Des villes durables pour un monde durable

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Les travailleurs de la construction construisent bien

En Palestine, Enabel a contribué à la redynamisation des centres historiques de 12 communes. © Enabel

ODD11 = villes inclusives, sûres, résilientes et durables

Aujourd'hui, 55 % de la population mondiale habite dans des zones urbaines. En 2050, ce chiffre devrait atteindre 70 %. L'urbanisation rapide devient donc l'une des tendances notables du XXIe siècle. Ce phénomène pose d'énormes défis. Comment assurer la cohabitation pacifique de toutes ces personnes vivant à proximité les unes des autres ? Comment peuvent-elles se nourrir de manière équilibrée ? Un environnement urbain peut-il également être propre et sain ?

Les Objectifs de Développement durable (ODD) ont anticipé cette tendance. L'ODD11 décrit en détail les points auxquels il faut prêter attention pour rendre les villes « inclusives, sûres, résilientes et durables ». Pensez à un logement décent, des transports accessibles, une gestion efficace des déchets, suffisamment d’espaces verts, etc.

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Villes et communautés durables

Explosion des petites villes en Afrique

L'Agence belge de développement (Enabel) - qui met en œuvre la coopération gouvernementale au développement - est principalement active en Afrique. Ce continent connaît la croissance urbaine la plus rapide au monde. La population y doublera d'ici 2050. Pas moins de deux tiers des habitants vivront dans des zones urbaines, surtout dans les petites et moyennes agglomérations. La population citadine augmentera de 950 millions de personnes.

« En Afrique, outre l'expansion des villes, nous assistons à une urbanisation progressive des campagnes », explique Joëlle Piraux, lead urbanisation chez Enabel. « Cette situation est due à la croissance démographique, à la forte mobilité humaine et à une campagne en mutation. La population fuit également le terrorisme et l'insécurité ou les effets du changement climatique. Dans les villes, elle trouve des opportunités de travail, des infrastructures et des services tels que l'enseignement. »

« Les habitants des zones rurales s'installent d'abord dans de petites villes. S'ils n'y trouvent pas ce qu'ils recherchent, ils migrent vers les grandes villes. Ce phénomène se fait largement ressentir au Sahel (Niger, Mali, Burkina Faso), mais aussi en Afrique centrale (RD Congo, etc.). »

Complémentarité des villes et campagnes

Enabel soutient ces villes de petite et moyenne taille afin de mieux accueillir une population croissante et très diversifiée. Elle favorise également un développement urbain en harmonie avec l'arrière-pays.

Les défis sont colossaux. En Afrique notamment, les villes sont confrontées à des infrastructures rudimentaires, à des logements précaires, à des capacités limitées des secteurs public et privé, à un taux de chômage élevé chez les jeunes...

L'attention qu'accorde Enabel aux villes ne signifie pas qu'elle tourne le dos aux campagnes, bien au contraire. Les deux sont très complémentaires, un aspect  qu’il faudrait davantage exploiter. « Les campagnes et les zones périurbaines sont tout à fait propices à la production et à la transformation des aliments. Les villes, en revanche, sont plutôt des centres de création, où l'on trouve à la fois l'artisanat traditionnel et les nouvelles technologies, et où l'on a accès aux compétences et aux capitaux. La campagne, quant à elle, peut fournir des matériaux plus traditionnels et respectueux de l'environnement. »

Une approche holistique du développement économique urbain au Rwanda

Enabel a démarré en mars 2020 - en pleine crise du coronavirus - un projet d'urbanisation dans trois villes de taille moyenne au Rwanda, à savoir Rubavu, Musanzu et Rwamagana. Cette dernière est une ville satellite de la capitale, Kigali. Objectif principal : encourager un développement économique durable et inclusif et améliorer les infrastructures, en mettant l'accent sur l’utilisation de matériaux locaux. Tout le secteur de la construction est stimulé pour se convertir en un véritable acteur de l’économie circulaire.

