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La séance d’ouverture du sommet UE-CELAC (© European Union).
« Nous ne voulons pas uniquement faire du commerce ensemble, nous voulons prospérer ensemble. » Les mots de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen dans son discours d’ouverture annonçaient ainsi le cadre prometteur du troisième sommet UE-CELAC organisé les 17 et 18 juillet 2023 à Bruxelles. Retour sur cet événement en dix questions.
1. La CELAC, c’est quoi ?
Fondée en 2011, la « Communauté des États latino-américains et des Caraïbes » ou CELAC est un ensemble régional de 33 États latino-américains et des Caraïbes. Elle a pour objectif de faire avancer le dialogue politique ainsi que l’intégration sociale et culturelle de la région. Elle vise également à y améliorer la qualité de vie et à stimuler la croissance économique.
Les pays membres entendent chercher des consensus afin de parler d’une seule voix devant le reste de la communauté internationale. Ils forment un bloc pour entrer en dialogue avec d’autres pays et blocs régionaux tels que l’UE, la Chine, la Turquie et la Russie. Avant tout, les fondateurs avaient pour ambition de créer un groupement de pays américains sans les États-Unis.
Les membres de la CELAC ne partagent pas tous la même vision. Ainsi, les pays dits « bolivariens » se situent à la gauche, voire à l'extrême gauche, de l'échiquier politique. Il s’agit notamment du Nicaragua, de la Bolivie, du Venezuela et de Cuba. De plus, de grandes différences séparent les pays dans des domaines tels que la culture, le développement et la langue. Cependant, comme en témoigne la déclaration finale, ils partagent avec l’UE l’aspiration à la démocratie, aux droits humains et aux libertés fondamentales, à l’État de droit et à la coopération internationale sur la base de la charte des Nations Unies et du droit international.
Quelques chiffres sur l’UE et la CELAC
- Les 33 pays de la CELAC totalisent une population d’environ 600 millions d’habitants. Dans les 27 États membres de l’UE vivent près de 450 millions de personnes. Ensemble, les deux communautés comptent plus d’1 milliard de citoyens, soit 14 % de la population mondiale.
- Le commerce de biens et de services entre les deux régions représente 369 milliards d’euros. L’UE est le principal investisseur dans les pays de la CELAC avec 693 milliards d’euros (chiffres de 2022). Le commerce tout comme les investissements sont en hausse.
- L’Amérique latine et les Caraïbes accueillent plus de 50 % de la biodiversité de la planète et assurent 14 % de la production alimentaire. En outre, elles tirent plus de 60 % de leur énergie de sources renouvelables, un record mondial.
2. Pourquoi l’UE s’intéresse-t-elle à l’Amérique latine et aux Caraïbes ?
Au vu des frictions grandissantes entre les grandes puissances (Chine, États-Unis, Russie…), l’UE entend s’intéresser davantage à d’autres régions du monde. La CELAC représente avec brio une région du globe composée de pays pour la plupart like-minded, c’est-à-dire qui partagent les valeurs européennes de démocratie, de paix et de désarmement, entre autres. Ces pays constituent donc des alliés de choix.
De plus, les États de la CELAC disposent en grande partie d’économies ouvertes essentielles pour nos entreprises. Celles-ci ont en effet besoin de nouveaux marchés pour compenser la quasi fermeture du marché russe et les pressions pesant sur les exportations avec la Chine. La CELAC constitue également un partenaire crucial pour la transition verte, car elle dispose en nombre des matières premières nécessaires.
Avec sa stratégie Global Gateway, l’UE a mis sur pied un programme d’investissement étendu en faveur du « Sud global », les pays moins avancés. Ainsi, les Vingt-Sept comptent investir dans des régions telles que l’Afrique, l’Asie, les pays voisins, le Moyen-Orient, l’Amérique latine et les Caraïbes. Le sommet UE-CELAC offrait une occasion idéale pour lancer ce programme consacré à « des investissements intelligents dans des infrastructures de qualité, qui respectent les normes sociales et environnementales les plus élevées, conformément aux valeurs et aux normes de l’UE ».
3. Pourquoi avoir attendu huit ans avant d’organiser un troisième sommet ?
Le tout premier sommet UE-CELAC s’est tenu au Chili en 2013, suivi d’un deuxième sommet à Bruxelles en 2015. En principe, un troisième sommet devait avoir lieu quatre ans plus tard, mais la crise sanitaire en a décidé autrement.
Par ailleurs, le président brésilien de l’époque, Jair Bolsonaro, s’est montré très critique à l’égard de la CELAC. Trouvant cette Communauté d’États trop à gauche sur l’échiquier politique, il s’est retiré du projet. Or, un sommet sans le Brésil – la première puissance économique de la région – aurait perdu tout son sens. L’élection du président Luiz Inácio Lula da Silva et le retour du Brésil dans la CELAC ont finalement permis l’organisation d’un troisième sommet. Le président Lula est une figure très influente au sein de la CELAC mais également sur la scène internationale. Sa participation active au sommet UE-CELAC en a donc favorisé le bon déroulement.
