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Environ 1,2 milliard de personnes dans le monde n'ont pas accès à l'électricité. Quelle est la situation en Afrique ?
620 millions d'Africains - soit environ 70 % de la population - n'ont pas accès à l'électricité, surtout en Afrique subsaharienne. D'ici 2030, ils pourraient être 750 à 850 millions. Les programmes conçus pour promouvoir l'accès à l'électricité doivent en tenir compte.
Quels sont les projets en matière d'énergie renouvelable en Afrique ?
Les énergies renouvelables ont le vent en poupe. Au cours des dix dernières années, elles ont quadruplé. Cette tendance s’inscrit dans le cadre des objectifs ambitieux couverts par l'initiative africaine « Sustainable energy for all ». Toutefois, ces plans ne sont pas coordonnés. Certains États veulent doubler leur capacité, d'autres comme l'Ouganda et le Cameroun produisent déjà 90 % de leur électricité à partir de sources renouvelables, principalement de grandes centrales hydroélectriques.
En ce qui concerne l'énergie solaire et éolienne, le potentiel est élevé, surtout en Afrique, mais leur utilisation reste limitée. Non seulement parce qu'elles sont imprévisibles, mais aussi en raison de la capacité du réseau. Afin de maintenir la stabilité de ce dernier, les sources d'énergie imprévisibles peuvent représenter au maximum 20 % de la capacité du réseau.
Les énergies renouvelables en Afrique aujourd'hui
- Géothermie (chaleur issue du sol) : pour la production d'électricité principalement en Afrique de l'Est (surtout au Kenya et en cours de développement en Ethiopie et en Erythrée).
- L'hydroélectricité : presque partout avec un potentiel inexploité.
- Biomasse : principalement en Afrique centrale. Pas encore utilisé pour l'électricité, mais le potentiel est bien présent.
- L'énergie solaire (photovoltaïque) : omniprésente, mais avec un pic en Afrique de l'Est. Existe non seulement à grande échelle, mais aussi pour des systèmes domestiques plus petits.
- L'énergie éolienne : principalement en Afrique du Nord (Égypte, Maroc, Éthiopie, Djibouti, entre autres)
- Concentrated Solar Power (CSP): (focaliser les rayons du soleil avec des miroirs ou des lentilles) : en Afrique du Sud, progressivement étendu à d'autres pays.
Mais les grandes centrales hydroélectriques sont cependant souvent controversées, n’est-ce-pas ? Des populations sont déplacées, ces installations ont un impact sur l'environnement et sur les niveaux d'eau des rivières dans les pays voisins.
Prenons par exemple le barrage de la Renaissance sur le Nil Bleu en Éthiopie.
Néanmoins, leur exploitation se poursuit. Le grand barrage Inga au Congo, par exemple, a un potentiel de 39 000 MW. Il peut fournir de l'électricité à plusieurs pays si les lignes à haute tension adéquates étaient construites. Cependant, les décideurs politiques devraient également tenir compte de l'impact sur les pays situés en aval, ce n’est pas suffisamment le cas pour le barrage Renaissance en Éthiopie. Ils sont peut-être conscients du problème, mais on constate un manque de coordination.
Quel est le potentiel des petites centrales hydroélectriques ?
Les petites centrales hydroélectriques sont en nette augmentation mais ne permettent pas une production à grande échelle. Le Cameroun dispose de 262 micro-sites hydroélectriques, chacun pouvant fournir entre 50 kW et 5 MW, soit 300 MW. En comparaison, le potentiel total de production d'hydroélectricité à grande échelle atteint 20 000 MW. La RD Congo possède également un énorme potentiel pour les petites centrales hydroélectriques, tout comme la Tanzanie.
Il est important de souligner que ces petites centrales sont bien adaptées à la production d'électricité hors réseau, c'est-à-dire indépendamment de celui-ci. Elles peuvent fournir de l'électricité aux villages isolés sans qu’ils soient raccordés au réseau. Sans ces centrales électriques locales, il faudrait certainement encore 10 à 20 ans avant que les villages ne soient raccordés ! De plus, l’électricité est moins chère puisque les lignes électriques vers ces villages isolés ne sont plus nécessaires. Cependant, les fonds sont souvent insuffisants.
Pourquoi ?
Au cours des 5 dernières années, des entreprises essentiellement privées, y compris européennes, ont travaillé sur des solutions hors réseau, comme ENGIE et E.ON en Tanzanie.
Mais ces sociétés se heurtent à un obstacle majeur : les résidents des régions rurales préfèrent payer un peu plus cher pour leur électricité afin que cela devient rentable pour les entreprises. Mais les décideurs politiques s'en tiennent à un prix égal - plus bas - dans tout le pays. Ce prix inférieur ne reflète toutefois pas le coût réel de l'installation hors réseau. Par conséquent, l'investissement n'intéresse plus le secteur privé.
Centrale hydroélectrique au Rwanda © Shutterstock
Quel type de biomasse les pays africains utilisent-ils ?
La biomasse est constituée de déchets provenant des communes, de l'agriculture, de menuiseries, entre autres. Ce sont surtout les menuiseries éloignées, non raccordées au réseau, qui peuvent aujourd'hui produire leur propre électricité à partir de déchets de bois au lieu d'utiliser des générateurs diesel. Le basculement peut se produire si les déchets de bois deviennent économiquement intéressants pour eux en tant que source d’énergie.
Mais ces entreprises ont besoin de capitaux dont elles ne disposent pas. Cela me semble être une occasion unique pour les « tiers financeurs » qui peuvent louer l'unité électrique ou produire l'électricité contre paiement jusqu' à ce qu'elles rentrent dans leurs frais.
