérêt de tous de permettre aux hommes et aux femmes de déployer pleinement leur potentiel. Si nous continuons à gâcher le talent de la moitié de la population, nous ne parviendrons pas à relever les énormes défis auxquels nous faisons face – dérèglement climatique, migration, création d’emploi, etc.
En bref, les sociétés égalitaires du point de vue du genre se portent majoritairement mieux et aujourd’hui, plus que jamais, c’est de ce type de communautés dont nous avons besoin. À travers le mouvement SheDecides, la Belgique entend résolument y contribuer.
Quelques exemples de l’aide belge en faveur des SDSR
La Belgique soutient l’égalité des genres ainsi que la santé et les droits sexuels et reproductifs par le biais de différents fonds : le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP, 9 millions d’euros par an), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF, 15 millions d’euros par an), ONU Femmes (4 millions d’euros par an) et ONUSIDA (3 millions d’euros par an).
Le programme UNFPA Supplies (accès à des contraceptifs modernes) bénéficie chaque année de 2 millions d’euros et SheDecides reçoit 200 000 euros. En outre, notre pays a fait don en 2020 de 800 000 euros au Fonds mondial pour les survivant(e)s (Global Survivors Fund), un fonds créé par les lauréats du prix Nobel de la paix Denis Mukwege et Nadia Murad pour « réparer » les victimes de violences sexuelles pendant des conflits.
Par le biais d’un appel à projets, la Belgique a investi plus de 5,5 millions d’euros dans des initiatives visant à renforcer l’autonomie des femmes et à stimuler le leadership féminin, à combattre les stéréotypes de genre et à promouvoir la masculinité positive.
Notre pays accorde également une attention particulière aux SDSR dans le cadre de sa coopération gouvernementale, entre autres avec le Burkina Faso, le Sénégal, la Guinée, le Rwanda, le Bénin, la Palestine et bientôt aussi avec la Tanzanie et le Mozambique. Au total, cela équivaut à plus de 80 millions d’euros d’ici la fin 2024.
Au Burkina Faso, SheDecides lutte contre les mutilations génitales féminines. Cette pratique étant profondément ancrée dans les coutumes du pays, plusieurs universités belges et Enabel étudient la mentalité des communautés locales. En effet, le succès des actions et changements dépend de l’implication des communautés elles-mêmes.
Au Rwanda, Enabel a investi dans la rénovation et le développement de huit centres familiaux adaptés aux jeunes. Les enfants et jeunes de 10 à 24 ans peuvent s’y rendre pour obtenir des conseils sur les SDSR, les drogues et la violence fondée sur le genre. 14 formateurs, 523 éducateurs et 139 prestataires de services de santé ont reçu une formation sur ces sujets.
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