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L’OIAC forme des personnes dans le monde entier qui peuvent agir en tant que premiers intervenants en cas d’éventuelles attaques chimiques. © OPCW
De mai 2024 à mai 2026, la Belgique est membre du Conseil exécutif de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), une organisation essentielle pour parvenir à l'élimination des armes chimiques. Aujourd'hui, 98 % de la population mondiale vit sous la protection de la Convention.
Les armes utilisant des produits chimiques pour tuer ou mutiler l'ennemi génèrent des atrocités à peine imaginables. En 1675 déjà, la France et l'Allemagne signaient un accord visant à interdire le recours aux balles empoisonnées, accord qui fut suivi d'autres tentatives d'interdiction des armes empoisonnées.
Ypres, 1915
Malgré ces efforts, l'armée allemande lança une attaque massive pendant la Première Guerre mondiale en déversant 150 tonnes de chlore gazeux près d'Ypres le 22 avril 1915. Un épais nuage jaune-vert dériva lentement au-dessus du front, étouffant tout ce qu'il rencontrait sur son passage, hommes comme animaux.
Au total, ce sont 124 200 tonnes de chlore, de gaz moutarde et d'autres produits chimiques qui furent déversées au cours de la Première Guerre mondiale. Plus de 90 000 soldats connurent une mort douloureuse et ils furent près d'un million à quitter le champ de bataille aveugles, mutilés ou gravement blessés.
La consternation générale devant les atrocités provoquées par la guerre chimique ne mena toutefois à aucun cadre réglementaire efficace. Le protocole de Genève de 1925 se contentait d'interdire l'utilisation d'armes chimiques et bactériologiques en contexte de guerre mais ne prohibait ni leur mise au point, ni leur fabrication, ni leur stockage. Pendant la Guerre froide, les États-Unis et l'Union soviétique conservèrent des arsenaux d'armes chimiques de plusieurs dizaines de milliers de tonnes.
Soldats australiens portant des masques à gaz dans des tranchées près d’Ypres (septembre 1917). © Wikimedia Commons
L'OIAC en 1997
Après de nombreuses années de négociations, les efforts aboutirent enfin. En 1992, la conférence du désarmement des Nations Unies adopta un projet de convention interdisant les armes chimiques, qui mena finalement à la création en 1997 de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), basée à La Haye.
Nous disposions désormais d'une organisation dotée d'un mandat général pour l'élimination des armes chimiques. L’interdiction portait aussi bien sur l'emploi que sur la mise au point, la fabrication, le stockage et le transport. Les stocks existants devaient ainsi être détruits.
Et cette Convention a désormais fait ses preuves. L'année dernière, en 2023, l'OIAC a annoncé la destruction complète de toutes les armes chimiques déclarées dans tous ses États membres ! Étant donné qu'elle compte 193 États parties, c'est la quasi-totalité du monde qui est concernée. Seuls quatre pays ne sont pas encore membres, à savoir Israël, l'Égypte, la Corée du Nord et le Soudan du Sud.
Que fait l'OIAC ?
Inspection des substances chimiques déclarées
Lorsqu'un pays devient membre de l'OIAC, il dispose d’un délai de 30 jours pour dresser la liste des lieux où sont stockés des produits chimiques interdits ou réglementés. L'OIAC a la particularité d'être également autorisée à vérifier sur le terrain si les informations fournies sont exactes. Quelque 200 visites de contrôle ont lieu chaque année sur des sites industriels.
Ces visites portent sur (1) les produits chimiques utilisés à des fins exclusivement militaires et totalement interdits, ainsi que (2) les substances qui peuvent également être utilisées dans l'industrie mais en quantités limitées et (3) les substances largement utilisées dans l'industrie, mais pour lesquelles il existe un risque de détournement à des fins militaires. Les trois catégories doivent faire l'objet de vérifications.
Inspection de la destruction des armes chimiques anciennes et abandonnées
Certains pays possèdent encore des armes chimiques anciennes appelées old chemical weapons (OCW), datant d'avant 1925, qui doivent être détruites. Mais il arrive également qu'un pays ait laissé des armes chimiques dans un autre pays (armes chimiques abandonnées ou abandoned chemical weapons – ACW). Le Japon, par exemple, a laissé un grand nombre d'armes de ce type en Chine après la Seconde Guerre mondiale. En tant que membre de l'OIAC, ce pays a désormais la responsabilité d'éliminer toutes ces armes, dont on dénombre encore plus de 300 000 exemplaires tant sur terre qu'en mer.
Coopération et assistance internationales
Certains pays ne disposent pas encore d'une législation nationale permettant l'entrée en vigueur effective de la Convention. L'OIAC les aide à y remédier dans les plus brefs délais. L'organisation propose également des formations, par exemple pour former le personnel adéquat. Ces personnes pourront alors agir en tant que premiers intervenants en cas d'éventuelles attaques chimiques. Les experts ainsi formés peuvent également postuler pour un emploi au sein de l'OIAC, où des régions comme l'Afrique, l'Amérique latine et l'Asie restent en effet sous-représentées. L'OIAC s'efforce par ailleurs d'engager plus de femmes.
Missions d'enquête
Les États membres ont la possibilité de solliciter une mission d'enquête. L'Allemagne, par exemple, a eu recours à ce mécanisme après l’empoisonnement d'Alexei Navalny au Novitchok, un agent innervant interdit. Lors d’une telle enquête, les experts de l'OIAC prélèvent trois échantillons. Ils en conservent un et envoient les deux autres à deux laboratoires accrédités distincts qui ne se connaissent pas. L’OIAC travaille avec plusieurs laboratoires, dont un en Belgique, à Peutie : les Laboratoires de la Défense (DLD).
