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La prospérité économique, et donc aussi le commerce international, sont essentiels pour notre sécurité. Photo : Port d'Anvers. © Shutterstock
Pour la première fois, la Belgique a élaboré une stratégie de sécurité nationale (SSN) détaillée. La démarche était plus que nécessaire. Les personnes et les pays sont de plus en plus interconnectés, ce qui engendre une multitude de menaces nouvelles et complexes.
Notre SPF a joué un rôle central dans l'élaboration de la stratégie. En effet, notre sécurité « nationale » ne se limite pas à notre territoire. Nombre de nos intérêts vitaux, sinon tous, sont fortement influencés par les évènements survenant au-delà de nos frontières. Et cet environnement international est de plus en plus instable.
L'intérieur et l'extérieur sont donc fortement imbriqués, et nous avons également besoin de partenariats - souvent européens - afin de pouvoir répondre aux menaces. La politique étrangère s'impose donc comme une dimension fondamentale de la sécurité nationale.
La SSN offre une vision à long terme sur 10 à 15 ans, qui sera périodiquement mise à jour. Une évaluation minutieuse sera réalisée au début de chaque nouvelle législature.
Nous vous proposons un aperçu détaillé de la SSN.
En bref
La SSN formule un large ensemble de mesures cohérentes ayant pour objet de garantir la sécurité de notre pays dans un monde instable. Elle doit permettre à notre pays de continuer à fonctionner en cas d'incidents ou de crises majeures.
Les menaces sont multiples : cyberattaques, tensions croissantes entre superpuissances, fausses informations, idéologies extrêmes, dérèglement climatique, nouvelles maladies, concurrence économique déloyale...
Pour y répondre, notre pays entend protéger la démocratie et l'État de droit, investir davantage dans la sécurité économique, renforcer sa résilience et être actif au niveau international.
Une approche pangouvernementale est capitale en la matière : la sécurité est une tâche globale essentielle de tous les gouvernements. Mais la résilience nationale ne suffit pas. La sécurité interne est impossible sans une politique étrangère, de développement et de défense active. La diplomatie est donc un élément essentiel de la politique de sécurité nationale.
Six intérêts vitaux
La SSN stipule que notre sécurité nationale est menacée si un ou plusieurs des 6 intérêts vitaux répertoriés sont menacés.
Notre pays dépend fortement d'un système international opérationnel, reposant sur des accords fiables et contraignants et des organisations multilatérales (ou internationales) efficaces.
Une Union européenne aux rouages bien huilés est également essentielle pour notre pays, non seulement pour notre économie, mais également pour de nombreux autres domaines, dont notre sécurité.
L'État de droit démocratique est également un élément crucial de notre sécurité. Il implique que le gouvernement assure la stabilité sociale et politique et garantisse les libertés démocratiques. Des influences extérieures peuvent saper cet État de droit.
La sécurité physique des citoyens - y compris des Belges à l'étranger - et l'intégrité de notre territoire national doivent également être protégées. Cet aspect est étroitement lié à l'UE et à l'OTAN.
Nous ne pouvons survivre sans notre environnement naturel. Toutefois, il est fortement menacé par la perte de biodiversité, la pollution et le dérèglement climatique. Une fois de plus, il s'agit d'un élément qui ne peut être dissocié des évènements survenant à l'étranger.
Enfin, notre prospérité économique est également vitale. Une économie extrêmement ouverte telle que la nôtre dépend d'un cadre réglementaire national et international solide pour le commerce et les investissements, dans lequel les normes sociales et environnementales sont primordiales.
Pour la sécurité physique de ses citoyens et l'intégrité de notre territoire national, l'OTAN est une alliance cruciale. Photo : Des soldats belges participant à un exercice de l'OTAN en Lituanie. © NATO
Menaces
La SSN a distingué plusieurs menaces sapant nos 6 intérêts vitaux. Les tensions entre les superpuissances augmentent. La Russie est aux portes de l'Ukraine tandis que les États-Unis et la Chine sont engagés dans une lutte de pouvoir économique, pour ne citer que quelques exemples. Dans ce contexte, la Belgique et l'UE doivent tenir leur rang.