Le taillis est essentiellement renouvelable, mais en Afrique, il conduit à la déforestation. Quelle est la solution ?
Le bois est en effet largement utilisé pour cuisiner, surtout à la campagne, et nos forêts en souffrent. Aujourd'hui, il existe des cuisinières qui nécessitent moins de bois ou de charbon de bois. À long terme, nous devons nous tourner vers d'autres technologies comme le biogaz obtenu, par exemple, par fermentation du fumier et des excréments, comme dans les prisons ougandaises. Le Sénégal et le Burkina Faso envisagent d'utiliser les déchets des abattoirs.
Le biogaz ne suffira cependant pas. Nous devrons passer au gaz propane, qui peut contribuer à la lutte contre la déforestation et la désertification. L'électricité est encore trop chère pour cuisiner, mais les fours solaires sont intéressants car ils focalisent la lumière du soleil. Espérons qu'ils seront utilisés beaucoup plus souvent à l'avenir.
Où en est l'énergie nucléaire en Afrique ?
L'Afrique du Sud a investi dans deux centrales nucléaires et prévoit d'en construire une troisième, pour un total de 1300 MW. D'autres pays envisagent le nucléaire, mais cela reste controversé. La position des gouvernements africains, par exemple, reflètent ce qui se passe en Europe : les centrales nucléaires sont démantelées et les déchets nucléaires constituent une importante préoccupation.
Les pays africains ne se lanceront donc pas tout de suite dans l'énergie nucléaire. Cependant, ils pourraient être séduits par des investisseurs qui leur garantiraient une électricité meilleure marché lorsqu’elle est produite par une centrale nucléaire que par une centrale conventionnelle. Cet argument n’est pourtant défendable qu’à court terme, les centrales nucléaires étant plus onéreuses à long terme.
Certains projets de construction de panneaux solaires sont en cours, mais l'expertise fait défaut pour les entretenir. Comment les pays africains peuvent-ils faire face à ce problème ?
Nous avons en effet besoin d'experts : des techniciens, des personnes qui peuvent gérer les installations, mais aussi des fonctionnaires. Certains pays créent ou organisent des écoles d'ingénieurs, mais ces initiatives doivent s’intensifier.
Nous pourrions aussi obliger les entreprises qui construisent les centrales à les faire fonctionner pendant un certain temps. Jusqu' à présent, ces sociétés disparaissent à peine la centrale mise en place et n'assument donc aucune responsabilité quant à la qualité de l’installation. En les obligeant à gérer la centrale pendant un certain temps, ces sociétés devront assurer une meilleure qualité. Cela peut réduire les coûts de maintenance.
Panneaux solaires au Mozambique © BTC/Dieter Telemans
Pensez-vous que l’on évolue dans la bonne direction en matière d'énergies renouvelables ?
La volonté est clairement présente, mais il nous manque encore des mesures concrètes pour aller dans cette direction. C'est probablement parce que les décideurs politiques ne cernent pas encore assez le problème. C'est pourquoi je soutiens la formation des fonctionnaires. Ils doivent replacer l'importance de l'électricité dans un contexte plus large, même si le prix de l'électricité hors réseau est plus élevé que celui en réseau. L'électricité réduira la propagation des maladies, améliorera l'éducation des enfants, encouragera les gens à entreprendre et stimulera l'économie locale.
Pour les ménages, l’absence d'électricité est donc beaucoup plus désavantageuse que le prix légèrement plus élevé de l'électricité produite par des micro-installations hors réseau. Nous devons trouver la bonne manière de transmettre ce message aux fonctionnaires. Si mon message ne passe pas, c’est que je ne l’ai pas encore bien expliqué.
Selon l'accord de Paris sur le climat, nous devrions cesser d’utiliser des combustibles fossiles d'ici 2050. Est-ce faisable en Afrique ?
Certains pays peuvent y parvenir pour la production d'électricité, tandis que d'autres éprouveront de grandes difficultés.
L'énergie solaire et éolienne ne suffira certainement pas à elle seule, à moins que les possibilités de stockage de l'électricité ne deviennent fiables et abordables. Les pays qui possèdent également des ressources renouvelables telles que la biomasse et l'hydroélectricité sont plus susceptibles de s’affranchir des énergies fossiles d'ici 2050.
Mais les transports et l'agriculture continueront à utiliser des combustibles fossiles. Les voitures électriques impliquent de toute façon une production d’électricité très stable. Pour les transports publics, c’est envisageable, mais pas pour les voitures individuelles, à moins qu'elles ne deviennent abordables.
Regardez où nous en sommes aujourd'hui : la plupart d'entre nous utilisent des voitures d'occasion. Nous devrions établir un système de financement qui permette aux gens d'acheter des voitures neuves avec une plus grande efficacité. Cela réduirait l'utilisation des combustibles fossiles. Mais je n’envisage pas un basculement complet en faveur des voitures électriques en Afrique dans les 30 prochaines années.
Que fait la communauté internationale ?
Elle offre de nombreuses possibilités de financement : la Banque mondiale, l'UE, l'agence des États-Unis pour le développement international USAID, l'agence japonaise de coopération internationale JICA, des pays européens comme la Suède, l'Allemagne, la France et la Belgique (BTC, BIO, etc.), à la fois sous forme de dons et de prêts.
Pépin Tchouate Heteu est CEO d'un bureau de consultance (DEECC Consulting) en Belgique, affilié à l'UCL. Au Kenya, il est conseiller pour Power Africa, une initiative de l'USAID visant à produire 30 000 MW d'électricité supplémentaire.
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