En outre, l'OIAC promeut l'utilisation de la chimie à des fins pacifiques et soutient les victimes et les survivants d'attaques à l’arme chimique.
La Belgique, membre du Conseil exécutif
De mai 2024 à mai 2026, la Belgique (par l'intermédiaire du SPF Affaires étrangères) est membre du Conseil exécutif, l'un des trois principaux organes de l'OIAC. Les 41 membres représentent toutes les régions géographiques ; tous les pays y siègent à tour de rôle, mais certains plus souvent en raison de l'importance de leur industrie chimique. C'est par exemple le cas du Japon, de la Chine, de l'Inde, des États-Unis et du Royaume-Uni.
Dans ce cadre, notre pays a pour objectif principal de contribuer au fonctionnement optimal de l'organisation, par exemple en prévenant la réapparition des armes chimiques, en luttant contre le terrorisme chimique, en veillant à ce que les membres respectent la Convention et en garantissant un budget et des effectifs suffisants à l'OIAC.
Une visite dans le Westhoek organisée par la Belgique
Pendant la présidence belge de l'UE, la Belgique a organisé une visite très appréciée dans le Westhoek. Les représentants de 40 États membres (Nouvelle-Zélande, Allemagne, Koweït, Malaisie, Palestine, etc.) ont visité le musée In Flanders Fields et la région d'Ypres qui regorge de cimetières et de monuments. Ils ont également assisté au Last Post, l'hommage quotidien rendu aux soldats tombés au combat à la Porte de Menin, à Ypres. Cette visite a fait forte impression. L'année prochaine, un événement est également prévu pour marquer le 110e anniversaire de l'attaque au gaz d'Ypres.
En tout cas, l'attaque au gaz d'Ypres en 1915 constitue un événement historique majeur pour l'OIAC. La principale salle de réunion de son siège La Haye a d’ailleurs été baptisée « Salle Ypres ».
Intelligence artificielle
Pendant la participation de la Belgique au Conseil exécutif, l'organisation aura de nouveaux défis techniques et géopolitiques à relever. Elle se penchera notamment sur les nanotechnologies et les biomediated processes (obtention de produits chimiques organiques au moyen de procédés biochimiques ou biologiques).
Mais c'est surtout vers l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) que convergent tous les regards. L'IA pourrait faciliter l'identification des armes chimiques, mais la principale crainte reste que des terroristes utilisent cette technologie pour créer de nouvelles armes chimiques.
Pour continuer à suivre les dernières évolutions technologiques et chimiques, l'OIAC a ouvert un tout nouveau ChemTech Centre près de La Haye en 2023. En plus de la recherche en laboratoire, le centre mettra également l'accent sur la formation. La Belgique a fait don de 2 millions d'euros pour sa construction.
La Convention sur les armes chimiques exposée dans la salle de session plénière de l’OIAC. © OPCW
Tensions géopolitiques
Sans surprise, les tensions géopolitiques actuelles qui secouent le monde affectent également les réunions (plénières) de l'OIAC. Les débats portent avant tout sur des questions politiques délicates telles que les accusations mutuelles portées par la Russie et l'Ukraine concernant l'utilisation d'armes chimiques, ou l'allégation palestinienne d'une utilisation de phosphore blanc (qui n'est en fait pas une arme chimique, mais un agent incendiaire) par Israël.
Dans le domaine technique, tous les États membres continuent d'unir leurs forces afin de mener à bien la lutte contre le terrorisme chimique, de suivre les technologies émergentes telles que l'intelligence artificielle, de contribuer à la coopération technique internationale, de réaliser les 200 visites de contrôle par an (voir encadré), etc.
98 % de la population mondiale vit sous la protection de la Convention
L'OIAC dispose de moyens suffisants pour remplir son mandat ; ses très bons résultats lui ont d'ailleurs valu le prix Nobel de la paix en 2013. Cependant, son objectif reste l'élimination des armes chimiques dans le monde entier. Aujourd'hui, 98 % de la population mondiale vit sous la protection de la Convention. Il importe que les quatre pays restants deviennent également membres à terme.
En outre, l'OIAC est tributaire des déclarations faites par ses États membres. En cas de doute, elle ne dispose pas de forces de police pour contraindre les pays. Elle est cependant autorisée à effectuer des contrôles et, le cas échéant, à identifier les auteurs d'incidents, à l’instar de son intervention en Syrie.
Ainsi, l'OIAC renforce la norme interdisant l'utilisation d'armes chimiques, même si ce tabou n'est pas absolu, comme l’ont démontré les champs de bataille en Syrie ou les tentatives d'assassinat par la Russie.
Quoi qu'il en soit, la Belgique continue de défendre avec ardeur l'OIAC et son mandat. L'organisation doit pouvoir prendre des mesures à l'encontre des pays coupables d'utiliser des armes chimiques. Notre pays défend également l'OIAC contre les ingérences politiques et les accusations non fondées à l’encontre de son impartialité et de son professionnalisme. L'organisation doit en outre s'efforcer de suivre les évolutions technologiques rapides telles que l'IA et de conserver son expertise. En tant que membre du Conseil exécutif, la Belgique y contribuera activement.
© OPCW
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