Les « acteurs non étatiques » disposent également de plus de latitude. Songeons aux extrémistes, aux groupes terroristes et au crime organisé. Les États et les acteurs non étatiques ont de plus en plus recours à des « méthodes hybrides », qui titillent les frontières entre la guerre et la paix. Dans ce cadre, ils exploitent des moyens divers pour porter atteinte à la stabilité d'une société : désinformation, espionnage, chantage, sabotage... Des agents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, combinés ou non à des explosifs (dits CBRNe), peuvent également être utilisés.
La cybercriminalité constitue aussi une menace croissante. Des entités ennemies peuvent saboter l'infrastructure numérique en tirant profit de faiblesses, avec de lourdes conséquences pour notre économie et notre sécurité. Songeons simplement aux technologies spatiales qui contrôlent nos communications et notre géopositionnement (GPS). Un pays comme la Belgique est particulièrement vulnérable à ce phénomène, car l'UE et l'OTAN y possèdent leur siège.
Dans une économie ouverte telle que celle de la Belgique, la coopération internationale est indispensable pour les entreprises et les universités. Mais nous ne devons pas perdre de vue qu'une telle collaboration peut induire un détournement déloyal des connaissances ou une ingérence dans les processus décisionnels nationaux essentiels. La dépendance à l'égard des matières premières est également un facteur de risque.
La liberté d'expression est un élément fondamental d'un État de droit démocratique, pourvu qu'elle n’incite pas à la haine et à la violence. Pourtant, des idéologies toujours plus extrêmes, latentes, peuvent évoluer vers un extrémisme islamique, un extrémisme de droite et de gauche, ou vers le terrorisme. Les fausses informations et la désinformation sèment la confusion, polarisent la société et érodent la confiance dans le gouvernement.
Le changement climatique et la perte de biodiversité peuvent également perturber gravement notre société. En effet, ils impactent non seulement la production alimentaire, mais également la productivité du travail, le commerce international, etc. La transition vers une société neutre sur le plan climatique comporte également des risques. En effet, elle s'accompagnera de changements profonds dans notre façon de nous déplacer, de vivre, de produire, de nous chauffer, etc.
Comme nous l'avons expérimenté avec la COVID-19, un monde hautement connecté - qui se caractérise par un grand nombre de voyages, des contacts plus étroits entre les humains et les animaux... - augmente les probabilités de voir émerger de nouvelles maladies. La résistance aux antibiotiques et l'invasion d'organismes étrangers constituent également une menace pour la santé.
Enfin, la Belgique s'appuie résolument sur un ordre international fondé sur des règles, tant au sein de l'UE, de l'OTAN et de l'ONU que de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Toutefois, nombreux sont ceux qui tournent le dos à cet ordre international ou tentent de le saper, même au sein de l'UE.
La protection de notre environnement naturel est également essentielle pour notre sécurité. Photo : Les Hautes Fagnes. © Shutterstock
Orientations politiques
Pour faire face à toutes ces menaces, la SSN propose quatre groupes d'orientations politiques, tous fortement imbriqués.
Protéger la démocratie et l'État de droit
La Belgique entend sauvegarder les valeurs démocratiques et lutter contre la polarisation. Dans ce cadre, elle s'inspire du « Plan d'action pour la démocratie européenne » de la Commission européenne. Les citoyens doivent être davantage impliqués, la désinformation doit être combattue, la liberté et le pluralisme des médias doivent être renforcés, etc.
Notre pays veut également sauvegarder les droits humains et l'égalité au sein de la société afin de lutter contre la polarisation. Il continuera à promouvoir les valeurs démocratiques au niveau international.
