La déforestation dissimulée derrière vos achats quotidiens

Café, chocolat, bœuf, pâte à tartiner au chocolat, biscuits, savon, meubles… Tous ont des composants qui peuvent causer la déforestation dans leur pays d’origine. Comment pouvons-nous, consommateurs, contribuer autant que possible à éviter cette « déforestation importée » ?

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Forêt tropicale à côté d'une plantation d'huile de palme

A gauche sur la photo, une forêt tropicale de Sumatra (Indonésie) a dû faire place à une plantation de palmiers à huile. © Shutterstock

Même si vous vivez dans le respect de l’environnement, vos achats peuvent contribuer à la déforestation. C’est fâcheux. Les forêts sont essentielles à la vie sur notre planète.

En 2019, le WWF Belgique – partenaire de la Coopération belge au Développement – a donc décidé de prendre le taureau par les cornes. Pour 7 produits de base, l’ONG a calculé l’empreinte écologique ainsi que le degré de déforestation cachée durant la période 2013-2017.

L’étude a débouché sur la formulation d’une série de recommandations à l’intention des pouvoirs publics, des entreprises et des consommateurs. Nous vous résumons le contenu du rapport, avec une attention particulière pour le consommateur.

Une empreinte égale à 3 fois la superficie de la Belgique

Le WWF a bien évidemment réalisé un exercice complexe. Si les chiffres obtenus restent des estimations, ils donnent cependant une image claire de l’ampleur du phénomène de déforestation que nous importons depuis l’étranger via les produits concernés.

Le WWF a étudié 7 produits : soja, cacao, bœuf et cuir, huile de palme, café, caoutchouc naturel, bois et papier. Ces produits présentent une empreinte de 10,4 millions d’hectares chaque année. Cela signifie que la production de ces matières premières nécessite plus de 3 fois la superficie de la Belgique ! Attention : l'intégralité des produits n'est pas utilisée dans notre pays. Environ deux tiers des matériaux importés sont en fait exportés sous forme de matières premières ou transformées.

Sur les 10,4 millions d’hectares, 4,2 millions présentent un risque majeur de déforestation. 85 % de cette « déforestation importée » est due à seulement 4 produits : soja, cacao, huile de palme, bois et papier. Les principaux pays présentant un risque élevé de déforestation sont le Brésil, la Côte d’Ivoire, l’Argentine, l’Indonésie et la Russie.

Beyond chocolate

De nombreuses initiatives ont cependant été prises afin de rendre les chaînes de production plus durables. Ainsi, des « tables rondes » sur l’huile de palme, le soja et le bœuf durables existent à l’échelle mondiale. Divers labels – tels que Forest Stewardship Council (FSC) pour le bois – garantissent une production durable. Le gouvernement belge a lancé en 2018 l’initiative Beyond Chocolate, par laquelle le secteur chocolatier s’est engagé – avec des partenaires tels que des ONG, des chaînes de supermarchés et des universités – à rendre la chaîne d’approvisionnement en chocolat plus durable. Des initiatives similaires sont en cours. Cependant, un nombre encore trop élevé de récoltes non-durables passent entre les mailles du filet.

Recommandations

Au gouvernement belge, l’étude recommande entre autres de soutenir une législation européenne contre la déforestation importée. Notre pays devrait également soutenir l’engagement « zéro déforestation » des secteurs industriels.

Les entreprises devraient exiger une production zéro déforestation des matières premières et investir dans le développement de chaînes d’approvisionnement durables.

Enfin, il est conseillé aux consommateurs de diminuer leur consommation et d’opter pour des produits de seconde main, recyclés ou certifiés (FSC, Fairtrade, produits biologiques, par exemple).

Nous vous présentons brièvement les 7 produits de base.

Cacao

Bien entendu, le cacao revêt une importance capitale pour la Belgique, pays du chocolat par excellence. Notre pays a importé chaque année – pour la période étudiée – 516 000 tonnes de cacao et de produits à base de chocolat. Ce chiffre équivaut à 1,6 million d’hectares, dont 65 % se situent dans des zones menacées de déforestation.

Conseil aux consommateurs

  • Choisir du chocolat et des produits à base de chocolat de qualité portant des labels de durabilité environnementale et sociale tels que Rainforest Alliance et Fairtrade.
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Cacaoyers avec fruits

Cacaotiers avec fruits au Ghana. © Shutterstock

Huile de palme

L’huile de palme est présente dans plus de 50 % des produits transformés dans les supermarchés : biscuits, chocolat, margarine, pâte à tartiner au chocolat, céréales pour petit-déjeuner, chips, savon et autres produits cosmétiques. Les tourteaux de palmiste – résidu de l’extraction d’huile des noyaux du fruit de palmier – sont destinés à l’alimentation animale.

