OSCE, un espace de dialogue et un cadre d’action commun unique

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Le bâtiment de l'OSCE à Vienne avec les drapeaux des États participants

Le bâtiment de l'OSCE à Vienne avec les drapeaux des États participants (© Shutterstock).

Entre septembre et décembre 2022, la Belgique présidera le Forum pour la coopération en matière de sécurité, organe majeur de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Dans cet article, vous découvrirez en quoi les activités de l’OSCE consistent exactement et comment elles contribuent à la paix.

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s’investit en faveur de la paix et de la stabilité dans les 57 États qui la composent. En sont membres tous les pays européens, y compris extérieurs à l’UE, mais aussi les États-Unis, le Canada, la Russie et tous les pays des Balkans et d’Asie centrale. Son territoire rassemblant plus d’un milliard de citoyens, il s’agit de la plus grande organisation de sécurité régionale  au monde.

L’OSCE entend surmonter les divergences, instaurer un climat de confiance et encourager la collaboration entre pays. À cette fin, l’organisation privilégie une approche multidimensionnelle, s’étendant de la prévention des conflits, la démocratisation et la tenue d’élections transparentes à la lutte contre la corruption et la sensibilisation à la protection de l’environnement en passant par la promotion de la tolérance, la non-discrimination et la liberté des médias.

Dans un monde en perpétuelle évolution, marqué par des divisions qui s’accentuent, l’éclatement d’une guerre en Europe et des menaces complexes à l’échelle internationale, la mission de l’OSCE s’avère plus que jamais essentielle pour l’Europe. L’organisation constitue en effet un espace de dialogue et un cadre d’action commun unique. La Belgique prend d’ailleurs activement part aux activités de l’OSCE.

Pourtant, l’OSCE reste relativement méconnue du grand public. Découvrez ci-dessous quels moyens exactement l’organisation met en œuvre pour garantir la paix.

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Carte montrant les Etats membres de l'OSCE

L'OSCE couvre une grande partie de l'hémisphère nord. Avec plus d'un milliard de personnes, elle est la plus grande organisation de sécurité régionale du monde (© Shutterstock).

Les origines : l’Acte final d’Helsinki

La création de l’OSCE remonte au début des années 1970, en pleine guerre froide. L’Union soviétique cherche un moyen non militaire de garantir la sécurité et la stabilité. Finalement, la Finlande, pays neutre, propose d’organiser une Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), l’ancêtre de l’OSCE.

En 1975, la CSCE parvient à un accord autour de l’Acte final d’Helsinki. Ce document énonce dix principes fondamentaux (voir cadre) régissant aujourd’hui encore le comportement des États. Jusqu’à la fin des années 1980, la CSCE restera l’un des rares espaces de dialogue entre le bloc de l’Est, l’Ouest et les pays neutres.

Les dix principes de l’Acte final d’Helsinki

  1. Respect de la souveraineté et de l’égalité souveraine des États
  2. Non-recours à la menace ou à l’emploi de la force
  3. Inviolabilité des frontières
  4. Intégrité territoriale des États
  5. Règlement pacifique des différends
  6. Non-intervention dans les affaires intérieures des États
  7. Respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction
  8. Égalité de droits des peuples et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
  9. Coopération entre les États
  10. Exécution de bonne foi des obligations assumées conformément au droit international

La chute du Mur : la Charte de Paris pour une nouvelle Europe

Europe. La Charte de Paris pour une nouvelle Europe (1990) pose les jalons d’une CSCE renouvelée : une organisation dotée d’un siège principal à Vienne, recrutant son propre personnel et autorisée à intervenir dans les 57 États participants. La gestion de la crise entraînée par l’éclatement de la Yougoslavie constitue l’une des premières missions de la nouvelle organisation. En 1994, la CSCE se voit rebaptisée « OSCE ».

Les organes décisionnels

Chaque semaine, les représentants permanents des États se réunissent au sein du Conseil permanent. En parallèle, un Conseil ministériel se tient chaque année. Lorsque c’est nécessaire, un sommet des chefs d’État ou de gouvernement peut également être organisé.

Le Forum pour la coopération en matière de sécurité (FCS) est un organe décisionnel autonome qui réunit chaque semaine les représentants des États pour discuter de la stabilité et de la sécurité militaires.

L’OSCE pose pour principe essentiel que tous les États participants bénéficient d’un statut égal et prennent leurs décisions par consensus.

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Photo d'une femme mettant son bulletin dans l'urne dans un bureau de vote

L'une des tâches essentielles de l'OSCE est l'organisation de l'observation des élections, notamment par le biais du BIDDH. Photo : Élections en Hongrie, avril 2022 (© OSCE).

Les institutions

En dehors du Secrétariat (Vienne), l’OSCE compte trois institutions aux missions spécifiques.

Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH, Varsovie) promeut les droits humains et la démocratie. Il assure l’observation d’élections, soutient l’État de droit et encourage la tolérance et la non-discrimination.

Le Représentant pour la liberté des médias (Vienne) surveille de près l’évolution de la situation des médias et tire la sonnette d’alarme en cas de menace pour la liberté d’expression ou la liberté des médias.