Une attention particulière est accordée à une approche multidisciplinaire de l'extrémisme et du terrorisme : elle se fonde notamment sur la détection précoce, l'approche locale, l'échange d'informations et les poursuites pénales. La prévention est cruciale. L'enseignement, le bien-être, l'accès aisé au marché du travail ainsi qu’une bonne intégration couplée à l’éducation civique sont autant de domaines qui peuvent entraver le développement de terreaux propices à l'extrémisme.
Cette approche nationale s'inscrira résolument dans les efforts européens et internationaux consentis en la matière. De même, la Belgique contribuera loyalement à la lutte internationale contre le terrorisme, où que ce soit dans le monde, dans le prolongement du déploiement actuel en Irak et au Sahel. Une intense coordination entre les départements des Affaires étrangères et de la Défense est essentielle en la matière.
Un engagement accru en faveur de la sécurité économique
La Belgique met tout en œuvre pour que son commerce puisse bénéficier d’un environnement international libre, sûr et équitable. Cette approche implique de prendre des engagements plus fermes et contraignants en faveur du développement durable, y compris le respect des normes environnementales, climatiques et sociales. Au sein de l'UE, notre pays contribue à l'élaboration de mesures ayant pour objet de proposer une meilleure protection à nos acteurs économiques et nos gouvernements. L'UE doit encore améliorer sa résilience face aux crises financières et monétaires, notamment via une union bancaire.
À l'instar de l'UE, notre pays aspire à une plus grande autonomie. À cette fin, il identifiera les secteurs stratégiques. Songeons aux technologies de pointe, à l'énergie, à l'alimentation et aux soins de santé. La diversification des chaînes de production et d'approvisionnement peut offrir une solution, tout comme la constitution de stocks.
Le soutien apporté à la recherche scientifique et au développement industriel et technologique est crucial pour la création de richesses dans notre pays. La coopération internationale favorise l’innovation, à condition qu'une législation appropriée protège la propriété intellectuelle. La Belgique souhaite également se positionner davantage au niveau international dans l'économie bleue (maritime).
Au niveau international, la Belgique fait tout ce qu'elle peut pour jouer dans la cour des grands. Photo : La Belgique a présidé le Conseil de sécurité de l'ONU en février 2020. © UN Photo/Loey Felipe
Améliorer la résilience
La Belgique doit améliorer sa résilience dans de nombreux domaines. En cas de défaillance, d'incident ou d'attaque, notre pays doit pouvoir continuer à garantir les services vitaux : transports, énergie, finances, communications électroniques, eau potable, santé publique, infrastructures numériques, etc. Les exploitants de ces infrastructures critiques doivent donc établir un plan de sécurité.
La Belgique ne doit pas uniquement prendre des mesures urgentes pour lutter contre le changement climatique, mais doit également s'adapter aux changements climatiques, qui sont inévitables. La transition vers une société neutre sur le plan climatique à l'horizon 2050 nécessitera de profonds changements. La Belgique contribuera également à la réponse mondiale au changement climatique en soutenant les pays les plus pauvres.
La santé publique nécessite un approvisionnement suffisant en équipements de protection et en médicaments, ainsi qu'une surveillance étroite de toute nouvelle maladie éventuelle. La crise de la COVID-19 est riche d'enseignements à cet égard.
Au sein de l'Organisation mondiale de la santé, la Belgique souscrit à l'approche One Health, qui regroupe la santé humaine, la santé animale, l'agriculture et l'environnement. Elle s'engage également en faveur d'un traité international sur les pandémies, qui nous fournira les armes afin de lutter contre les crises sanitaires. La Coopération belge au Développement investit de manière conséquente dans les systèmes de santé des pays partenaires.
Grâce à la Stratégie de cybersécurité Belgique 2.0, la Belgique dispose déjà d'un plan lui permettant de mieux protéger ses systèmes d'information et de communication. La coordination est assurée par le Centre pour la cybersécurité en Belgique (CCB).
