La Belgique tourne son regard vers la mer

  1. Dernière mise à jour le
Image
Turbines éoliennes

Éoliennes en mer du Nord. © Shutterstock

La Belgique dispose d'un littoral de 65 km. La partie belge adjacente de la mer du Nord s'étend sur 3454 km², soit environ la taille d'une province belge. Ceci représente à peine 0,5 % de la superficie totale de la mer du Nord, la partie de l'océan Atlantique située à peu près entre le Royaume-Uni, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas.

Néanmoins, celle-ci accueille beaucoup d'activités. Et elles ne sont pas uniquement liées à la pêche et à la navigation, mais aussi à la conservation de la nature, à la production d'énergie, à l'aquaculture (ou pisciculture), à l'extraction de sable, au tourisme, au dragage, à la recherche scientifique, etc.

Les activités économiques liées aux océans, aux mers et aux côtes ont récemment pris de plus en plus d'importance. En effet, cette « économie bleue » offre de nombreuses possibilités, notamment pour assurer un avenir vert et neutre sur le plan climatique. « Pour être vraiment verts, nous devons aussi penser bleu », a récemment déclaré le commissaire européen à l'Environnement, Virginijus Sinkevicius.

Image
Réacteurs de culture avec liquide jaune

Réacteurs de culture de microalgues dans le laboratoire de l'ILVO. © ILVO

Jouer avec ses atouts bleus

En Belgique aussi, nous prenons petit à petit conscience que nous sommes une véritable nation maritime. Les diplomates réfléchissent déjà sérieusement à la manière dont nous pouvons mieux exploiter nos « atouts bleus ».

Car ces atouts bleus ne sont pas négligeables. L'énergie éolienne en mer fait couler beaucoup d'encre. Il y a actuellement 399 éoliennes en mer qui peuvent produire de l'électricité pour 2,2 millions de familles (2,2 GW). Grâce à celles-ci, la Belgique figure à la 4e place des producteurs mondiaux d'énergie éolienne en mer. Cette capacité devrait presque tripler d'ici 2030.

La Belgique dispose également d'une expertise en matière d'énergie éolienne flottante (DEME). La plateforme d'essai maritime Blue Accelerator (Ostende) étudie actuellement dans quelle mesure les panneaux solaires flottants peuvent être utiles pour la production d'énergie. En outre, notre pays est très actif dans les technologies vertes (« cleantech ») telles que la numérisation et la sécurisation du réseau électrique (VITO, Elia, TWEED) ou le recyclage des matières premières (Umicore).

Le fond de la mer du Nord contient du sable de haute qualité qui est meilleur que le sable du désert. Le sable est un ingrédient essentiel du béton armé. À l'avenir, la demande ne fera qu'augmenter. En effet, de nombreux travaux de construction et d'infrastructure sont à venir, alors que les ressources en sable s'épuisent dans le monde entier.

La mer peut également soutenir la production alimentaire. Les établissements scientifiques ILVO et VITO effectuent actuellement à Ostende des recherches sur le potentiel alimentaire prometteur des algues et des micro-algues (ValgOrize). Dans cette même ville d'Ostende, une entreprise norvégienne est en train de mettre en place la plus grande ferme piscicole terrestre de l'UE. Près de Nieuport, le groupe Colruyt cultivera des moules, et à terme des huîtres et des algues.

Les nombreuses entreprises spécialisées dans l'environnement marin ont uni leurs forces au sein du « Blauwe Cluster ».

Image
Pieux pour l'élevage de moules, d'huîtres et d'algues marines

Schéma de la future culture de moules, d'huîtres et d'algues par le groupe Colruyt. © Colruyt Group

Mer du Nord et mer de Norvège

Mais nous ne devons certainement pas nous limiter à notre propre « province bleue ». Le reste de la mer du Nord et les régions plus au nord présentent aussi beaucoup d'opportunités à saisir.

Ainsi, les pays situés autour de la mer du Nord (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Norvège) sont appelés la « future centrale électrique de l'Europe » en raison de l'énorme potentiel de l'énergie éolienne. L'intensification des contacts avec ces pays est vitale pour la Belgique si elle veut atteindre les objectifs européens en matière d'énergies renouvelables.

Notre pays a récemment conclu un accord politique avec le Danemark pour la construction d'un câble sous-marin à haute tension de plus de 600 km de long. Cela permettrait de transporter l'électricité excédentaire à partir de 2030. De plus, une deuxième connexion avec le Royaume-Uni est à l'étude, en plus de la liaison existante « Nemo-link ». La Norvège présente également des opportunités.

Un certain nombre d'entreprises belges se sont spécialisées dans les travaux de dragage et d'infrastructure maritime (DEME, Jan de Nul). Elles ont souvent reçu des éloges internationaux pour leurs projets, comme pour les Palm Islands à Dubaï. Avec l'intérêt croissant pour les parcs éoliens offshore et les pôles énergétiques, l'importance du dragage ne fera qu'augmenter. Nos dragues contribuent déjà à la construction d'un gigantesque parc éolien sur le Doggerbank, au large des côtes britanniques.