La Belgique a importé 1,1 million de tonnes par an, soit 586 000 hectares. 89 % sont exposés à un risque de déforestation, surtout en Indonésie et en Malaisie.

Conseils aux consommateurs

  • Réduire la consommation de produits transformés qui contiennent potentiellement de l’huile de palme en cuisinant avec des produits locaux et de saison.
  • Choisir des produits à base d’huile de palme certifiée RSPO (Round Table for Sustainable Palm Oila minima.

Soja

Le soja – une légumineuse – jouit d'une certaine notoriété grâce à son utilisation comme base du lait de soja, de la sauce soja, du tofu et d'autres substituts de viande. L'huile de soja intervient dans la fabrication de biscuits, de margarine et de sauces, entre autres.

Cependant, la majeure partie du soja importé en Belgique est destinée à l'alimentation des animaux d'élevage. En d'autres termes, votre consommation de viande, d'œufs et de produits laitiers dissimule souvent la culture du soja, susceptible d'entraîner un phénomène de déforestation.

La Belgique a importé 2,5 millions de tonnes de soja par an, ce qui représente 2 millions d'hectares dont 64 % sont menacés de déforestation, notamment au Brésil et en Argentine.

Conseils aux consommateurs

  • Réduire sa consommation de produits d'origine animale (viande, produits laitiers, œufs), les possibilités de diversifier son alimentation avec des protéines végétales sont nombreuses.
  • Consommer localement et en circuit court en choisissant la viande des producteurs qui pratiquent l’élevage extensif et biologique.
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Champs de soja avec forêt tropicale en arrière-plan

Au Brésil, par exemple, beaucoup de forêt tropicale a été détruite pour de vastes champs de soja. ​© Shutterstock

Café

Qui pourrait se passer de sa (ses) tasse(s) de café quotidienne(s) ? Traditionnellement, le caféier pousse dans des forêts ombragées. Cependant, depuis les années 1970, la pratique de la « culture à ciel ouvert » domine. Et la déforestation se profile à l'horizon.

La Belgique a importé 340 000 tonnes de café par an, ce qui correspond à 338 000 hectares dont 73 % sont menacés de déforestation, notamment au Brésil, en Ouganda et au Pérou.

Conseil aux consommateurs

  • Opter pour du café portant une certification sociale et environnementale reconnue comme Rainforest Alliance et Fairtrade.
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Plants de café dans une zone déboisée

Notre tasse de café quotidienne peut également entraîner la déforestation. Sur la photo : la culture du café en Colombie. © Shutterstock

Boeuf et cuir

Malgré sa production domestique considérable, la Belgique a importé 192 000 tonnes de viande bovine chaque année, en plus des 36 000 tonnes de cuir, un sous-produit du bétail abattu. L'élevage de ces bêtes requiert 1,1 million d'hectares de terres, dont 19 % sont menacés de déforestation, principalement au Brésil et en Chine.

Conseils aux consommateurs

  • Réduire sa consommation de viande de bœuf et privilégier une viande bovine issue d’un élevage local, extensif et biologique.
  • Limiter les achats de vêtements, chaussures et accessoires en cuir et préférer des articles de seconde main.

Bois et papier

Vous agissez pour le climat si vous utilisez du bois pour construire votre maison ou décorer votre intérieur. Ce matériau permet de piéger durablement le carbone et l’empêcher de flotter dans l'atmosphère. Une condition essentielle, cependant, est que le bois soit produit de manière durable. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas.

La Belgique a importé 10,4 millions de m³ de bois et 13,8 millions de m³ de papier par an. Au total, cela représenterait 4,6 millions d'hectares, dont 17 % sont menacés de déforestation, notamment au Brésil et en Chine.

Conseil aux consommateurs

  • Choisir des produits recyclés ou certifiés selon des normes environnementales et sociales crédibles telles que les labels FSC et PEFC.
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Arbre dont on extrait le caoutchouc

Pour l'instant, il y a très peu de caoutchouc vraiment durable. Sur la photo : plantation de caoutchouc en Thaïlande. ​© Shutterstock

Caoutchouc naturel

Le caoutchouc naturel, issu de l'hévéa,  est employé dans un grand nombre de produits de consommation courante et des produits plutôt industriels comme les pneus, mais aussi les matelas, les ballons et les gants en latex. Le caoutchouc synthétique n'est pas adapté à de multiples usages.

La Belgique a importé 230 000 tonnes de caoutchouc naturel par an, ce qui représente 209 000 hectares dont 80 % sont menacés de déforestation, en particulier en Indonésie.

Pour l'instant, les consommateurs n'ont guère le choix. À ce jour, seul 0,1 % de la production de caoutchouc naturel est certifié FSC, et uniquement pour des marchés de niche tels que les matelas. Le secteur du pneu ainsi que les autres parties prenantes telles que les ONG collaborent afin de définir une trajectoire durable pour la production de caoutchouc.