Les nouvelles technologies telles que la 5G, l'intelligence artificielle et les technologies spatiales ne doivent pas être détournées à des fins d'espionnage, d'ingérence et de sabotage. Dès lors, la Belgique participe activement à la concertation sur la nouvelle législation européenne dans ces domaines.
Depuis 2019, le centre d'expertise CBRNe surveille les risques potentiels en la matière. Au niveau international, notre pays est extrêmement actif dans la lutte contre la prolifération des armes, également nucléaires et dans la restauration du tissu des traités sur le contrôle des armements et sur le désarmement.
La Coopération belge au Développement contribue à la stabilité et à la sécurité au-delà de nos frontières, et donc à notre sécurité nationale. Photo : château d'eau construit par Enabel au Niger, pays du Sahel. © Enabel/Tim Dirven
Une responsabilité internationale
Quelque 500 000 Belges vivent actuellement à l'étranger, et beaucoup voyagent également. La Belgique assume donc une grande responsabilité dans la protection de ses citoyens bien au-delà de ses frontières. Comme l'a démontré l'évacuation d'Afghanistan, cela nécessite une coopération étroite entre tous les départements de sécurité concernés, tels que l'Intérieur, la Défense, les Affaires étrangères, la Justice et l'Asile et la Migration.
Notre pays s’appuie essentiellement sur l'UE et l'OTAN pour une approche renforcée des menaces étatiques conventionnelles et hybrides. La défense collective, au sein de laquelle la Belgique assume ses responsabilités, est de nouveau au centre de toutes les préoccupations. La stratégie de l'UE pour une Union de la sécurité fournit des orientations pour une approche intégrée des menaces hybrides. En Belgique, une plateforme « menaces hybrides » a été créée et un mécanisme de détection rapide de la désinformation est en cours d'élaboration. En tant que pays hôte de l'UE et de l'OTAN, la Belgique accorde une attention particulière à la résilience face à l'espionnage.
Notre pays reste pleinement engagé en faveur d'une UE dynamique, qui est effectivement le meilleur outil pour défendre ses intérêts à l'échelle mondiale. La présidence belge du Conseil de l'UE en 2024 offrira des opportunités supplémentaires à cet égard.
Pas de sécurité intérieure sans une attention portée à la stabilité au-delà des frontières. Notre diplomatie est donc partie prenante à la politique de sécurité nationale. En leur qualité de médiateurs nés, nos diplomates continueront de s'efforcer d’impliquer activement tous les pays, y compris les superpuissances, dans la coopération multilatérale afin de relever les défis communs.
La Belgique oeuvrera de manière active pour que davantage de Belges occupent des postes de premier plan dans les organisations prioritaires (UE, ONU, OTAN et OSCE). De plus, notre pays s’emploiera à attirer davantage de sièges d'organisations internationales à Bruxelles. La Coopération belge au Développement s'inscrit également dans une politique étrangère belge cohérente, car elle contribue à la stabilité et à la sécurité au-delà de nos frontières. Enfin, toutes nos représentations diplomatiques sont des antennes indispensables pour identifier et signaler ponctuellement les tendances et les risques éventuels.
Découvrez la stragégie complète.
La SSN a été élaborée dans le cadre d'un groupe de travail constitué au sein du Comité de coordination du renseignement et de la sécurité (CSRS). Le groupe de travail, présidé par le SPF Affaires étrangères, se composait notamment du Centre national de crise, de la Défense, du Service général du renseignement et de la sécurité, du SPF Justice, du Collège des procureurs généraux, de la Police fédérale, de l'Organe de coordination pour l'évaluation de la menace (OCAM) et de la Sûreté de l'État.
L'Institut Egmont a organisé des consultations avec le secteur privé, la société civile et le monde académique. Enfin, les entités fédérées ont également été consultées, de même que les services publics fédéraux ayant, entre autres, l'économie, la santé publique, le climat et l'environnement dans leurs attributions.
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