-
Dernière mise à jour le

La vie pastorale est le moyen de subsistance le plus approprié à Karamoja (© Tim Dirven / VSF).
Après quatre longues années de conflits ethniques dans le nord-est de l'Ouganda, la population se relève progressivement. Vétérinaires Sans Frontières a fourni une contribution importante au redressement de la situation grâce à une approche globale : aide humanitaire, dialogues de paix, réparation de pompes à eau, vaccination du bétail, etc.

Le Karamoja est une région du nord-est de l'Ouganda qui, avec ses 27 528 km², est légèrement plus petite que la Belgique. Ses 1,2 million d'habitants, les Karamojong, vivent essentiellement du bétail. Vêtus de vêtements colorés, ils y conduisent leurs animaux depuis des siècles à travers les vastes paysages de la savane à la recherche d'herbe et d'eau.
Des pillages sans pitié
La région du Karamoja est très pauvre. En 1980, la région a été frappée par une famine particulièrement grave. Des conflits ont également régulièrement éclaté entre les différents groupes ethniques.
Après une dizaine d'années de paix relative, les combats ont repris en 2019. À cela s'ajoute un cocktail déjà explosif de pauvreté, de corruption, de violence politique et de dérèglement climatique. Il y a non seulement eu des vols de bétail, mais des villages entiers ont été pillés sans aucune pitié.
Ce sont surtout les communautés pastorales les plus vulnérables qui en ont été les victimes. Elles ont perdu leur bétail et tous leurs autres biens, mais de nombreuses personnes ont également perdu la vie.
Un véritable enfer pour les Karamojong. En désespoir de cause, ils se sont tournés vers l'exploitation de cultures. Mais ils ont également dû faire face à une sécheresse extrême et à des invasions de chenilles légionnaires. Résultat : des pertes massives de récoltes.

L’abattage du bois dans les montagnes écologiquement précieuses n’est qu’une solution d’urgence car cela peut entraîner des inondations, entre autres (© Tim Dirven / VSF).
Couper du bois
Comble du malheur, les prix des denrées alimentaires ont explosé en raison de la guerre en Ukraine. Beaucoup de personnes n'avaient pas d'autre choix que de manger des fruits sauvages (dattes du désert, gousses de tamarin, etc.) et des semences d'herbe.
Autre solution d'urgence : couper du bois dans les montagnes d'une grande valeur écologique qu'ils revendent comme bois de cuisson et charbon de bois. Mais cette pratique a déclenché un cercle vicieux, car sans arbres, l'eau s’écoule plus vite vers les plaines. Cela favorise les inondations ainsi que la destruction des récoltes et augmente aussi le risque d'épidémies de bétail.
Enfin, la population est prise au piège, sans échappatoire, en raison des conflits et du dérèglement climatique. Les chiffres sont éloquents : plus de 2 000 personnes sont mortes de faim rien qu'entre juin et septembre 2022, 41 % de la population a été confrontée à de graves pénuries alimentaires.
Cependant, la situation est aujourd'hui relativement paisible et la population se relève progressivement. Seuls 5 % des Karamojong souffrent encore du manque de nourriture. Les activités de Vétérinaires Sans Frontières (VSF), partenaire de la Coopération belge au Développement, y ont contribué.
Ngorok Angolekori : sans ce don inconditionnel, je ne serais plus en vie aujourd'hui
« J'ai toujours élevé des poules, mais elles ont toutes été volées », a témoigné Ngorok Angolekori fin 2022. « Cette année, lorsque les récoltes ont été mauvaises et que les stocks de céréales se sont vidés, c'était très difficile de trouver suffisamment de nourriture. Ma fille est morte de la famine peu de temps après la naissance de son troisième enfant. Le bébé de trois mois est également décédé en juin 2022. Si toutes les chèvres et les vaches du village n'avaient pas été volées, nous aurions pu garder le nouveau-né en vie avec du lait. »
Ngorok Angolekori était l'un des bénéficiaires du don mensuel (voir texte). Sans ce don inconditionnel, je ne serais plus en vie à l’heure actuelle. Vous voyez comment je suis aujourd'hui ? J'étais bien différent il y a quelques mois. À l'époque, j'étais mourant. Les gens de ma communauté me donnaient de temps en temps un peu de nourriture, mais je n'étais plus capable d'aller chercher de l'eau un kilomètre plus loin. »