Il convient de noter que la communauté locale a été très étroitement impliquée dès le début dans le projet, notamment par le biais d'ateliers et de « promenades » (transect walks). En participant au processus, les habitants ont le sentiment de s’approprier en partie le développement urbain. Le projet s’appuie de cette manière sur le fort sentiment de communauté en Afrique subsaharienne. Au Rwanda aussi, la communauté est régulièrement sollicitée, par exemple pour planter des arbres ou nettoyer les routes.

Les « promenades » dans les zones urbaines ont permis d'en répertorier le potentiel économique. Les participants ont adopté trois perspectives : celles de la communauté, du secteur privé et de la nature. Des appels ont été lancés pour les projets présentant le plus grand potentiel.

Finalement , ce sont soixante-cinq entreprises qui étaient éligibles pour le volet « matériaux locaux » (terre, pierres). Elles reçoivent un soutien pour élaborer un plan d’entreprise, tandis que 50 % des appareils technologiques sont financés. Citons par exemple une presse pour fabriquer des briques et autres  machines. Des ateliers sont également organisés, au cours desquels sont présentées des techniques moins connues, comme la technique très prometteuse d’utilisation du bambou dans la construction. Dans les écoles professionnelles, les matériaux locaux sont intégrés dans le programme d'études, et d’autres projets.

Enabel a choisi de faire coopérer des acteurs de différents secteurs : secteur privé, environnement, enseignement... Le projet s'inscrit parfaitement dans la politique rwandaise. Le Rwanda est l'un des rares pays d'Afrique subsaharienne à avoir une vision solidement développée de l'urbanisation.

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Un petit donateur qui a un impact

Un petit donateur comme la Belgique peut avoir un impact sur le développement de villes durables et inclusives. C'est ce qui ressort des 25 années d'expérience d'Enabel, notamment avec Ho Chi Minh City (Vietnam), Kampala (Ouganda) et Bujumbura (Burundi). La participation étroite de la population s'est avérée être un facteur de réussite à maintes reprises. Laborieux, mais très payant. D'où l'objectif d'Enabel : « des villes qui offrent à chacun un cadre de vie sûr et abordable et qui impliquent les citoyens dans le développement de leur ville. »

Dans le cadre de son approche holistique et multisectorielle, Enabel distingue cinq points clés.

Des services publics de qualité pour tous

Des services publics de qualité sont essentiels pour une ville vivable, y compris dans les « quartiers informels ». Pensez à l'accès à l'eau potable et aux égouts, aux routes, à l'énergie, à la gestion et au traitement des déchets. Enabel y contribue. À Conakry (Guinée), par exemple, elle a amélioré le traitement des déchets, première étape vers une économie circulaire à part entière et vers des villes plus propres.

Enabel promeut l'emploi local dans la construction et les possibilités d’apprentissage en milieu professionnel pour encourager la participation des communautés locales, surtout les jeunes. Elle soutient également les villes dans l'organisation d'un service de santé publique pour tous, avec un accent particulier sur les troubles mentaux et la santé des adolescents.

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Garçon avec une moto

À Conakry (Guinée) Enabel a amélioré le traitement des déchets, première étape vers une économie circulaire à part entière et vers des villes plus propres. © Enabel

Opportunités économiques et emplois, avec une attention supplémentaire pour les jeunes et les femmes

Le talent des jeunes et des femmes ne doit pas être sous-exploité ! En effet, s'ils ont l'occasion de développer leurs compétences et si l'entrepreneuriat est encouragé, cela stimulera l’économie urbaine.

L'environnement urbain offre un grand potentiel à ce niveau. Par exemple, Enabel soutient dans trois zones urbaines de Guinée des PME existantes, actives dans trois secteurs : logement et tourisme, villes durables et économie numérique. La digitalisation est un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société.

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Frau mit Teller voller verarbeiteter Früchte

En Guinée, l'entrepreneuriat féminin est soutenu. Sur la photo : usine de transformation de fruits. © Enabel

Des villes sûres, fondées sur la cohésion sociale

Enabel veut contribuer à la création d'un cadre de vie inclusif et sûr, en particulier pour les jeunes, les femmes et les groupes vulnérables. « Dans les années à venir, des villes où les femmes se sentent bien feront l'objet d'une attention accrue. Les femmes doivent se sentir en sécurité dans leur ville. Les espaces publics doivent être agréables, pour les filles, les adolescentes et les femmes. Les femmes doivent donc être impliquées dans la prise de décision », explique Mme Piraux.