Au cours de cette troisième édition, les pays ont convenu d’organiser un sommet tous les deux ans, qui aura lieu en alternance dans l’Union européenne et dans la région de la CELAC. Le prochain sommet se tiendra en Colombie en 2025.
4. La CELAC gagne-t-elle aussi à collaborer avec l’UE ?
Comme expliqué précédemment, il existe des différences notables entre les pays de la CELAC. Malgré tout, la plupart formulaient de nombreux espoirs autour du sommet UE-CELAC. Bien que la Chine reste le premier partenaire commercial de la région (export, principalement de soja et de minerais, à hauteur de 495 milliards d’euros en 2022) et un investisseur important, la CELAC nourrit dans le même temps des inquiétudes quant à l’influence grandissante de ce pays. Les États de la Communauté ne veulent plus dépendre uniquement de la Chine et des États-Unis, d’ailleurs opposés par un conflit commercial. C’est pourquoi la CELAC cherche à se diversifier, entre autres en resserrant les liens avec l’UE.
De plus, la CELAC apprécie l’approche de la stratégie Global Gateway, entre autres l’attention portée à la transparence, le transfert de connaissances et de technologies et la formation des travailleurs locaux. La Global Gateway veille également à ce que tous les investissements bénéficient aux communautés locales.
Le président brésilien Lula (extrême droite) a été chaleureusement accueilli par le roi Philippe, en présence du Premier ministre De Croo et du ministre Lahbib (© SPF Affaires étrangères).
5. Quels sont les principaux résultats du sommet UE-CELAC ?
La déclaration finale énumère une multitude de prises de positions et d’engagements, parmi lesquels la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD), la protection de la Terre nourricière ou encore l’engagement en faveur des conventions des Nations Unies autour du climat, de la biodiversité et de la désertification. Les pays ont également déclaré leur engagement commun au service de la paix et la stabilité internationale à travers le soutien au processus de paix de la Colombie et à un dialogue en Haïti, république durement touchée par la violence.
En outre, le sommet a été consacré à ces quatre priorités :
- La transition verte (notamment la question de l’hydrogène avec le Chili) et la navigation maritime (avec le Chili, le Panama, etc.) ;
- Une alliance numérique en vue d’une transition numérique portant une attention particulière à la protection de la vie privée, à une meilleure connectivité numérique, à une cybersécurité renforcée, à la réduction des fossés numériques et à une plus grande confiance dans l’économie numérique. De nombreux projets sont prévus tels que la pose de réseaux de câbles de données.
- La santé, y compris le soutien aux capacités locales de production de vaccins, de médicaments et de technologies de la santé. Les systèmes de santé doivent être renforcés sur les plans de la prévention, de la préparation et de la réaction.
- Matières premières critiques telles que le lithium et le cuivre, et les terres rares nécessaires, entre autres, à la transition verte. L'ouverture et l'équité des échanges commerciaux, l'accès aux marchés et la contribution au développement durable revêtent ici une importance capitale.
Au total, l'UE, dans le cadre du programme Global Gateway, investira plus de 45 milliards d'euros en Amérique latine et dans les Caraïbes notamment dans ces quatre domaines. Plus de 135 projets sont déjà en cours d'élaboration.
Des accords bilatéraux ont également été conclus. L'UE a signé avec le Chili un partenariat sur les chaînes d'approvisionnement durables en matières premières. En outre, l'UE a signé deux protocoles d'accord sur l'énergie, l'un avec l'Argentine et l'autre avec l'Uruguay. Ces accords visent à garantir un approvisionnement suffisant en matières premières dans l'UE, ainsi que des emplois décents et la croissance dans les pays d'Amérique latine concernés.
Enfin, un mini-sommet a également eu lieu entre l'UE et le CARIFORUM, un groupement de pays des Caraïbes. Ce mini-sommet a permis de reconnaître les besoins et les intérêts spécifiques de la sous-région, tels que l'impact du dérèglement climatique et la protection des océans.
6. Les accords commerciaux ont-ils également fait l'objet de discussions ?
L'accord commercial avec le Mercosur a effectivement été discuté. Le Mercosur regroupe quatre poids lourds économiques de l'Amérique du Sud : le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay. Malgré la forte pression exercée par la présidence espagnole de l'UE et des pays comme l'Allemagne, le Portugal et la Suède, aucun progrès majeur n'a été réalisé. Principalement parce que la France veut des garanties supplémentaires sur la protection des forêts tropicales lors de l'importation de produits agricoles. De leur côté, l'Autriche, l'Irlande et la Wallonie demandent davantage de garanties en matière de durabilité des importations de viande.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, espère néanmoins que l'accord commercial avec le Mercosur pourra être finalisé d'ici la fin de l'année 2023, de même que le nouvel accord entre l'UE et le Mexique. Une percée a également été réalisée avec l' « accord post-Cotonou », un accord renouvelé comportant un volet commercial avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique).