Pour beaucoup, une petite somme d’argent signifiait littéralement la différence entre la vie et la mort (© Tim Dirven / VSF).
Une approche globale
En 2023, la plupart des voleurs de bétail ont finalement déposé les armes, entre autres après une campagne de désarmement menée par l'armée ougandaise. Une saison des pluies favorable nous a également bien aidés.
Afin d'ancrer solidement cette évolution positive, VSF a élaboré une approche globale. La combinaison d'aide humanitaire, pour les besoins immédiats, avec la consolidation de la paix et des activités de développement, pour le long terme, a été cruciale. En termes techniques, on parle de « Nexus HDP », la synergie entre humanitaire, développement et paix.
L'accent a été mis sur le rétablissement de l'élevage. Le pastoralisme est en effet le moyen de subsistance le plus adapté à la région de Karamoja. VSF a pris différentes mesures à cet égard :
- 1665 ménages vulnérables ont reçu de l'argent liquide : 20 à 25 euros par mois pendant cinq mois pour payer la nourriture, les soins de santé et le logement. Une petite somme, mais pour beaucoup, c'est la différence entre la vie et la mort (voir encadré avec le témoignage). Ce sont principalement les sans-abri, les personnes handicapées, les personnes âgées et les malades chroniques qui étaient pris en considération. Grâce à ce montant inconditionnel, ils ont pu reprendre le contrôle de leur vie.
- Plus de 70 associations locales se sont vu proposer des formations sur la consolidation de la paix. Avec l'aide de ces plus de 900 personnes formées, VSF a ensuite stimulé un dialogue de paix entre les communautés par le biais de divers canaux médiatiques tels que des émissions de radio et des pièces de théâtre jouées par des caravanes de la paix. Cela a conduit à la remise volontaire de centaines d'armes. Plus de 30 000 éleveurs, même de la région voisine de Turkana, au Kenya, ont ainsi pu avoir accès aux prairies communales sans risque de confrontation violente.
- Les jeunes voleurs de bétail qui ont remis leurs armes ont reçu des sessions sur la résolution de conflits et la gestion des traumatismes. Par ailleurs, ils ont reçu chacun deux chèvres qui leur ont permis de se construire un avenir indépendant et de se réinsérer dans la communauté.
- VSF a réparé 86 pompes à eau qui fournissent de l'eau propre à 37 500 éleveurs et à leur bétail.
- VSF a vacciné 122 786 animaux pour maintenir en bonne santé les troupeaux de 49 846 éleveurs. En raison des inondations, le bétail est beaucoup plus vulnérable aux maladies infectieuses mortelles telles que l'anthrax et la fièvre aphteuse.
- Les gens apprennent à épargner dans les groupes d'épargne : 53 groupes de 15 à 30 villageois se réunissent chaque semaine pour épargner de l'argent en versant une ou plusieurs parts dans la caisse d'épargne. Ils versent également une contribution obligatoire à un fonds de sécurité sociale. Ceux qui épargnent peuvent ensuite également emprunter de l'argent pour mettre en place de nouvelles activités afin de diversifier leurs revenus, comme par exemple créer un commerce de détail ou une brasserie parallèlement à leur activité principale. Ils peuvent ainsi surmonter des difficultés inattendues comme des pillages ou une sécheresse extrême. VSF s'engage depuis déjà 15 ans pour les groupes d'épargne.

Vétérinaires Sans Frontières a réparé 86 pompes à eau pour 37 500 éleveurs (© Tim Dirven / VSF).
Cette approche réussie montre que les conflits peuvent bel et bien être désamorcés, à condition que les besoins de tous soient pris en compte et que la compréhension soit encouragée entre les différentes communautés.
Une approche HDP globale s'avère cruciale à cet égard. Des résultats durables ne peuvent être obtenus qu’en comprenant bien le contexte et en combinant les aspects de l'aide humanitaire, de la coopération au développement et de la consolidation de la paix (médiation). Il s’agit de la seule façon de reconstruire une base solide pour que les gens puissent se développer à nouveau.
Plus sur « Paix & sécurité »

BBC Media Action : responsabiliser les citoyens dans une société ouverte
La BBC Media Action réalise des émissions de radio en Tanzanie sur des thèmes tels que la bonne gouvernance, l'adaptation climat...

Observations électorales, levier de la gouvernance démocratique
Notre SPF envoie régulièrement des observateurs électoraux dans les pays qui en font la demande. Que font-ils exactement ? Savie...

Des citoyens belges se penchent sur la question de l'IA
Dans le cadre de la présidence belge du Conseil de l'UE, notre SPF a organisé un panel de citoyens sur l'intelligence artificiel...