Les plateaux continentaux britannique et norvégien (la zone des mers peu profonde) offrent des possibilités de stockage du carbone sous les fonds marins. Les ports belges (Anvers, Zeebruges), mais aussi les industries belges de l'acier (Arcelor), du ciment et de la chimie sont déjà impliqués dans le domaine. Cet engagement est essentiel, car le captage et le stockage du carbone (CSC) seront de toute façon indispensables si la Belgique et le monde veulent atteindre la neutralité climatique d'ici 2050.

Avec son terminal gazier Fluxys (la porte d'entrée du gaz dans le nord-ouest de l'Europe), le port de Zeebruges peut obtenir sa part du gâteau dans le commerce de l'« hydrogène bleu et vert ». Pendant une période de transition temporaire, le gaz naturel extrait de la mer du Nord peut être utilisé pour produire de l'« hydrogène bleu » (Fluxys, Exmar). Associé à l'« hydrogène vert », entièrement renouvelable et neutre sur le plan climatique, il peut alimenter les navires. L'hydrogène peut également servir à remplacer le gaz naturel pour la consommation domestique. Actuellement, les ports belges, en collaboration avec Fluxys, mettent en place un nouveau modèle commercial autour de l'importation d'hydrogène, combinée à l'exportation de CO2.

Toutes ces activités offrent également des opportunités pour les banques d'investissement belges.

Image
LNG-terminal in Terminal GNL à Zeebrugge

Le terminal GNL de Zeebrugge peut également être utilisé pour le commerce de l'hydrogène vert et bleu. © Shutterstock

Les diplomates en action

Pour exploiter toutes ces opportunités de manière optimale, nos entreprises ont besoin des bons contacts. À cet égard, nos diplomates dans les différentes ambassades jouent un rôle important, en élargissant et en entretenant constamment leurs réseaux économiques et politiques.

Ces contacts peuvent être établis d'un pays à l'autre, mais les contacts entre régions peuvent également être utiles. La Belgique a ainsi récemment commencé à stimuler le dialogue entre le Benelux - sous présidence belge cette année - et les pays nordiques. Notre pays préside actuellement aussi la Coopération énergétique des mers du Nord. À ce titre, elle réunit régulièrement les 10 États côtiers autour de la mer du Nord pour discuter de l'énergie éolienne en mer. Le Benelux est également un fervent partisan de l'hydrogène vert en tant qu'élément constitutif d'une UE neutre sur le plan climatique, via la « European hydrogen backbone » (colonne vertébrale européenne de l'hydrogène). L'Union européenne soutient également l'économie bleue.

Dans les régions plus éloignées, comme l'Asie du Sud-Est et l'Afrique de l'Est, nos entreprises peuvent également déployer leur expertise bleue. Ainsi, les pays d'Asie du Sud-Est manifestent un intérêt considérable pour notre expertise en matière d'offshore et de cleantech, comme en témoignent les nombreuses demandes que nos diplomates de cette région reçoivent à ce sujet.

Plan d’aménagement des espaces marins

Toutes ces opportunités économiques ne doivent pas nous faire perdre de vue qu'il est également crucial de gérer et de protéger durablement les océans. La Belgique prend ce sujet déjà très à cœur. Au sein de l'UE, notre pays a été un pionnier dans l'élaboration d'un plan d’aménagement des espaces marins (PAEM) détaillé en 2014.

Dans le dernier PAEM (2021-2026), 37 % de la mer du Nord belge est classée comme zone naturelle protégée, soit nettement plus que la moyenne européenne de 8,9 %. Dans ces zones, on travaille à la conservation de la nature et il est prévu de procéder dans le futur à une restauration de la nature. En outre, plusieurs autres zones ont été désignées avec comme objectif évident de concilier les aspects économiques, écologiques et sociaux.

La Belgique mène régulièrement des actions pour réduire la « soupe plastique » dans les océans. Elle est également pionnière dans la réduction du bruit sous-marin de la navigation et dans la surveillance de l'impact des éoliennes sur la nature. L'arrivée des nouvelles éoliennes (voir ci-dessus) n'est ainsi pas le fruit du hasard. Actuellement, 24 études sur la nature sont en cours pour déterminer les conditions dans lesquelles ces éoliennes supplémentaires peuvent être placées dans une zone Natura 2000.

Image
Plan spatial marin de la mer du Nord belge

Le plan d'aménagement de l'espace maritime de la mer du Nord belge. © SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement

Blue Leaders

Au niveau international, notre pays est aussi un pionnier pour les océans. En effet, la Belgique est un fervent partisan des « Blue Leaders », un groupe de pays qui souhaitent protéger au moins 30 % des océans d'ici à 2030. Les Blue Leaders plaident également en faveur d'une nouvelle convention forte des Nations Unies pour la protection de la biodiversité en haute mer. Ces actions ont pour objectif d'améliorer la santé et la résilience des océans. Il s'agit d'une nécessité absolue si nous voulons exploiter pleinement notre économie bleue.