7. La société civile a-t-elle également été consultée ?
Parallèlement au sommet officiel, l'UE a organisé une réunion à Tour & Taxis (Bruxelles) pour la société civile des pays européens et latino-américains. La première journée a été consacrée à la jeunesse et la seconde à l'environnement et au développement social. Les ONG belges, qui bénéficient notamment du soutien de la direction générale Coopération au développement, ont également participé activement à cette rencontre.
Le « sommet Volker » qui s'est déroulé à la VUB était principalement une initiative de Cuba. L'événement s'opposait à l'embargo américain imposé à Cuba et critiquait le capitalisme et le néocolonialisme. Un certain nombre de chefs d'État ou de ministres présents au sommet UE-CELAC y ont également participé. Citons par exemple Cuba, la Colombie, la Bolivie, le Venezuela et le Nicaragua.
Le sommet Volker n'a guère perturbé la très bonne ambiance qui régnait lors du sommet UE-CELAC. La déclaration finale de ce dernier appelle également à la levée de l'embargo qui pèse sur Cuba et reconnaît que la traite transatlantique des esclaves a constitué une tragédie épouvantable et un crime contre l'humanité.
8. Quelle position a été adoptée à l'égard de la guerre en Ukraine ?
Le sommet UE-CELAC a longuement débattu du conflit en Ukraine. La déclaration finale indique que les participants se sont déclarés profondément préoccupés par la guerre contre l'Ukraine et que l'initiative céréalière de la mer Noire devrait être réactivée. Cette mesure devrait permettre à l'Ukraine d'exporter à nouveau des céréales. Les pays participants soutiennent tous les efforts diplomatiques visant à parvenir à une paix juste et durable, conformément à la charte des Nations Unies. Seul le Nicaragua n'a pas pu accepter le paragraphe sur la guerre en Ukraine.
La position de la CELAC lors du sommet reflétait la tendance du vote à l'ONU. La plupart des pays de la CELAC y ont soutenu toutes les résolutions sur l'Ukraine ou, du moins, n’ont pas voté contre.
La ministre Lahbib salue la ministre panaméenne des Affaires étrangères, Janaina Tewaney (© SPF Affaires étrangères).
9. Quel rôle la Belgique a-t-elle joué lors du sommet UE-CELAC ?
La Belgique a joué un rôle très actif lors du sommet. Non seulement le premier ministre Alexander De Croo et la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib y étaient présents à l’avant-plan, mais de nombreuses sociétés belges ont également participé à la table ronde des entreprises et des ONG belges au forum de la société civile.
Le premier ministre Alexander De Croo a d'ailleurs prononcé un discours remarqué sur le narcoterrorisme et le narcotrafic. Le trafic de drogue constitue un véritable fléau pour de nombreux pays et le port d'Anvers en souffre lui aussi durement. Le discours du premier ministre proposait des idées concrètes pour s'attaquer au problème et a donc reçu un accueil très favorable. La coopération entre la police, les douanes et les ports des deux régions sera renforcée afin de lutter plus efficacement contre le trafic de cocaïne et d'autres formes de criminalité organisée.
Les relations avec la région de la CELAC seront également au cœur de l'agenda de la Présidence belge de l'UE en 2024.
10. Quelles sont les relations de la Belgique avec l'Amérique latine et les Caraïbes ?
Comme pour l'UE, les pays d'Amérique latine et des Caraïbes sont des partenaires extrêmement importants pour la Belgique, en particulier sur le plan économique. L'organisation de ce sommet UE-CELAC à Bruxelles - réunissant 33 chefs d'État et de gouvernement ou ministres des Affaires étrangères - constitue donc une occasion unique d'établir des contacts bilatéraux.
Lors du sommet de 2015, Sa Majesté le Roi Philippe avait reçu l'ensemble de la délégation au palais royal. Cette année, juste avant la fête nationale, cette réception n'a finalement pu avoir lieu. Néanmoins, le président brésilien Lula da Silva y a été chaleureusement reçu pour un dialogue ouvert, en présence du premier ministre Alexander De Croo et de la ministre Hadja Lahbib. Le Roi a également reçu le président équatorien Guillermo Lasso et le président chilien Gabriel Boric.
La ministre Hadja Lahbib a rencontré quelque six ministres, dont ceux de la Jamaïque, du Panama, de Cuba, d'Haïti et du Guatemala. Des accords bilatéraux ont également été signés. Par ailleurs, notre pays travaille très bien avec les pays d'Amérique latine au sein du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, dont il est actuellement membre, notamment en ce qui concerne les droits des femmes.
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