La violence urbaine et basée sur le genre constitue un problème majeur. À Kisangani (RD Congo), Enabel a transformé le centre de santé Alwaleed en un « One Stop Center ». Les femmes peuvent s'y rendre non seulement pour un suivi médical et psychologique, mais aussi pour une assistance juridique et une réinsertion dans la société. Le but est d'étendre le projet pilote à d'autres régions.

La culture est également un bon moyen pour rétablir l'interaction sociale et économique dans les espaces publics. Elle peut même être exploitée pour lutter contre la violence urbaine et impliquer davantage les gens dans la vie de la ville. Enabel en a fait l'expérience en Palestine, par exemple. Elle y a contribué à la redynamisation des centres historiques de 12 communes de la région. Non seulement la cohésion sociale a été restaurée et les communautés locales ont été relancées économiquement, mais le projet a également renforcé le sentiment d'identité des Palestiniens.

Villes résilientes et acteurs de changement face au changement climatique

Le climat et l'environnement occupent une place de plus en plus importante. Mme Piraux : « Les villes ne doivent pas seulement s'adapter au changement climatique, elles doivent aussi  tout mettre en œuvre pour réduire drastiquement les activités qui ont un impact sur ce changement climatique. Les villes en sont des acteurs très importants ! Les bâtiments et les installations ne doivent pas consommer trop d'énergie, et les habitants doivent être davantage sensibilisés à leur impact climatique. » Actuellement, Enabel développe de nouveaux projets autour des « Green Municipalities », à la fois en Palestine et au Mali.

Planification et gestion urbaines participatives et intégrées

Tous les projets veillent à ce que les habitants soient impliqués dans le développement urbain (voir l'encadré sur le Rwanda). Cette « co-création » de lignes de politique et d'instruments permet d'obtenir des résultats plus durables. En effet, les solutions sont mieux adaptées aux besoins réels des communautés, qui se sentent en même temps davantage concernées. Le leadership féminin est également encouragé.

La digitalisation peut être un outil intéressant pour permettre aux habitants de participer, par exemple par l'intégration efficace du (big) data et les services en ligne axés sur les citoyens (y compris les registres de la population). Le recours à la digitalisation permet aussi d’améliorer la planification et l’accès aux services. Enabel applique actuellement ce type de « gestion urbaine électronique » au Rwanda (smart cities).

« Les villes sont indispensables à tout ODD », conclut Mme Piraux. « C'est pourquoi nous devons approfondir notre 'stratégie d'urbanisation' et l'appliquer aussi de manière transversale. Nous cherchons également à nous engager auprès des acteurs non gouvernementaux par le biais du Cadre stratégique commun (CSC) Sustainable Cities. » (voir encadré).

CSC Sustainable Cities

Afin d'optimiser sa coopération au développement, la Belgique vise une synergie maximale entre les acteurs non gouvernementaux belges. Par exemple, les « cadres stratégiques communs » (CSC) rassemblent tous les acteurs (ONG, universités, syndicats...) pour poursuivre un objectif commun. Certains CSC réunissent tous les acteurs belges dans un pays partenaire particulier, d'autres se concentrent sur un thème bien précis.

Le CSC Sustainable cities vise à créer des villes durables dans le Sud. Partant de l'expertise existante en Belgique, il a trois objectifs :

  1.  la co-création de la ville durable par les administrations locales, avec une implication et une participation étroites des citoyens (Echos Communication, COTA, etc.) ;
  2. le renforcement des capacités institutionnelles (les organismes qui chapeautent les communes belges: VVSG (Flandre), UVCW (Wallonie), Brulocalis (Bruxelles)) ; et
  3. une chaîne de valeur inclusive pour alimenter les villes durables (Rikolto, Oxfam Magasins-du-Monde, etc.).

Enabel se joindra également à ce CSC.