Le Haut-Commissaire pour les minorités nationales (La Haye) recourt quant à lui à la diplomatie silencieuse et à l’action rapide afin de désamorcer les tensions ethniques.

Une approche multidimensionnelle de la sécurité globale

Sans pour autant perdre de vue les défis d’ordre transnational, l’OSCE s’appuie sur une approche multidimensionnelle pour contribuer à la paix et la sécurité.

Dans la dimension politico-militaire, l’organisation cherche à renforcer l’ouverture, la transparence et la collaboration. Elle tente de créer un climat de confiance et de prévenir les conflits. Elle veille en outre au stockage et à la destruction en toute sécurité des armes légères et de petit calibre ainsi que des munitions conventionnelles.

Les questions économiques et environnementales sont tout aussi essentielles au renforcement de la sécurité. L’OSCE promeut la bonne gouvernance, lutte contre la corruption et sensibilise à la protection de l’environnement. Elle insiste également sur la nécessité d’un partage équitable des ressources naturelles et sur la bonne gestion des déchets environnementaux.

Les droits humains et les libertés fondamentales constituent la base des sociétés stables. C’est pourquoi l’OSCE aide les États participants à renforcer leurs institutions démocratiques et à tenir des élections justes et transparentes. Cette troisième dimension comprend également le respect de l’État de droit et des droits humains, y compris ceux des minorités nationales.

Par ailleurs, l’OSCE s’attaque aux défis qui se posent sur le plan de la sécurité transnationale. Il s’agit par exemple de l’extrémisme violent et de la radicalisation qui peuvent mener au terrorisme, de la cybercriminalité, du trafic de drogue et d’armes, de la traite des êtres humains, des conséquences du changement climatique sur l’homme et l’environnement, ou encore de la migration.

À travers toutes ses activités, l’organisation œuvre en faveur de l’égalité des genres et du soutien aux jeunes. Les écoles, par exemple, font l’objet d’une attention particulière car elles offrent un cadre idéal pour nourrir la confiance mutuelle, déconstruire les stéréotypes et améliorer la compréhension des droits humains universels.

Fidèle à ce concept de « sécurité globale », l’OSCE intervient dans toutes les phases des conflits : avant (prévention), pendant (médiation) et après (réconciliation, reconstruction).

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Image d'un arbre représentant l'approche multi-facettes de l'OSCE

Cet arbre OSCE représente l'approche multi-facettes (© OSCE).

Opérations de terrain

La majeure partie du travail de l’OSCE se déroule sur place, sous la forme d’opérations dites de terrain. C’est en effet au cœur même des pays que la paix et la confiance doivent se construire. Les opérations de terrain sont déployées dans quatre régions : Europe du Sud-Est (Albanie, Kosovo, Serbie…), Europe orientale (Moldavie, Ukraine), Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan…) et Caucase du Sud (Haut-Karabakh, Géorgie).

Les opérations de terrain sont créées à la demande des pays hôtes qui ont besoin d’aide pour mettre en pratique les engagements auxquels ils ont souscrit dans le cadre de l’OSCE. Certaines opérations visent à désamorcer des tensions. C’était entre autres le cas en Ukraine. Malheureusement, la Mission spéciale d’observation en Ukraine (MSO) a dû être annulée après l’invasion russe.

Souvent, les opérations de terrain jouent un rôle crucial dans les situations post-conflit, car elles contribuent à rétablir la confiance entre les communautés concernées. C’est le cas par exemple d’une mission de l’OSCE qui assure un rôle essentiel en tant qu’intermédiaire entre la Transnistrie et la Moldavie.

Exemples d’activités

  • Dans les républiques d’Asie centrale (Tadjikistan, Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Kazakhstan), l’OSCE œuvre activement en faveur de la prévention des conflits par le biais d’un « renforcement des capacités ». Ses actions en la matière passent entre autres par l’Académie de l’OSCE (au Kirghizstan) qui organise des formations traitant de politique et de sécurité ainsi que de gouvernance et développement économiques. Une attention particulière est également portée aux gardes-frontières par l’intermédiaire de l’École des cadres pour la gestion des frontières de l’OSCE (Border Management Staff College). Cette initiative vise entre autres le renforcement de la frontière entre le Tadjikistan et l’Afghanistan.
     
  • Par le truchement du BIDDH, l’OSCE a élaboré une norme de référence pour l’observation des élections. Tout État participant est tenu d’informer le BIDDH en cas d’élections prévues. À l’issue d’une analyse approfondie, le BIDDH met en place une mission d’observation électorale qui peut aller d’une simple assistance technique à une mission d’observation à part entière couvrant l’ensemble du pays. Ces dernières années, la Belgique a envoyé une délégation d’observateurs électoraux en Hongrie, au Kirghizstan, en Ouzbékistan et en Serbie. Les observations électorales effectuées par l’UE sont elles aussi basées sur la méthode du BIDDH.
     