Les armateurs et les entreprises belges sont étroitement impliqués dans les innovations visant à rendre le transport maritime plus durable. Et au sein de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Belgique plaide pour une revalorisation du lien entre les océans et le climat.

En 2023, la Belgique disposera d'un siège au sein de l'Autorité internationale des fonds marins. Elle pourra y exercer une surveillance accrue de la législation environnementale et de la durabilité de l'exploitation des fonds marins. Notre pays encourage également la recherche scientifique sur l'exploitation des métaux en eaux profondes.

La société belge DEME, par l'intermédiaire de sa filiale GSR, est un pionnier de la technologie d'exploitation minière en eaux profondes. L'extraction durable des minerais rares et du sable des fonds marins nous permet d'accéder à des matières premières essentielles pour la transition énergétique. Nous sommes directement moins dépendants des pays étrangers.

Recherche de l'équilibre

C'est une évidence, nos océans sont indispensables pour notre avenir. L'océan nous fournit par exemple la moitié de l'oxygène que nous respirons, de la nourriture et des substances pour les médicaments.

Le vent marin, l'énergie géothermique (= énergie provenant des profondeurs de la terre) et l'action des marées et des vagues joueront un rôle essentiel pour la société climatiquement neutre que nous voulons atteindre. Et, bien sûr, il existe aussi de nombreuses opportunités économiques bleues. Mais nos océans ne peuvent jouer ce rôle que s'ils restent en bonne santé. La Belgique veut se consacrer pleinement à cette recherche d'équilibre délicat mais vital, à savoir l'exploitation sans nuire.

Défis et opportunités

Un pôle Nord sans glace : un défi avec des opportunités

Si nous regardons juste au-delà de notre mer du Nord, nous pouvons voir que l'Arctique est en pleine mutation. Cette évolution va de pair avec beaucoup de problèmes. D'ici 2050, les étés arctiques pourraient déjà être totalement dépourvus de glace, ce qui entraînerait une hausse du niveau de la mer. Sans parler des quantités phénoménales de méthane qui peuvent s'échapper du « permafrost » dégelé.

Canal de Suez du Nord

Dans le même temps, cette évolution offre également des opportunités. En effet, un pôle Nord sans glace pourrait devenir une sorte de Canal de Suez du Nord, avec des routes maritimes beaucoup plus courtes. Par exemple, la route Anvers-Shanghai via le pôle Nord ne fera que 13 600 km, contre 20 900 km aujourd'hui via le canal de Suez.

Il y aura également de nouvelles opportunités pour les énergies renouvelables (éolienne, hydroélectrique, géothermique), le stockage du carbone et l'exploitation minière (terres rares). Le Groenland pourrait particulièrement tirer son épingle du jeu dans une telle situation.

Un siège au Conseil de l'Arctique

Le Conseil de l'Arctique est l'un des principaux organes au sein duquel les États arctiques se concertent. Les principaux pays sont les États-Unis, la Russie, le Canada, la Finlande, l'Islande et les pays nordiques, mais il comprend aussi un grand nombre d'« observateurs », y compris des pays comme la Chine et l'Espagne. L'UE est un observateur de facto.

Pour l'instant, la Belgique ne figure pas parmi ceux-ci. Toutefois, notre pays a de véritables atouts à faire valoir. Nous disposons d'une expertise économique dans de nombreux domaines (voir ci-dessus) et, surtout, d'un savoir-faire scientifique mondialement reconnu sur l'Antarctique et l'Arctique (notamment sur la cryosphère ou la « sphère gelée »).

Nos diplomates examinent actuellement comment nous pouvons nous impliquer davantage dans le Conseil de l'Arctique et d'autres organismes. Il est indispensable que la Belgique renforce d'abord son engagement dans la région arctique. Après avoir passé cette étape, un statut d'observateur au sein du Conseil de l'Arctique devrait être justifié. Entre-temps, notre pays est déjà membre de l'Arctic Science Ministerial, l'organe de concertation des ministres des Sciences de l'Arctique. Le Parlement fédéral se montre également intéressé. En principe, une résolution demandant une plus grande attention à l'Arctique sera votée avant Noël 2021.

D'ailleurs, notre pays a déjà de nombreux intérêts dans l'Arctique aujourd'hui. Un quart de notre poisson vient de cette région, plus de 20 % de notre gaz provient de Norvège et de nombreuses entreprises belges y sont déjà actives. La région exerce également un impact indéniable sur notre sécurité. Les superpuissances (États-Unis, Russie et Chine) empiètent littéralement sur leurs territoires respectifs. Et la hausse du niveau des mers nous affecte bien entendu aussi.

Il est important pour notre pays que la région arctique reste sûre et stable et que le droit international y soit respecté. La stratégie arctique récemment révisée de l'UE sera sans aucun doute un guide essentiel pour l'élaboration d'une politique arctique belge.

Image
Carte de l'Arctique

© Shutterstock