Les forêts tropicales stockent de moins en moins de carbone

Les forêts tropicales perdent progressivement leur capacité à stocker le carbone. Si aucune mesure n’est prise rapidement, les forêts pourraient émettre du carbone d’ici 2035. C'est ce que révèle une étude à grande échelle dans laquelle l'AfricaMuseum a joué un rôle de premier plan.

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 Parc national d'Ivindo

Vue du parc national de l'Ivindo (Gabon). © Kath Jefferey

Les forêts tropicales constituent une arme puissante contre le dérèglement climatique. Elles sont en effet de gigantesques puits de carbone. À elles seules, elles contiennent 250 milliards de tonnes de carbone. Elles stockent de plus en plus de carbone en raison de leur croissance.

Les forêts pourraient cependant perdre cette capacité de stockage plus tôt que prévu. C'est ce que montre une étude réalisée sur 565 forêts tropicales intactes du Congo et du bassin amazonien. Cette étude a été menée pendant 30 ans par plus de 100 institutions universitaires, dont l’AfricaMuseum.

Dans les années 1990, les forêts tropicales intactes stockaient encore 17% du CO2 émis par l'Homme. Dans les années 2000, ce chiffre était encore de 9% et dans les années 2010 il est passé à 6%.

Selon les estimations, les forêts tropicales intactes ont capturé environ 46 milliards de tonnes de CO2 de l’atmosphère dans les années 1990. Dans les années 2010 elles ont cependant capturé 25 milliards de tonnes. La différence de 21 milliards de tonnes équivaut à dix ans d'émissions de combustibles fossiles du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la France et du Canada réunis.

La cause principale du déclin de la capacité à capturer le carbone est selon les scientifiques la hausse de mortalité des arbres. « Normalement, le CO2 stimule la croissance des arbres, mais à cause des perturbations climatiques - températures plus élevées, sécheresse... - la croissance est ralentie et certains arbres peuvent même mourir », explique Wannes Hubau, affilié au Musée Royal de l’Afrique Centrale et principal auteur de la publication dans la renommée revue Nature qui présente ses recherches.

Si aucune mesure urgente n'est prise contre le dérèglement climatique, le déclin se poursuivra jusqu'à ce que les forêts tropicales émettent du carbone net à partir de 2035.

Ces connaissances sont primordiales pour les décideurs politiques. Elles signifient en effet que les calculs de stockage du carbone dans les forêts doivent être révisés et les objectifs d'émission ajustés. Selon les objectifs actuels, les forêts tropicales devraient être encore capables de capturer le carbone pendant des décennies.

« Cette étude fournit les premières preuves à grande échelle que la séquestration du carbone par les forêts tropicales du monde affiche déjà une tendance à la baisse alarmante aujourd'hui », déclare M. Hubau. « Cette baisse est en avance de dizaines d'années sur les prédictions les plus pessimistes. Il est donc plus qu’urgent de ne pas perdre de temps dans la lutte contre le changement climatique ». 

Les chercheurs soulignent également qu'il est crucial que les forêts tropicales soient surveillées de près. Cela nécessite non seulement le financement de nouvelles études, mais aussi un soutien aux scientifiques locaux, qui vivent plus près des forêts et peuvent ainsi suivre plus facilement les évolutions.

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L'homme calcule le contenu en carbone d'un arbre

Pour déterminer la quantité de carbone absorbée par un arbre, son diamètre et sa hauteur sont mesurés régulièrement (Parc national de Salongo, RD Congo). @ Simon Lewis - University of Leeds

Laboratoire à Yangambi

Le Centre de recherche forestière situé dans la réserve de biosphère de Yangambi en RD Congo est un bon exemple. Un laboratoire de biologie du bois y a en effet été implanté par l’AfricaMuseum avec le soutien de l’Union européenne. Le laboratoire dispose désormais de l'équipement nécessaire pour étudier l'anatomie du bois et les cernes du bois ("dendrochronologie"). Cela permettra de mieux comprendre le rôle des forêts dans l’atténuation et l’adaptation du changement climatique.

« Dans le passé, les scientifiques congolais devaient se rendre en Europe pour analyser les échantillons de bois. Cela était très contraignant. Maintenant, ils peuvent le faire sur place, à côté de la forêt », explique Hans Beeckman, biologiste du bois à l’AfricaMuseum. « Un laboratoire au cœur du bassin du Congo rendra les études moins coûteuses, plus faciles et plus inclusives. »

L’AfricaMuseum mesure également l'absorption du carbone dans les forêts de Yangambi et dans la réserve forestière de Yoko, non-loin. Il est prévu qu’une tour de recherche s’élevant jusqu’à la canopée soit installée. La tour mesurera en permanence l'échange de gaz à effet de serre entre l'atmosphère et la forêt.

Le Musée Royal de l’Afrique Central est un partenaire important de la Coopération belge au Développement.