  • L’opération de terrain (post-conflit) au Kosovo constitue la plus importante mission de l’OSCE et couvre l’ensemble du pays. Elle illustre parfaitement l’approche multidimensionnelle caractéristique : protection du patrimoine culturel et religieux, promotion de la liberté des médias et de la lutte contre la discrimination, encouragement de la participation des jeunes à la vie publique et politique, lutte contre le terrorisme et les cybermenaces, etc.
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Photo d'une remise de diplômes à des gardes-frontières au Tadjikistan

Dans les républiques d'Asie centrale, l'OSCE travaille à la prévention des conflits par le renforcement des capacités. Photo : Remise de diplômes à des gardes-frontières au Tadjikistan (© OSCE).

Contribution de la Belgique

Faisant partie des premiers à avoir ratifié l’Acte final d’Helsinki, notre pays dispose d’une représentation permanente auprès de l’OSCE à Vienne.

De septembre à décembre 2022 inclus, la Belgique présidera le Forum pour la coopération en matière de sécurité. La présidence est assurée à tour de rôle par tous les États participants de l’OSCE, selon l’ordre alphabétique.

La Belgique a déjà présidé l’OSCE. Pour accéder à la présidence de l’Organisation, un pays doit poser sa candidature, laquelle doit être acceptée à l’unanimité. La Belgique a également présidé d’autres structures de l’OSCE, entre autres la Commission consultative pour le régime « Ciel ouvert » (Open Skies Consultative Commission) en 2020. En parallèle, la Belgique participe activement à des opérations de terrain avec divers experts.

Relations avec d’autres organisations intergouvernementales

L’Union européenne collabore très étroitement avec l’OSCE, y compris sur le terrain. Le Traité de Lisbonne mentionne explicitement l’Acte final d’Helsinki comme référence. La Boussole stratégique en matière de sécurité et de défense récemment approuvée stipule que l’UE souhaite renforcer la collaboration avec l’OSCE.

L’OSCE considère les Nations Unies comme son principal partenaire. Le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est en effet vu confier la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pour sa part, la Charte des Nations Unies reconnaît officiellement l’OSCE comme une organisation régionale de sécurité.

L’OTAN soutient l’approche multidimensionnelle adoptée par l’OSCE. Elle considère dès lors l’OSCE comme un partenaire clé complémentaire.

Le Conseil de l’Europe considère lui aussi l’OSCE comme un partenaire majeur avec lequel il partage un objectif commun. Le Conseil, organisation qui compte 47 pays européens en qualité de membres et six pays non européens à titre d’observateurs, est principalement axé sur les droits humains, la démocratie et l'État de droit.

Forces et faiblesses

L’OSCE présente une valeur ajoutée indéniable. En effet, une grande partie des pays de l’hémisphère Nord s’y réunissent pour discuter de la paix dans la région, et agissent sur un pied d’égalité total : chaque pays y détient exactement le même poids. L’organisation offre un forum unique au sein duquel tous les pays peuvent discuter et négocier d’égal à égal.

De plus, toutes les décisions sont prises par consensus. Cela implique que toute décision de l’OSCE est très largement soutenue.

Cette force constitue aussi une arme à double tranchant, car dès qu’un pays ne partage pas une certaine ligne de conduite, il peut bloquer tout progrès. Néanmoins, le consensus et l'égalité de statut restent des principes essentiels pour l'OSCE.

Les opérations de terrain constituent le point fort de l’organisation, car elles concrétisent clairement l’approche multidimensionnelle de la sécurité. La présence sur le terrain, au plus près des personnes concernées, représente un atout majeur.

Grâce à sa structure simple, et moyennant l’obtention d’un consensus, l’OSCE peut intervenir relativement vite. Mais la polarisation croissante autour des conflits actifs et prolongés (protracted) dans le territoire de l’OSCE complique de plus en plus la prise de décisions significatives pour l’organisation, ce qui nuit indéniablement et considérablement à son fonctionnement interne.

Rôle potentiel dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine

La Russie et l’Ukraine disposent toutes les deux d’un droit de veto au sein de l’OSCE. Tant que subsiste un conflit actif, l’OSCE ne peut guère intervenir puisque l’action de l’OSCE dépend ou relève de la volonté politique et de la volonté de concertation pour passer à l’action. Cependant, dès qu’une trêve a été obtenue d’une manière ou d’une autre, l’organisation peut jouer un rôle de premier plan et déployer rapidement des actions.

Que réserve l’avenir ?

L’OSCE demeurera un forum unique au sein duquel tous les pays transatlantiques, européens et centrasiatiques continueront de se réunir, sur un pied d’égalité total. Cette particularité distingue l’OSCE des autres organisations. Par exemple, la Russie ne siège pas à la table de l’OTAN et de l’UE. Par ailleurs, au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, les membres permanents jouissent d’un poids plus important que celui des membres non permanents.

En outre, l’OSCE peut jouer un rôle significatif dès lors que la volonté politique est présente. Ainsi, même si certains dossiers complexes stagnent lors des réunions formelles, des contacts solides se nouent et des messages se transmettent dans les couloirs. À eux seuls, ces éléments constituent déjà des atouts.